Autre trait caractéristique, le Forum a pu recevoir de très forts contingents des pays de la région (Maghreb, Moyen-Orient, et Afrique subsaharienne), comme jamais auparavant. Au moins 10 000 inscrits non-Tunisiens ont donc été présents, dont énormément des pays d’Europe du Sud où sont localisées les grandes luttes de masses. Il y a eu au moins 300 QuébécoisEs, probablement plus en tenant compte des personnes qui sont venues en dehors des grosses cohortes (YMCA, Alternatives, étudiantEs d’UNI-Alter et de l’université d’Ottawa, FNEEQ, etc.)
Si sur le plan quantitatif, ce FSM s’avère un gros succès, il y a également plusieurs dimensions qualitatives. D’abord et c’était prévisible dans l’épicentre de l’arc des crises qu’est la Tunisie, le débat a été d’abord et avant tout politique, marqué par les révolutions du printemps arabe et dans la recherche d’alternatives politiques et sociales qui traversent toute la région. Les clivages antérieurs entre mouvements sociaux et partis politiques ont été largement dépassés, tout le monde étant conscient que la convergence est indispensable. Autre point fort du FSM, la question de l’égalité entre les hommes et les femmes, couplée aux luttes et résistances des femmes dans le monde dit arabo-islamique, ce qui a permis de faire éclater le mythe des « femmes victimes » pour démontrer la vigueur des luttes et de la place que les femmes occupent dans le dispositif des résistances. De manière parallèle se sont mené également d’intenses discussions sur les thèmes de la religion, de la laïcité, de l’islam. Les opinions sont très diversifiées, sauf qu’il en ressort la nécessité de repenser, y compris à gauche, le préjugé négatif face à l’Islam, souvent diabolisé dans un langage encore plein de racisme et de colonialisme. Pas plus mais pas moins que d’autres religions, l’islam est vu comme une réalité à géométrie variable, traduisant une grande part de la culture populaire.
Je n’insisterai pas trop sur les autres dimensions (énormes) du Forum : syndicalisme, écologie, éducation, médias, impérialisme, etc. Partout les ateliers étaient pleins de Tunisiens et d’étrangers avides de débatte et de connaître.
Presque tous les membres des délégations québécoises ont été impliqués dans les débats comme personnes-ressources et animateurs-trices.
Au total, le FSM a été réalisé par le travail acharné des mouvements sociaux tunisiens qui ont su dépasser leurs divisions et fonctionner ensemble avec un appui énorme des mouvements au Maroc, en Égypte, en Palestine et ailleurs. On a donc constaté que le « printemps arabe » était loin d’être terminé et que le désir de transformation était extrêmement fort en dépit de la crise économique, de la montée des mouvements de droite et des menaces des puissances impérialistes (notamment la France et les États-Unis).
Soulignons enfin que les NCS ont été bien présents dans ce forum. Raphael Canet, Roger Rashi, Ariane Bilodeau, Isabelle Bouchard, Pierre Beaudet et Jonathan Duguay ont été actifs tout au long du forum. Beaucoup de monde de beaucoup de pays se sont intéressé à notre revue, à notre contexte politique, aux Carrés rouges qui sont devenus franchement une référence incontournable au sein des mouvements populaires dans le monde.
Il y aura beaucoup d’autres choses à dire et donc il est attendu que la prochaine assemblée des NCS libère un espace de discussion sur le FSM, sur les perspectives des luttes et résistances dans le Maghreb et le Moyen-Orient, et sur l’impact de tout cela sur nos propres luttes populaires.
Pierre Beaudet
30 mars 2013
