En voyant les noms de récipiendaires du prix Nobel de la paix – Menahem Begin, MM. Henry Kissinger et Barack Obama –, on songe au mot du romancier Gabriel García Márquez, pour qui cette récompense serait plus justement nommée prix Nobel de la guerre. Cette année-ci, s’il est un peu moins belliqueux, il offre tout autant prise à la satire. Heureuse Union européenne gratifiée de ce qui pourrait être appelé le prix Nobel du narcissisme. On peut cependant compter sur Oslo pour se surpasser. Il faut espérer que l’an prochain le comité Nobel fasse ce qu’il convient : se décerner le prix à lui-même. Pourtant, l’honneur conféré à Bruxelles et à Strasbourg – qui ne sont pas sans se le disputer – arrive assurément à propos. Les premières années de notre siècle ont vu les vanités européennes aller crescendo. Elles se faisaient entendre dans l’affirmation que l’Union offrait à l’humanité le « parangon » du développement social et politique, selon la formule lancée par l’historien britannique Tony Judt et reprise par tant d’autres piliers de la sagesse européenne. Depuis 2009, les déchirements dans la zone euro ont apporté un désaveu cruel à ces débordements d’autosatisfaction. Mais ceux-ci ont-ils pour autant disparu ? Il serait prématuré de le penser, à s’en tenir à un exemple auguste : le livre récent du philosophe allemand Jürgen Habermas sur l’Union euro - péenne (1), qui fait suite à son Ach, Europa (2008). Le gros morceau de cet ouvrage, un article intitulé « La crise de l’Union européenne à la lumière d’une constitutionnalisation du droit international », illustre on ne saurait mieux ce qu’est l’introversion intellectuelle. Ses quelque soixante pages contiennent une centaine de références dont les trois quarts renvoient à des auteurs allemands, dont lui-même et trois de ses collègues – remerciés pour leur aide – émargent. Les autres références sont uniquement représentées par des auteurs anglo-américains, avec au premier chef (un tiers des références) son admirateur britannique, le politiste David Held, qui s’est illustré dans l’affaire Kadhafi (2). Aucune autre culture européenne n’a droit de cité dans cette naïve exhibition de provincialisme. Le sujet de l’article est bien plus frappant encore. En 2008, Habermas avait durement critiqué le traité de Lisbonne pour n’apporter aucun remède au déficit démocratique de l’Union et pour n’ouvrir aucun horizon moral et politique. Son adoption, écrivait-il, ne pouvait que « renforcer l’abîme existant entre les élites politiques et les citoyens (3) », sans fournir à l’Europe quelque orientation positive que ce soit. Ce qu’il fallait, au contraire, c’était un référendum à l’échelle européenne qui dote l’Union d’une harmonisation sociale et fiscale, de moyens militaires et, surtout, d’une présidence directement élue, qui, seule, sauverait le continent d’un futur « dicté par l’orthodoxie néolibérale ». Notant combien cet enthousiasme de Habermas en faveur d’une expression démocratique de la volonté populaire (dont il n’avait jamais montré le moindre signe dans son propre pays) tranchait sur ses vues traditionnelles, j’avais estimé qu’une fois le traité de Lisbonne ratifié il finirait sans doute par l’endosser discrètement (4).
Vers un éden insurpassable
Cette prévision s’est avérée inférieure à la réalité. Non seulement Habermas a empoché le traité, mais encore il s’en est fait le héraut. Il a maintenant découvert que, loin de renforcer un quelconque abîme entre élites et citoyens, le traité n’est rien moins que la charte d’une avancée sans précédent dans la marche vers la liberté humaine, qu’il redouble les fondations d’une souveraineté européenne résidant tout à la fois dans les citoyens et les peuples (et non dans les Etats) de l’Union, qu’il est une matrice lumineuse d’où naîtra le Parlement du monde futur. L’Europe de Lisbonne, conduisant un « processus de civilisation » qui pacifie les relations entre Etats, bornant l’usage de la force à la répression de ceux qui violent les droits humains, trace la voie qui mène de notre « communauté internationale » d’aujour - d’hui – indispensable, quoique encore imparfaite – à la « communauté cosmopolite » de demain, une espèce d’Union élargie qui embrassera jusqu’à la dernière âme sur terre. Avec de tels élans extatiques, le narcissisme des décennies passées, loin de faiblir, a atteint un nouveau paroxysme. Que le traité de Lisbonne parle non des peuples mais des Etats de l’Europe ; qu’il ait été adopté pour circonvenir la volonté populaire exprimée dans trois référendums ; qu’il consacre une structure qui n’a pas la confiance de ceux qui y sont soumis ; et que, loin d’être un sanctuaire des droits humains, l’Union qu’il codifie ait partie liée avec des actes de torture et d’occupation, sans que ses représentants les plus illustres ne disent mot : tout cela disparaît dans une autocélébration béate. Aucun esprit individuel n’équivaut jamais à une mentalité collective. Main - tenant décoré d’autant de prix européens qu’un maréchal brejnévien l’était de rubans, Habermas est sans doute en partie la victime de sa propre éminence : enfermé, comme le philosophe américain John Rawls avant lui, dans un univers mental peuplé presque exclusivement d’admirateurs et de disciples, de moins en moins capable de dialoguer avec des positions qui s’écartent des siennes de plus de quelques millimètres. Souvent salué comme le successeur contemporain d’Emmanuel Kant, il risque de devenir un moderne Gottfried Wilhelm Leibniz, construisant à coups d’euphémismes imperturbables une théodicée dans laquelle les maux de la dérégulation financière concourent aux bienfaits du réveil du cosmopolitisme (5), et où l’Occident fraie le chemin de la démocratie et des droits humains vers l’ultime éden d’une légitimité universelle. Sur ce point, Habermas représente un cas particulier, à la fois par sa distinction et par la corruption qui l’a ajecté. Mais l’habitude de faire de l’Europe le point de mire du monde, sans savoir grand-chose de la vie culturelle et politique qui s’y mène, n’a pas disparu ; et ce ne sont pas les tribulations de la monnaie unique qui suffiront à l’ébranler. Inutile d’insister sur le désarroi dans lequel la crise de l’euro a précipité l’Union. L’Europe est en proie à la récession la plus profonde et la plus longue jamais endurée depuis la seconde guerre mondiale. Pour en comprendre les sources, il faut prendre la mesure de la dynamique sousjacente qui est à l’oeuvre dans la crise de la zone euro. Pour dire les choses simplement, elle est la résultante de deux fatalités, indépendantes l’une de l’autre, qui se sont recoupées. La première, c’est l’implosion généralisée du capital fictif avec lequel les marchés ont fonctionné à travers le monde développé dans le long cycle de financiarisation qui a commencé dans les années 1980, alors que la profitabilité dans l’économie réelle se contractait sous la pression de la compétition internationale et que les taux de croissance faiblissaient d’une décennie à l’autre.
Les mécanismes de cette décélération, internes au capitalisme lui-même, ont été magistralement décrits par Robert Brenner dans son imposante histoire du capitalisme avancé depuis 1945 (6). Pour leur part, ses effets dans la croissance exponentielle de la dette privée et publique, étayant non seulement les taux de profit, mais aussi la viabilité électorale, ont été récemment analysés par Wolfgang Streeck (7). L’économie américaine illustre cette trajectoire avec une clarté paradigmatique. Mais sa logique vaut pour le système dans son entier. En Europe, cependant, une autre logique s’est mise en place avec la réunification de l’Allemagne et le projet d’union monétaire du traité de Maastricht, puis du pacte de stabilité, tous deux taillés suivant les exigences allemandes. La monnaie commune serait placée sous la tutelle d’une banque centrale de conception hayékienne (8) qui n’aurait de comptes à rendre ni aux électeurs ni aux gouvernements, mais qui viserait l’unique objectif de la stabilité des prix. Dominant la nouvelle zone monétaire, il y aurait l’économie allemande, désormais élargie aux pays de l’Est, avec, juste à ses frontières, un énorme gisement de main-d’oeuvre bon marché. Les coûts de la réunification ont été élevés et ils ont tiré vers le bas la croissance de l’Allemagne. Pour s’en dédommager, le capitalisme allemand a mis en œuvre une politique de répression salariale sans précédent, que les syndicats allemands ont dû accepter sous la menace d’une délocalisation accrue vers la Pologne, la Slovaquie ou au-delà.
Aucune communauté de destins
Pour l’Europe du Sud, les conséquences économiques étaient entièrement prévisibles (9). D’une part, avec l’augmentation de la production manufacturière et la baisse relative des coûts du travail, les industries exportatrices allemandes sont devenues plus compétitives que jamais, raflant une part croissante des marchés de la zone euro. D’autre part, à la périphérie de celle-ci, la perte correspondante de compétitivité des économies locales fut anesthésiée par un afflux de capitaux bon marché à des taux d’intérêt fixés de façon virtuellement uniforme dans toute l’union monétaire, conformément à des règles imposées par l’Allemagne. Lorsque la crise générale de surfinanciarisation née aux Etats-Unis frappa l’Europe, la crédibilité de cette dette périphérique s’effondra, faisant craindre des banqueroutes d’Etat en chaîne. Mais, alors qu’aux Etats-Unis des plans massifs de sauvetage publics pouvaient conjurer la faillite de banques, de compagnies d’assurances et de sociétés insolvables, et que l’émission de monnaie par la Réserve fédérale pouvait freiner la contraction de la demande, deux obstacles rendaient impossible la mise en œuvre dans la zone euro d’une telle solution provisoire. Non seulement les statuts de la Banque centrale européenne, consacrés dans le traité de Maastricht, lui interdisaient formellement de racheter la dette de pays membres, mais encore il n’y avait pas de Schicksals gemeinschaft – cette « communauté de destins » de la nation webérienne (10) – qui liât gouvernants et gouvernés en un ordre politique commun, où les premiers payeront au prix fort leur ignorance totale des besoins existentiels des seconds. Dans le simulacre européen de fédéralisme, il ne pouvait y avoir d’« union de transfert » sur le modèle américain. Aussi, quand la crise frappa, la cohésion de la zone euro pouvait seulement venir non de la dépense sociale, mais du diktat politique : la mise en place par l’Allemagne, à la tête d’un bloc de petits Etats nordiques, de programmes draconiens d’austérité – impensables pour ses propres citoyens – en direction des pays du Sud désormais incapables de retrouver de la compétitivité grâce à la dévaluation
Sous cette pression, les gouvernements de « petits » pays sont tombés comme des quilles. En Irlande, au Portugal et en Espagne, les régimes en place au début de la crise ont été balayés lors d’élections qui ont installé des successeurs portés à augmenter la dose de remèdes drastiques. En Italie, l’érosion interne et les interventions extérieures se sont combinées pour remplacer un gouvernement issu du Parlement par un gouvernement de « techniciens », sans recourir à des élections. En Grèce, un régime imposé par Berlin, Paris et Bruxelles a réduit le pays à une condition qui rappelle celle de l’Autriche en 1922, lorsqu’un haut commissaire fut placé à Vienne par l’Entente – sous la bannière de la Société des nations (SDN) – pour gérer à sa convenance l’économie du pays. L’homme choisi pour ce poste était le maire de droite de Rotterdam, Alfred Zimmerman, un partisan de la répression d’une tentative néerlandaise d’emboîter le pas à la révolution allemande de novembre 1918. A Vienne, où il resta en fonction jusqu’en 1926, « il critiqua inlassablement le gouvernement, souligna ses insuffsances, exigea toujours plus d’économies, toujours plus de sacrifices, de toutes les classes de la population », et, pressant le gouvernement « de stabiliser son budget à un niveau considérablement plus bas », il allarma « que le contrôle continuerait jusqu’à ce qu’on arrivât à ce résultat » (11). Dans tous les pays auxquels elles ont été administrées, les mesures visant à restaurer la confiance des marchés financiers dans la fiabilité des gouvernements locaux se sont accompagnées de la réduction des dépenses sociales, de la dérégulation des marchés et de la privatisation de biens publics : soit le répertoire néolibéral standard, assorti d’une pression fiscale accrue. Pour les verrouiller, Berlin et Paris ont résolu d’imposer l’exigence de l’équilibre budgétaire dans la Constitution des dix-sept pays membres de la zone euro – une notion longtemps déconsidérée aux Etats-Unis comme une idée fixe d’une droite cinglée.
Une nouvelle « relation spéciale »
LES POTIONS concoctées en 2011 ne guériront pas les maux de la zone euro. Les écarts de taux d’intérêt sur les dettes souveraines ne reviendront pas aux niveaux d’avant la crise. Et la dette qui s’accumule n’est pas uniquement publique, loin de là : selon des estimations, les créances douteuses des banques atteindraient 1 300 milliards d’euros. Les problèmes sont plus profonds, les remèdes plus faibles et ceux qui les administrent plus fragiles que les cercles officiels ne l’admettent. Alors qu’il est clair que le spectre des défauts de paiement ne s’est nullement estompé, les expédients bricolés par Mme Angela Merkel et M. Nicolas Sarkozy risquent de ne pas durer. Leur partenariat, il est vrai, ne fut jamais équilibré. « On peut s’attendre à ce que la puissance allemande s’exerce sous des formes plus brutales, non par le haut commandement ou la Banque centrale, mais par le biais du marché », écrivions-nous avant l’irruption de la crise (12). L’Allemagne, qui, plus que tout autre Etat, a été la responsable majeure de la crise de l’euro par sa politique de répression salariale à l’intérieur et de capital à bon marché à l’extérieur, a aussi été le principal architecte des tentatives pour faire payer la facture par les faibles. En ce sens, l’heure d’une nouvelle hégémonie européenne est arrivée. Avec elle est apparu, ponctuellement, le premier manifeste effronté d’une suzeraineté de l’Allemagne sur l’Union. Dans un article publié dans Merkur, la plus importante revue d’opinion de la République fédérale, le juriste de Constance Christoph Schönberger explique que la sorte d’hégémonie que l’Allemagne est destinée à exercer en Europe n’a rien à voir avec le déplorable « slogan d’un discours anti-impérialiste à la Gramsci ». Elle doit être comprise au sens constitutionnel rassurant donné par le juriste Heinrich Triepel, à savoir la fonction de guide dévolue à l’Etat le plus puissant au sein d’un système fédéral, à l’instar de la Prusse dans l’Allemagne des XIXe-XXe siècles. L’Union européenne correspond précisément à ce modèle : un consortium essentiellement intergouvernemental réuni dans un Conseil européen dont les délibérations sont nécessairement « insonorisées » et dont seule la science-fiction pourrait imaginer qu’il devînt un jour « la fleur bleue de la démocratie, pure de tout résidu institutionnel terrestre » (13). Mais, alors que les Etats représentés dans le Conseil européen sont des plus inégaux en taille et en poids, il serait irréaliste de penser qu’ils puissent se coordonner sur un pied d’égalité. Pour fonctionner, l’Union requiert que l’Etat qui l’emporte en population et en richesse lui donne cohésion et direction. L’Europe a besoin de l’hégémonie allemande, et les Allemands doivent cesser de se montrer timides dans son exercice. La France, dont l’arsenal nucléaire et le siège permanent au Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU) ne comptent plus pour grand-chose, devrait réviser d’autant ses prétentions. L’Allemagne devrait traiter la France comme Otto von Bismarck le faisait avec la Bavière dans cet autre système fédéral que fut le IIe Reich, gratifiant le partenaire inférieur de faveurs symboliques et de consolations bureaucratiques (14). La France acceptera-t-elle si facilement d’être abaissée au statut qui fut celui de la Bavière au sein du IIe Reich ? C’est à voir. L’opinion de Bismarck sur les Bavarois est bien connue : « A mi-chemin entre un Autrichien et un être humain. » Sous la présidence de M. Sarkozy, l’analogie n’aurait peut-être pas paru insolite, alors que Paris collait aux priorités de Berlin. Mais aujourd’hui, c’est peut-être un autre parallèle, plus contemporain, qui conviendrait mieux. L’anxiété que montre la classe politique française de ne jamais être séparée des projets allemands dans l’Union, mais d’y être toujours associée, rappelle de plus en plus une autre « relation spéciale » : celle des Britanniques qui s’accrochent désespérément à leur rôle d’aide de camp des Etats-Unis.
On peut se demander pour combien de temps l’autosubordination française durera sans la moindre réaction. Les fanfaronnades de M. Volker Kauder, secrétaire général de l’Union chrétienne-démocrate (CDU) d’Allemagne, disant que « l’Europe parle désormais allemand », sont plus faites pour susciter du ressentiment que de la docilité. Reste que, depuis bien des années, en raison notamment de la distorsion notable qu’entraîne le système électoral français, il n’est pas de classe politique dans l’Union qui ne soit plus unanimement conformiste dans ses vues que celle de la France. Attendre de M. François Hollande un peu plus d’indépendance économique ou stratégique, ce serait la victoire de l’espérance sur l’expérience. Pour la même raison, il n’y a pas de pays où le gouffre entre l’opinion populaire et les exhortations officielles est demeuré si profond. M. Hollande est arrivé au pouvoir de la même manière que M. Mariano Rajoy en Espagne, sans ferveur aucune de ses électeurs, comme la seule solution à portée de main ; il pourrait être aussi rapidement affaibli, une fois l’austérité arrivée. Au sein du système néolibéral européen, dont il est devenu l’intendant français, ce n’est qu’en Grèce que des troubles populaires importants se sont pour l’instant produits – même si l’Espagne connaît des secousses prémonitoires. Ailleurs, les élites ont encore à entendre les masses. Il n’y a pas de garantie, il est vrai, que même les épreuves les plus rudes fassent éclater les réactions des peuples plutôt qu’elles ne les paralysent, comme l’a démontré la passivité des Russes sous le gouvernement catastrophique de M. Boris Eltsine. Mais les peuples de l’Union sont moins abattus, et, pour peu que leurs conditions de vie se détériorent nettement, leur patience risque d’être plus limitée. A l’arrière-plan de tous les scénarios, il y a une réalité glauque : même si la crise de l’euro pouvait être résolue sans que les plus faibles en pâtissent – ce qui est fort improbable –, la contraction sous-jacente de la croissance demeurerait.
PERRY ANDERSON.
Notes
(1) Jürgen Habermas, Zur Verfassung Europas, Suhrkamp, Francfort, 2011. Traduit en français sous le titre La Constitution de l’Europe, Gallimard, Paris, 2012.
(2) Held était le patron et directeur de thèse de M. Saïf Al-Islam Kadhafi à la London School of Economics (LSE). Ce dernier reçut un doctorat pour une thèse qu’il n’avait pas écrite, alors que la Libye avait fait une grosse donation à l’école. Au lendemain du scandale, Held dut quitter la LSE et le directeur démissionner.
(3) Jürgen Habermas, Ach, Europa. Kleine politische Schriften XI, Suhrkamp, 2008, p. 105.
(4) Cf. Le Nouveau Vieux Monde, Agone, Marseille, 2011, p. 651-655. En 2005, l’intervention passionnée de Habermas dans la campagne du référendum français sur le traité constitutionnel européen, sa prédiction d’une catastrophe s’il était rejeté, s’était accompagnée d’un silence absolu quant à l’absence de toute consultation populaire en Allemagne, comme d’ailleurs des années plus tôt pour le traité de Maastricht.
(5) « The cunning of economic reason », Zur Verfassung Europas, op. cit., p. 77.
(6) Robert Brenner, The Economics of Global Turbulence, Verso, New York, 2006. Pour prolonger cette histoire jusqu’à la crise de 2008, cf., du même auteur, « L’économie mondiale et la crise américaine », dans Agone, no 49, « Crise financière globale ou triomphe du capitalisme ? », Marseille, 2012. Cf., dans la New Left Review, no 54, Londres, novembre-décembre 2008, p. 49-85, les actes d’un symposium sur les travaux de Brenner par ces autorités de l’« anglosphère », de l’Europe et du Japon que sont Nicholas Crafts, Michel Aglietta et Kozo Yamamura.
(7) Lire Wolfgang Streeck, « La crise de 2008 a commencé il y a quarante ans », Le Monde diplomatique, janvier 2012.
(8) NDLR. Du nom de l’économiste libéral autrichien Friedrich Hayek (1899-1992). En 1974, il a reçu le prix de la Banque royale de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel.
(9) Pour des chiffres sur les coûts salariaux allemands entre 1998 et 2006 et une prévision de leur incidence sur les économies de l’Europe du Sud, cf. Le Nouveau Vieux Monde, op. cit., p. 81-82.
(10) NDLR. Concept utilisé notamment par le sociologue allemand Max Weber (1864-1920).
(11) Cf. Charles A. Gulick, Austria from Habsburg to Hitler, University of California Press, Berkeley, 1948, vol. I, p. 700.
(12) Le Nouveau Vieux Monde, p. 82.
(13) Empruntée au poète Novalis, qui en faisait une métaphore de l’aspiration humaine à l’infini, la formule de la « fleur bleue » est devenue proverbiale en Allemagne.
(14) Christoph Schönberger, « Hegemon wider Willen. Zur Stellung Deutschlands in der Europäischen Union », Merkur, no 752, Stuttgart, janvier 2012, p. 1-8. Triepel, qui fournit un modèle conceptuel à Schönberger, n’était pas seulement un fervent admirateur du gouvernement de l’Allemagne sous domination prussienne que Bismarck exerça. En 1933, il salua la prise de pouvoir d’Adolf Hitler, qu’il qualifia de « révolution légale », et il termina son ouvrage sur l’hégémonie (1938) par un éloge du Führer comme l’homme d’Etat qui, par l’annexion de l’Autriche et des Sudètes, avait enfin réalisé le vieux rêve allemand d’un Etat pleinement réunifié (Die Hegemonie. Ein Buch von führenden Staaten, Kohlhammer, Stuttgart, 1938, p. 578).