Pour bien mesurer le pouvoir d’un leader charismatique sur un public gonflé à bloc, on peut visionner le film de Gilles Groulx (ONF, 1973) où, vers onze minutes dans le métrage, on voit Louis Laberge, président de la FTQ, chanter Un coup de matraque, ça frappe en tabarnak. C’était en 1972, pendant la crise du lock-out de La Presse. On se souvient de la décennie 1968-1978 comme en étant une de grande agitation. Ce qui n’empêchait pas Yvon Charbonneau ou Marcel Pepin, deux syndicalistes cérébraux peu enclins aux débordements populaires, de faire vrombir les foules.
À l’inverse, on pourrait dire que la longue période mise en branle en 1981, séquence temporelle qui se poursuit de nos jours, a été socialement, malgré les injustices, d’une telle froideur, d’une telle timidité, d’un tel manque d’espoir, qu’un tribun naturel comme Jacques Létourneau n’aura pas réussi à mettre en branle un déferlement (justifié, légal et non violent) de colère populaire. En ce sens, reconnaît-il lui-même, il est l’homme d’une autre époque.
Malgré son âge (61 ans), Jacques Létourneau est de l’époque des partenariats syndicalo-patronaux, des référendums perdus, de la dynastie Bouchard-Charest-Couillard, de l’anti-socialisation des réseaux sociaux, voire de l’inquiétant dérèglement planétaire. Grand guerrier du syndicalisme étudiant, vainqueur d’une bagarre de maraudage FTQ, pivot du Conseil central de la CSN à Montréal, lobbyiste impliqué à l’international, il sera président de la centrale centenaire pendant neuf ans, sans jamais vraiment pouvoir faire usage de ses grands talents d’orateur et de mobilisateur. Il ne sera pas remémoré comme un Michel Chartrand ou un Louis Laberge, mais comme un bon président qui a fait tout son possible dans une conjoncture politique où les Couillard-Legault distribuaient les cartes.
Jacques Létourneau carbure à l’action. C’est notamment ce qui l’a amené à briguer la mairie de Longueuil. Il voulait y faire plein de trucs. Mais bon... On lui a préféré une jeune femme au potentiel prometteur. Alors, que font les tribuns délestés ? Ils deviennent commentateurs dans les médias. Effectivement, notre homme y excelle, cela sans langue de bois. Mais le demeurent-ils longtemps ? Certains, oui. Mais la plupart rempilent en politique. La loi numéro un y est de ne « jamais dire jamais ». C’est connu.
Ceux pour qui importe un récit limpide, coloré, vrai et un tantinet humoristique, auront certainement raison de s’offrir cette émission qu’on n’a pu vous présenter autrement qu’en trois segments à vitesse grand V de 27 minutes chacun.
Bon visionnement.
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