Tiré de Europe solidaire sans frontière.
Surgi l’année passée en réponse à l’appel de nos sœurs argentines de Ni Una Menos, à se mobiliser le 25 novembre, la journée internationale contre les violences faites aux femmes , N1DM a pris toute suite une ampleur inattendue. Le samedi 26 novembre 2016 150.000 femmes* [2] ont inondé les rues de Rome en criant leur indignation face à toutes formes de violences : sexuelle et de genre, domestique, sociale, économique, idéologique, raciale, patriarcale et hétéronormative… dont elles sont l’objet.
Une nouvelle génération de lycéennes, étudiantes, jeunes précaires s’est déclarée – dans les pratiques outre que dans les mots – féministe, radicale et intersectionnelle c.à.d. qui n’est préte à accepter aucune forme d’injustice ou d’oppression sociale et culturelle, qu’elle soit de nature raciale, de classe, de genre, d’origine ou de quelconque type.
Les organisatrices du mouvement, dont le noyau initiale était composé par la coordination des collectifs féministes romains Io Decido et la coordination des centres (refuges)antiviolences DIRE, ont dès le début inscrit le mouvement dans la durée en convoquant le lendemain de la manif une assemblée générale (participée par 1.500 femmes*) qui s’est donné comme objectif d’élaborer un Plan Féministe de base contre les violences faites aux femmes. Plus que d’un simple plan qui devait contraster le Plan que le gouvernement était en train d’émaner, N1DM a produit, à travers 9 commissions thématiques et 5 assemblées nationales un véritable Manifeste politique qui concerne tous les aspects de la vie des femmes* et qui analyse les mécanismes de l’oppression structurelle dont la violence physique n’est que le sommet visible de l’iceberg. Le Plan comprend soit une vision d’ensemble soit des mesures concrètes concernant par exemple les lois sécuritaires qui empèchent une insertion digne et légale des immigrées ou les récentes mesures qui précarisent de plus en plus le marché du travail (Jobs Act) et aggravent l’exploitation.
A la suite de l’énorme succès de la manif du 26 novembre 2016, des assemblées N1DM se sont constituées dans des dizaines de villes, en reprenant les grands thèmes des commissions de travail et en les articulant dans des actions locales spécifiques. Sur la question de l’objection de « conscience » des médecins anti-avortement, de la discrimination des femmes travailleuses ou le harcèlement dans les lieux de travail, l’éducation androgène dans les écoles, le sexisme dans les médias, etc…
Un nouveau défi a été vaincu avec la prise en charge de la journée du 8 mars par N1DM qui a bouleversé la routine, faite de paroles vides et de mimosas. De nouveau N1DM a répondu à l’appel international à la GREVE des femmes. Une grève à pratiquer dans les entreprises mais aussi par rapport au travail – non rétribué et invisibilisé – reproductif (domestique et de soin), et par rapport aux impositions liées aux genres. Le logo, les slogans et les vidéos qui expliquaient les raisons et les modalités de la grève ont inondé les medias sociaux. Cela a été un succès en Italie et au niveau international.
Pendant ce temps les travaux pour l’écriture – collective et d’en bas – du manifeste ont procédé et ont culminé finalement dans le Plan (un livret de 56 pages) que nous avons présenté à l’occasion de ce 25 novembre, quand N1DM est descendu de nouveau dans les rues de la capitale.
Tout en étant un mouvement très politisé – qui présente une alternative globale de société, solidaire, écologique, internationaliste, anticapitaliste et antipatriarcale – N1DM sauvegarde soigneusement son autonomie par rapport au scénario politique traditionnel. Aucun des outils politiques réellement existants – partis, syndicats, … — sont considérés comme utilisables pour la réalisation de notre Plan. Au contraire N1DM se méfie beaucoup de l’instrumentalisation du discours féministe de la part de ces organisations pour leur propre compte. Le mouvement préfère donc créer ces propres moments de mobilisation, à partir de son propre programme, avec ses modes d’expression et d’organisation, incluants mais subordonnés à personne. Et en même temps il pratique des formes d’auto-organisation, souvent désobéissantes par rapport aux lois injustes, pour répondre aux exigences immédiates des femmes, en matière de contraception et IVG, refuges, logement, création de revenu, défense des conditions de travail, etc…
Notre prochaine échéance, nationale et internationale, sera le 8 mars 2018 où nous répèterons, en l’élargissant l’expérience, la grève des femmes, en répondant de nouveau « presente » à l’appel des femmes argentines.
Nadia de Mond
* Ecrit pour le périodique suisse Solidarités.
* Nadia De Mond, (Italo-Belge), féministe marxiste, membre du réseau Communia et activiste du mouvement Non Una di Meno
Notes
[1] L’astérisque après le mot femmes demande toute suite une explication. Il s’agit bien d’un mouvement conçu et dirigé par des (jeunes) femmes mais qui n’exclut personne. Au contraire toutes les subjectivités sexuellement non-conformes, LGBTQIA, sont comprises dans ce mouvement qui se définit féministe et les garçons peuvent participer – en cédant, cette fois, les premiers rangs – aux initiatives.
[2] Idem.
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