Édition du 17 décembre 2024

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International

Guerre contre l’Irak : cinq ans de meurtres et de pillage

L’exode de la classe moyenne, la mort d’un million d’Irakiens, cinq millions de déplacés, le pillage du patrimoine historique ... est-ce cela les réalisations dont se glorifie le président Bush ?

Il y a cinq ans, les troupes américaines ont lancé, depuis des bases militaires situées dans les états arabes voisins, l’agression qui a abouti à l’occupation de l’Irak, en invoquant plusieurs prétextes : renverser un régime dictatorial, libérer le peuple irakien, répandre la démocratie dans l’ensemble du monde arabe et trouver un règlement au conflit arabo-israélien.

La guerre reposait sur une série de mensonges : les armes de destruction massive, les liens étroits et avérés entre l’ancien régime irakien et l’organisation Al-Qaïda, l’implication des extrémistes dans les évènements du 11 septembre, avec une attaque sanglante contre la tour du World Trade Center à New York.qui a causé la mort de trois mille Américains.

Le problème de ceux qui ont déclenché ces guerres injustes et illégales, c’est que, comme ils ne reconnaissent pas leurs erreurs sur le fond, ils n’en tirent pas les leçons. L’exemple le plus flagrant, c’est le discours prononcé par le président Georges Bush : il n’a pas de regret, dit-il, tout en vantant les succès de ses troupes et promettant une grande victoire stratégique.

Certes, les troupes américaines ont renversé l’ancien régime irakien, elles ont condamné à mort son président après un procès honteux. Mais elles n’ont atteint aucun de leurs autres objectifs : les régimes dictatoriaux arabes se sont renforcés, encore plus répressifs et corrompus, le processus de paix américain pour résoudre la question palestinienne est toujours dans l’impasse ; et Al Qaida s’est renforcée et étendue, avec des ramifications au Maghreb, en Somalie et en Europe. Sa défaite en Irak est liée aux erreurs de certains de ses dirigeants qui, imbus d’eux-mêmes, ne comprennent pas la nature du peuple irakien ; certains signes cependant révèlent un processus de redressement et de rectification, laissant penser que cette défaite n’est peut-être que provisoire, comme le montrent le retour, depuis quelques jours, des opérations suicide et des explosions à Bagdad ainsi que l’augmentation constante du nombre d’attaques visant les forces américaines.

Où sont les réalisations dont se glorifie le président Bush ? nous ne le savons pas. Mais quelques heures avant que le vice président américain, Dick Cheney, n’arrive à Bagdad en catimini, comme un voleur, un attentat suicide a eu lieu à Kerbala, tuant au moins cinquante personnes, tandis que deux semaines plus tôt, à Ghazaliya et à Aljadida , deux femmes avaient déclenché leur ceinture d’explosifs au milieu d’un marché bondé , faisant au moins cent morts.

Le fait que depuis quelques mois les explosions diminuent à Bagdad n’est pas lié au nombre de soldats américains ou aux dispositifs de sécurité irakiens qui coopèrent avec eux ; c’est lié à l’achèvement des opérations d’épuration ethnique et confessionnelle qui ont provoqué la mort de trois mille personnes par mois au cours des années 2006 et 2007, période au cours de laquelle des quartiers de Bagdad, qui étaient des exemples de coexistence confessionnelle, ont été transformés en en ghettos sunnites ou chiites, entourés de murs affreux, où les points de contrôle militaires sont tout à fait semblables aux points de contrôle israéliens dans les villes et les villages de Cisjordanie.

L’exode de la classe moyenne, la mort d’un million d’Irakiens, cinq millions de déplacés, le pillage du patrimoine historique, la destruction du plus grand foyer de rayonnement culturel, civilisationnel, scientifique de la région, la guerre civile confessionnelle, l’Irak classé parmi les pays les plus corrompus du monde, est-ce cela les réalisations dont se glorifie le président Bush, leader monde libre et prophète de la démocratie et des droits de l’homme dans le monde ?

La guerre a renversé le précédent régime irakien, c’est indéniable, mais cela a-t-il été fait dans l’intérêt du peuple irakien ? ou dans l’intérêt d’Israël, afin de maintenir cet état en tant que puissance nucléaire régionale majeure dans le monde arabe ? ou pour le pétrole dont les réserves atteignent plus de deux cents milliards de barils comme l’a reconnu ouvertement Allan Greenspan, ex président de la Banque Centrale Fédérale, dans ses souvenirs publiés l’an dernier ?

Dernière question : ces réalisations valaient-elles toutes ces pertes matérielles et humaines qui ont affligé en même temps le gouvernement et le peuple américains ? Donald Rumsfeld , secrétaire d’état à la Défense américaine, a estimé le coût matériel de la guerre à environ cinquante milliards de dollars, tandis que Paul Wolfowitz, secrétaire d’état à la Défense et l’ un des principaux artisans de la guerre, a affirmé que le pétrole irakien permettrait d’assurer totalement le financement de la reconstruction. Il y a deux mois, un rapport officiel du Pentagone a affirmé que ces dépenses atteignaient 600 milliards de dollars tandis que Joseph Stiglitz, Prix Nobel d’économie, affirme qu’en réalité les dépenses oscilleraient entre trois et cinq trillions de dollars (5000 milliards de dollars) et il attribue l’effondrement de l’économie américaine à la malédiction de la guerre en Irak, effondrement dont les effets négatifs retentissent sur la plupart des bourses occidentales et mondiales.

Si on ajoute les pertes humaines dans les rangs des troupes américaines -qui approchent le seuil psychologique de quatre mille morts-, trente mille blessés, 175 morts dans les rangs des troupes britanniques et autant dans les rangs des forces multinationales, ce sont autant de signes du désastre américain, de plus en plus évident.

Cheney a fait la tournée des capitales arabes pour les rallier à une guerre quasi certaine contre l’Iran, l’Iran, grand vainqueur de cette guerre contre l’Irak, car c’est lui qui contrôle effectivement l’Irak à travers les milices qui lui sont affiliées et il est maintenant en position d’humilier l’administration américaine et de jouer avec les nerfs de ses dirigeants. Or c’est cette administration qui lui a livré l’Irak sur un plateau d’argent, par l’intermédiaire de ses alliés aujourd’hui au pouvoir à Bagdad,.

Le président Bush qui parle de grande victoire stratégique en Irak est la dernière personne qui comprenne quoi que ce soit à la stratégie, et sans doute à tout autre chose. Car l’agression contre l’Irak et l’occupation ont porté atteinte à un équilibre stratégique majeur, en détruisant le pays et son armée et en faisant de l’Iran la principale puissance militaire, sans véritable rival parmi les états voisins. Car l’Iran a utilisé le fait que l’Amérique était occupée à renverser son pire ennemi pour développer une industrie de guerre avancée : ses arsenaux sont pleins de missiles, de toutes formes et dimensions, de sous-marins modernes et son programme nucléaire lui donnera, dans deux ans au plus, la capacité de produire des têtes nucléaires.

L’Irak nouveau est le principal témoin du crime américain, le plus désastreux de l’Histoire moderne ; c’est pourquoi il est impératif de demander des comptes et de présenter les responsables devant des tribunaux internationaux spécialisés dans les crimes de guerre , non seulement pour le peuple irakien qui a enduré tant de crimes, d’exil, de famine, et de destruction, de pillage de ses richesses, mais aussi pour le peuple américain, l’économie mondiale, les valeurs occidentales,les traités internationaux relatifs à la justice et aux droits de l’homme.

Ce qui nous surprend et nous chagrine en même temps, c’est l’étonnante inertie des peuples occidentaux, américains et britanniques en particulier. Pourquoi ces peuples ne s’insurgent-ils pas contre leurs dirigeants, tels Bush et Tony Blair, les auteurs de ces crimes de guerre, après avoir découvert leurs scandaleux mensonges (comme la fable des armes de destruction massive et les relations avec Alqaïda ) destinés à les tromper et à leur vendre cette guerre illégale et immorale,

Dans ce bref aperçu, il nous est impossible d’oublier la meute de ceux qui, Irakiens par le nom, ont fait de l’Irak une entreprise de pillage, qui, poussés par des haines confessionnelles malsaines, ont participé avec zèle au crime de l’agression et collaboré avec servilité aux services de sécurité et aux plans américains et britanniques, et parmi eux des docteurs, des patrons et des gens de haut rang.

Ils ont voulu faire de l’Irak un cimetière pour les gens honnêtes et les innocents, une vache à lait pour s’enrichir rapidement. Une fois leur projet réalisé, ils sont retournés vers leurs exils dorés en Europe, chargés de milliards, tandis que les Irakiens souffrent, sans électricité, ni eau, ni carburant, ni nourriture, privés de paix et de sécurité.

Répétons-le de crainte de ne pas avoir étés entendus : pour que cesse le calvaire du peuple irakien, il faut appeler les choses par leur nom, afin de construire sur des bases nouvelles et saines, quand toutes les poches de pourriture actuelles, -et en premier lieu les troupes d’occupation et ceux qui collaborent avec elles-, auront été démantelées et éliminées. Car c’est un échec : 170 000 soldats américains, le double pour les forces de sécurité et la garde républicaine irakiennes, les milices confessionnelles et irakiennes, 75 000 membres des forces du Réveil qui collaborent avec l’occupant et la coalition, tous ensemble, ils n’ont pas réussi à sécuriser la Zone Verte dont la surface ne dépasse pas dix kilomètres carrés ; Bush, entouré de ses agents irakiens, ne peut circuler tranquillement dans la moindre rue d’Irak, en souriant à ceux qu’il a libérés.

Cela signifie qu’il y a un gigantesque disfonctionnement auquel il faut remédier de façon radicale, par tous les moyens. L’occupation de l’Irak a révélé au grand jour un visage de l’Islam favorable aux Américains et à la collaboration, un Islam valet de l’occupation et de la collaboration avec l’occupant. A l’heure où le président Bush s’érige en champion de la guerre contre le fondamentalisme islamiste rigoriste dans différentes régions du monde, c’est sans scrupule qu’il étreint un islamisme fondamentaliste et le hisse au pouvoir en Irak, à condition qu’il adhère avec zèle aux institutions choisies par l’occupant. Et sur ce plan-là, le fondamentalisme du parti islamique sunnite et celui du Haut Conseil chiite sont à égalité.

L’allégeance aux Américains et à leurs plans, tel est le critère qui distingue un bon fondamentaliste d’un fondamentaliste terroriste.


Source : 20 mars 2008 - Al Qods Al Arabi - Traduction de l’arabe : Anne-Marie
http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=4078

Image : 29 mars 2008 : une frappe aérienne américaine a tué et blessés plusieurs civils dans Bassorah


Voir en ligne : http://www.info-palestine.net/artic...

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