Depuis peu, des centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) poussent le bouchon encore plus loin en confiant le rôle d’intervenante pivot à n’importe quelle professionnelle, peu importe sa spécialité. Or, son intervention est cruciale car c’est elle qui possède une vue d’ensemble sur les services à donner, à une personne âgée par exemple, et qui élabore le plan d’intervention en fonction des besoins de la personne. Selon Carolle Dubé, présidente de l’APTS, « confier ce rôle central au mauvais professionnel représente un gaspillage de temps et d’énergie. Le risque d’erreurs est décuplé, ce qui stresse les intervenantes qui doivent se pencher sur des cas en dehors de leur zone d’expertise. Pour utiliser un langage que le ministre Barrette apprécie, on fait le contraire d’optimiser les ressources. »
Comme on peut le lire dans Le Devoir de ce matin dans un article intitulé « Des professionnels de CLSC lancent un cri du cœur », la situation est critique. Une travailleuse sociale de la Rive-Nord de Montréal a indiqué à l’APTS avoir reçu de ses patrons le dossier d’une patiente atteinte d’un problème d’ordre médical, pour lequel elle devait assurer le suivi de tâches relevant d’une infirmière (la gestion des prélèvements à domicile et des rendez-vous médicaux, la sortie de l’hôpital, etc.). Une fois le dossier complété, il a été remis à une infirmière qui l’a jugé inadéquat et l’a complètement refait. Résultat : perte de trois jours de travail pour la travailleuse sociale. « L’imposition du rôle d’intervenante pivot aux mauvaises professionnelles leur fait perdre un temps précieux. Celles-ci doivent en effet laisser de côté leurs propres patients afin de gérer des dossiers qui ne relèvent pas de leur champ d’expertise. Du coup les patients attendent encore plus longtemps pour recevoir des services » s’indigne Carolle Dubé.
Silence de Gaétan Barrette
L’automne dernier, l’APTS avait démontré quelques-uns des stratagèmes utilisés par les établissements pour réduire artificiellement les listes d’attente, dont l’imposition de thérapies de groupe au lieu de thérapies individuelles, même lorsque ce n’est pas approprié.
À la suite de cette révélation, le ministre de la Santé et des Services sociaux, Gaétan Barrette, avait lancé un appel public à la dénonciation de ces stratagèmes. Il avait également promis d’intervenir auprès des établissements concernés. Quelques mois plus tard, force est de constater que les problèmes perdurent. À l’invitation publique du ministre, nous maintenons une vigie constante des problèmes liés à la gestion des listes d’attente. Selon la présidente de l’APTS, « pas de doute, si rien n’est fait, le presto va sauter ! On ne peut pas exiger des intervenantes qu’elles fassent les tâches d’autres professionnelles en plus des leurs. La pression est trop forte. Les grands perdants seront encore une fois les personnes les plus vulnérables. »