M. Robert Joly, à l’émission Maisonneuve en direct, sur les ondes de Radio-Canada à Montréal :
Pierre Maisonneuve — Alors ma question, elle est la suivante : Est-ce que l’existence de votre comité empêche qu’il y ait autorisation [de travaux de fracturation] jusqu’à ce que vous ayez remis votre rapport ?
Robert Joly — À vrai dire, ça n’empêche pas formellement. Mais ça fait en sorte que tout le monde est sur son quant-à-soi et puis en attente du résultat de l’Évaluation environnementale stratégique.
(Lire plus bas la retranscription complète de l’entrevue.)
En d’autre mots : Rien n’empêche juridiquement le ministère des Ressources naturelles et le ministère du “Développement durable” (guillemets intentionnels) d’autoriser des travaux de forage ou de fracturation.
Ce que dit M. Joly, c’est ceci : Nous, à l’ÉES, on a décidé de ne pas demander de fracturations à des fins de connaissances scientifiques.
À ma lecture du climat politique, j’avancerais qu’une fracturation d’ici 18 mois susciterait un tel tollé, que son éventualité en est d’autant réduite. Sans parler des actions directes non violentes que nous entendons déployer.
Nous avons gagné du temps. De mois en mois, le temps, c’est un gain stratégique vital dans une lutte comme celle-ci.
Morale : la mobilisation citoyenne est payante.
Il faudra toutefois, pour gagner, qu’on se serve du temps pour poursuivre le travail d’organisation qui servira à remporter définitivement la lutte.
Voici venu le temps de se préparer à bloquer l’industrie sur le terrain en se formant à la résistance civile.
Car il faudra, dans les prochains mois, monter un formidable mouvement de surveillance et de résistance aux activités des gazières.
Notre dévouement sera la seule garantie que l’industrie ne s’implantera pas à moyen terme, voire qu’elle ne s’implantera jamais.
Continuons de travailler ensemble et les gaz de schiste resteront sous Terre pour au moins une génération, peut-être même pour toujours.
Avec le temps dont nous disposons, il faudra également nous occuper des autres énergies sales au Québec, dont la menace du pétrole de schiste sur Anticosti et le pétrole de Old Harry.
Transcription détaillée de l’entrevue de M. Joly
Le 2012-04-04, émission Maisonneuve en direct, sur les ondes de Radio-Canada (Montréal).
Entrevue avec Robert Joly, président du comité d’experts de l’Évaluation environnementale stratégique (ÉES) sur les gaz de schiste.
À 26:40
Pierre Maisonneuve (PM) :
Vous dites : aujourd’hui, on ne recommandera pas au ministre d’autoriser des projets de fracturation aux fins d’acquisition de connaissances. Autrement dit, on avait pensé qu’on pouvait permettre d’avoir certains puits où on fait de la fracturation pour évaluer tout ça. Mais vous dites : c’est pas ça qu’on va recommander nous, ou qu’on va faire.
Robert Joly (RJ) :
Oui ben, c’est ça. On nous avait donné comme mandat d’examiner ces cas-là, s’il y avait des demandes qui étaient faites, et pour se prononcer à savoir si c’était utile ou pas pour les fins d’acquisition de connaissances.
PM — Vous dites, on n’a pas besoin de ça.
RJ — Ce qu’on constate. La question, c’est pas tout à fait ça qu’on n’a pas besoin, parce qu’en fait on peut toujours acquérir des connaissances. C’est que, vu d’aujourd’hui, on voit bien qu’il n’y a eu aucune activité dans la dernière année et on ne voit pas qu’il y en ait d’autres, on ne voit pas qu’il y ait d’autres demandes d’autorisation qui pourraient être formulées au cours des mois qui viennent.
Alors, vu d’aujourd’hui, on peut pas intégrer ça dans notre plan, en disant : on va acquérir des connaissances avec ces fracturations-là. On pense qu’il n’y en aura pas. Alors, on va plutôt travailler sur des moyens alternatifs. On s’est dit : qu’est-ce qu’on peut faire à la place ?
On va plutôt y aller par des expérimentations en laboratoire. On va recréer les mêmes conditions et on va voir ce que ça donne. Et on va également se baser sur des informations qui ont été recueillies depuis quelques années.
[Suite sur l’information donnée aux opposants et la tenue des séances d’information de décembre 2011.]
À 28:25
PM — Maintenant, votre comité d’évaluation, vous en avez pour combien de temps encore avant qu’on sache… parce qu’entre-temps, là, il y a rien qui va se faire sur le terrain…
RJ — À vrai dire, euh…
PM — …où est-ce que des choses se font, même si vous êtes au travail ?
RJ — C’est à dire que nous, notre travail, d’abord sur le plan de l’échéancier, on pense qu’on va arriver à terme en novembre 2013. Au global, le ministre nous avait donné un mandat de 30 mois, mais qui a débuté au mois de mai dernier. Donc, novembre 2013, on devrait être en mesure d’arriver avec des recommandations.
Maintenant, sur le terrain, comme je disais tantôt, nous on avait la possibilité de regarder des fracturations. Donc, de recommander des fracturations si c’était utile pour des informations…
PM — Mais là vous dites : on en fera pas de ça…
RJ — On n’en autorisera pas.
PM — Mais est-ce qu’il y en a des fracturations qui se font actuellement ? Ou bien donc, est-ce gelé tant que vous n’avez pas remis votre rapport ?
RJ — C’est à dire, ce qu’on constate, c’est qu’il n’y en a pas en ce moment. Il n’y a pas eu de demandes, pis en fait…
PM — Non, mais ce n’est pas… je n’ai pas demandé… Et si quelqu’un décidait d’en faire ?
RJ — Ben, ça lui prend une autorisation. Il ne peut pas le faire sans obtenir d’autorisation et du ministère des Ressources naturelles et du ministère du Développement durable.
PM — Alors ma question, elle est la suivante : Est-ce que l’existence de votre comité empêche qu’il y ait autorisation jusqu’à ce que vous ayez remis votre rapport ?
RJ — À vrai dire, ça n’empêche pas formellement. Mais ça fait en sorte que tout le monde est sur son quant-à-soi et puis en attente du résultat de l’Évaluation environnementale stratégique.
[Fin de l’entrevue sur les voyages du comité aux É-U et dans le reste du Canada.]
Transcription : Philippe Duhamel.