M. Saillant ajoute qu’une des obligations du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels auxquels le Canada a adhéré en 1976 est d’« agir au maximum de ses ressources disponibles, en vue d’assurer progressivement le plein exercice des droits ». Or, affirme-t-il, « la multitude d’exemples donnés, tout au long de la comparution, par les 18 membres du Comité de l’ONU montre que ce n’est pas le cas, ce qui se fait au détriment de la pleine réalisation des droits et surtout ceux des populations plus vulnérables ».
Le FRAPRU prend note du changement de ton de la délégation canadienne, comparativement à l’arrogance démontrée en mai 2006, quelques mois après l’arrivée au pouvoir du gouvernement conservateur de Stephen Harper. La cheffe de la délégation, Rachel Wernick, a d’emblée affirmé que celle-ci prend note « avec humilité » des préoccupations exprimées avec force hier par les membres du comité, notamment sur les peuples autochtones et leur droit à l’eau potable. « On a senti encore une fois la volonté du gouvernement Trudeau d’améliorer l’image du Canada sur la scène internationale », reconnaît François Saillant, en ajoutant que « les changements réels ne pourront toutefois plus attendre très longtemps ».
Or, la délégation canadienne s’est, pour une large part, contentée de faire l’étalage des politiques et des mesures gouvernementales déjà en place. Tout au plus, a-t-elle rappelé les engagements pris, avant et après les élections, par le gouvernement libéral dans un certain nombre de domaines : stratégie canadienne sur la réduction de la pauvreté et sur le logement abordable, réformes des prestations pour enfants, du supplément de revenu garanti pour les aînés, de l’assurance-emploi, etc.
Ottawa interpelé, mais aussi Québec
Le droit au logement a été un des sujets de préoccupation lors de la dernière journée de comparution. Le gouvernement fédéral s’est entre autres fait interpeler sur enjeux précis comme la fin des subventions fédérales à long terme à des centaines de milliers de logements sociaux existants, l’insuffisance du financement pour de nouveaux logements sociaux, le surpeuplement et les mauvaises conditions de logement en milieu autochtone, les besoins non-répondus de logements pour les personnes en situation de handicap et la criminalisation des sans-abri. Les questions sont demeurés sans réponse. Le gouvernement fédéral s’est toutefois félicité de l’approche Logement d’abord sur laquelle il a concentré toute sa stratégie de lutte à l’itinérance, ce qui s’est fait au détriment de la diversité d’interventions nécessaires pour prévenir et combattre ce problème dans toute sa complexité.
Le Québec n’a pas été épargné. La récente décision du gouvernement Couillard de diminuer de moitié son financement pour de nouveaux logements sociaux, de même que celui pour la rénovation domiciliaire, a été directement critiquée. De manière plus générale, les politiques d’austérité adoptées dans les dernières années au Québec ont fait l’objet d’un questionnement quant à leurs impacts sur la réalisation des droits, dont ceux à la santé et à l’éducation. Le représentant du Québec, le sous-ministre Éric Théroux n’a pas répondu à toutes ces questions.
Des membres du Comité de l’ONU sont par ailleurs revenus, à plusieurs reprises, sur l’insuffisance des prestations d’assistance sociale partout au Canada, en insistant sur la nécessité que personne ne reçoive une aide de dernier recours inférieure à ces montants qui ne respectent pas déjà le droit à un niveau de vie suffisant.
Le fait que le salaire minimum ne permette pas de sortir de la pauvreté, un peu partout au Canada, est aussi un des enjeux qui est revenu à quelques reprises. Éric Théroux a nié que ce soit le cas au Québec pour une personne travaillant 40 heures par semaine. Il a cependant dû, pour ce faire, se baser sur la mesure de pauvreté la plus basse, celle de la Mesure du panier de consommation (MPC).
Le FRAPRU satisfait
Au terme de la comparution du Canada, le FRAPRU s’est dit satisfait des questions et des préoccupations portées, ces deux derniers jours, par le Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU. Il se dit confiant que les observations finales et les recommandations que le Comité rendra publiques, le 7 mars, seront tout aussi pertinentes. Il espère que les gouvernements, tant fédéral que québécois, les recevront avec autant de sérieux, qu’ils répondront convenablement et surtout qu’ils y donneront suite.