Martine Joyal, ancienne partenaire du Centre international de solidarité ouvrière (CISO) et aujourd’hui travailleuse sociale, a produit un mémoire de maîtrise qui s’avère des plus intéressants pour notre organisation [1]1. Il se penche sur l’engagement syndical de cinq femmes nées hors Canada, travaillant dans le secteur de l’hôtellerie représenté par la CSN. Puisque la littérature sur ce sujet est rare, cela en fait un document utile.
Engagement syndical : intérêts individuels et collectifs
Le mémoire souligne que l’engagement syndical se situe à la croisée des intérêts individuels et collectifs. Il nous révèle trois constats :
Le premier est que l’engagement de ces femmes est compris par elles comme une stratégie de résistance contre les injustices vécues. Il permet également le développement de compétences particulières (connaissance des lois du travail, compréhension de la convention collective, capacité à s’exprimer en public, etc.) et de la confiance en soi, quand il n’est pas source d’émancipation. En effet, quoi de plus épanouissant que de se respecter en faisant valoir les droits d’une collectivité ? Quoi de plus satisfaisant que de chercher justice en combattant les modèles de domination, les abus de pouvoir ?
L’engagement syndical est également vu comme une expression de soi. Il fait foi de la capacité d’action des militantes, élément essentiel à l’éveil de conscience usant à leurs faculté à influencer. Cette expression de soi va même jusqu’à modeler l’identité de l’individu, tant à ses propres yeux qu’aux yeux de celles et ceux qui les côtoient. Ces femmes se savent fortes et déterminées et elles se sentent responsables des plus vulnérables.
Enfin, par l’exercice des droits, l’engagement syndical ouvre la porte à la citoyenneté et renforce donc l’idée de l’intégration à une communauté sociale et politique. Le sentiment d’appartenance à une collectivité atteste de l’inclusion et devient un enjeu de justice sociale puisque l’égalité se concrétise le jour où tous les groupes auparavant marginalisés font désormais corps avec le groupe prédominant, ici, la composante syndicale.
L’engagement syndical de ces femmes leur permet donc de franchir des frontières non géographiques : de leur zone privé vers une zone publique, de leur communauté d’origine vers une communauté mixte, de leur sphère sociale vers une sphère politique et enfin, de leur processus d’inclusion vers e vivre ensemble. Là se concrétise la participation à certains pouvoirs (syndicaux et politiques) et se pointe alors l’expression de la citoyenneté
Un syndicalisme enrichi
Bien que les femmes immigrantes, particulièrement celles des anciens pays du bloc de l’est, aient été au coeur des luttes dans le secteur du textile au début du 20e siècle au Québec, elles demeurent peu représentées dans les structures syndicales actuelles. Les femmes rencontrés ont rapporté qu’elles se sont senties flattés quand on les a approchés pour qu’elles s’impliquent syndicalement. Qu’attend-on pour en recruter en plus grand nombre ? Qu’attend-on pour leur faire savoir qu’n les reconnaître comme faisant partie intégrante de notre groupe et qu’elles peuvent devenir grandement utiles pour l’atteinte du bien collectif ? De solliciter les personnes issues de l’immigration pour qu’elles s’engagent dans nos structures syndicales s’inscrit en droite ligne de ce que pourrait être un aspect du renouveau syndical.
À la lecture du mémoire de Martine Joyal, une constatation s’impose : les motivations et les manifestations de l’engagement de nos collègues venus d’ailleurs ne diffèrent nullement de celles des personnes non issues de l’immigration. Ceci étant dit, leur implication témoigne d’une insertion exemplaire dans un nouveau milieu tout en l’enrichissant d’expériences et de visions de vie bien motivantes.
Priscilla Bittar
Conseillère syndicale