photos Yvan Perrier
Manifestement, les salarié.e.s des secteurs public et parapublic représenté.e.s par les organisations syndicales qui forment le Front commun intersyndical semblent réellement considérer qu’elles et qu’ils méritent mieux et plus que 9% d’augmentation salariale proposée par le gouvernement Legault pour les 5 prochaines années.
C’est à l’occasion de cette journée que le quotidien La Presse en a profité pour prendre position dans la négociation entre le Front commun intersyndical CSN-CSQ-FTQ et APTS et le gouvernement du Québec. Le quotidien de la rue Saint-Jacques, sous la plume de Stéphanie Grammond, appuie sans réserve et sous un raisonnement douteux l’offre monétaire du gouvernement Legault. Il n’y a là rien d’étonnant à nos yeux dans cette prise de position pro-gouvernementale qui s’inscrit dans une continuité historique servile face au gouvernement du Québec de la part de ce quotidien qui appartient à une richissime famille.
En ce moment, dans la présente ronde de négociation, il y a deux logiques qui s’affrontent : celle du gouvernement du Québec selon laquelle l’État se réserve le droit de fixer dans un cadre étroit et très en-deçà de l’inflation les augmentations salariales de ses employé.e.s syndiqué.e.s des secteurs public et parapublic et celle des organisations syndicales qui représentent ces salarié.e.s syndiqué.e.s selon laquelle, dans une société comme la nôtre, le travail ça se paie et le salaire doit minimalement suivre la hausse du coût de la vie.
Quand l’éditorialiste invite les salarié.e.s à ne pas oublier « la capacité de payer » des contribuables, madame Grammond considère que l’État ne doit pas se comporter en employeur exemplaire, mais bien plutôt en État exploiteur.
Toute la question ici est la suivante : qui doit payer pour les services public et parapublic ? La et le contribuable ou les salarié.e.s syndiqué.e.s de ces secteurs ?
Retour sur une importante décision de la Cour suprême du Canada
Dans une célèbre décision, rendue en 2015 par la Cour suprême du Canada, la juge Abella a décrit comment la rémunération des salarié.e.s syndiqué.e.s des secteurs public et parapublic devait être déterminée. Voici ce qu’elle écrit à ce sujet :
[65]
[…]
Dans Re British Columbia Railway Co. and General Truck Drivers and Helpers Union, Local No. 31 […], le président Owen Shime a exposé ce que l’on considère maintenant comme les six critères pour évaluer l’équité des règlements salariaux des employés du secteur public régis par des conventions collectives. La liste des considérations qu’il a dressée, résumée dans Workplace Health, Safety and Compensation Commission (Re), [2005] N.B.L.E.B.D. No. 60 (QL), comprenait les critères suivants qui sont particulièrement pertinents en l’espèce :
[…] [l]es employés du secteur public ne devraient pas être tenus de subventionner la collectivité ou le secteur d’activité dans lequel ils travaillent en acceptant des salaires et des conditions de travail médiocres. [. . .] [t]out compte fait, si la collectivité a besoin d’un service public et l’exige, ses membres doivent assumer ce qu’il en coûte nécessairement pour offrir des salaires justes et équitables et ne pas s’attendre à ce que les employés subventionnent le service en acceptant des salaires médiocres. S’il est nécessaire d’économiser pour atténuer le fardeau fiscal, il faudrait le faire en réduisant certains éléments du service offert, plutôt qu’en réduisant les salaires et les conditions de travail.
[…]
La juge Abella
Robert Meredith et Brian Roach c. Procureur général du Canada. [2015] 1 R.C.S., p. 65.
Conclusion
Il ne saurait faire de doute dans notre esprit qu’il y a une limite à la sous-rémunération des salarié.e.s syndiqué.e.s des secteurs public et parapublic qui sont à plus de 75% des femmes. Il y a une limite à accroître les effectifs de ces deux secteurs essentiels de notre société en ne les rémunérant pas à la hauteur de la valeur de leur prestation de travail. Il y a une limite également à imposer un statut précaire à des centaines de milliers de salarié.e.s de ces deux secteurs.
Ce sont en effet les contribuables qui paient et ce sont au maximum cinq membres du gouvernement qui fixent le pourcentage d’augmentation salariale des employé.e.s de l’État. Identifions-les : le premier ministre, le ministre des Finances, la présidente du Conseil du trésor, le ministre de la Santé et des services sociaux et le ministre de l’Éducation. Les député.e.s, avec un appui enthousiaste de la part de François Legault, se sont accordé.e.s un rattrapage salarial minimal de 30%, auquel s’ajoutera les pourcentages qui s’appliqueront dans les secteurs public et parapublic. Il va sans dire, selon nous, qu’il faut que cesse le mauvais traitement salarial en vigueur depuis de nombreuses années dans le secteur public québécois. L’argent disponible dans le Trésor public ne doit pas servir prioritairement et principalement à enrichir les entreprises subventionnées et les 125 élu.e.s.
Les 600 000 salarié.e.s syndiqué.e.s des secteurs public et parapublic méritent enfin d’obtenir un véritable rattrapage salarial accompagné de la pleine protection de leur pouvoir d’achat.
Yvan Perrier
25 septembre 2023
10h15
yvan_perrier@hotmail.com
https://www.lapresse.ca/actualites/editoriaux/2023-09-23/chers-fonctionnaires-n-oubliez-pas-les-contribuables.php. Consulté le 25 septembre 2023.
https://scc-csc.lexum.com/scc-csc/scc-csc/fr/item/14576/index.do. Consulté le 25 septembre 2023.
https://www.frontcommun.org/communique-maifestation/. Consulté le 25 septembre 2023.
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