Édition du 19 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Économie

En pleine crise du capitalisme, vers un G20 pour rien

C’est comme un devoir en classe, pour lequel les élèves n’ont rien révisé. Bien embêtés, ils rendent page blanche ou tentent de masquer leur panne sèche par des grandes phrases qui ne veulent rien dire. Jeudi, le sujet sera la crise du système capitaliste et les changements qui s’imposent.

Les 20 élèves, sans vision politique globale, sans volonté de remettre en cause le système actuel ayant engendré la crise, ne produiront certainement rien de décisif.

Les citoyens victimes de cette crise ne pourront sans doute que leur accorder un zéro pointé. Et espérons qu’ils se fâchent pour de bon.

La même copie que pour le dernier G20 ?

Tout laisse à penser que le prochain sommet du G20 ne sera que la reproduction de celui du 15 novembre dernier : aucun engagement concret et le maintien des règles internationales qui ont favorisé le développement de la crise.

Aucune vision politique globale ne se dégage, mais plutôt deux positions partielles et insuffisantes :

Les Anglo-Saxons plaident pour de vastes plans de relance économique. Mais qui seront les bénéficiaires ? Pour quels types d’activités ? Au nom d’une croissance renouvelée, les dernières décisions et déclarations de ces gouvernements tendent à poursuivre la socialisation des pertes, le sauvetage des grandes banques et entreprises sans contrepartie, et le soutien des industries polluantes.

Ces pays insistent surtout sur la nécessité de ne pas trop réguler les marchés financiers, dévoilant leur volonté de maintenir les bénéfices des détenteurs de capitaux et de ne pas pénaliser les fauteurs de crise.

Les pays, Allemagne et France en tête, qui penchent du côté d’une régulation (modeste) de la finance, et refusent tout déblocage massif de fonds publics face à la crise. Le serrage de ceinture reste de mise. Sans doute la situation serait-elle complètement différente si on avait bien voulu mixer les vingt élèves les plus riches avec les autres.

Le G20 remplace peu à peu le G7/8 à la direction de l’économie mondiale, mais il n’est pas plus légitime : la représentation des pays reste fondée sur leur puissance économique, en excluant tous les pays pauvres et des régions entières. Ainsi, la seule Afrique du Sud représentera l’Afrique.

A l’opposé d’une telle vision, le G77 a demandé qu’une réponse à la crise financière se fasse d’abord dans le cadre des Nations unies. Si tant est que l’ONU soit dotée des moyens politiques nécessaires, ce que lui refusent toujours les pays riches.

Dans les faits, une poignée de pays s’est octroyée le droit de décider de l’avenir du monde. Pire, derrière la façade du G20, seuls onze pays font visiblement partie de ce club très sélect : selon le Financial Times, le gouvernement britannique a établi une liste de onze pays du G20 à courtiser prioritairement dans l’optique du prochain sommet du G20.

Quelques idées intéressantes... immédiatement contredites

Le G20 finances a bien tenté des recommandations sur un contrôle (un peu moins restreint) des hedge funds et des agences de notation financière.

Ils indiquent également s’être « mis d’accord sur l’identification des territoires non coopératifs par les organismes internationaux compétents et la mise au point d’une boîte à outils de contre-mesures efficaces ».

Autant de formules polies pour désigner les paradis fiscaux et judiciaires. Dans la foulée, plusieurs de ces paradis se sont engagés à renforcer l’échange d’informations avec d’autres pays.

Mais on reste loin de la levée du secret bancaire : l’échange d’informations ne se ferait qu’au « cas par cas » et sur « demande concrète et justifiée » (dixit le gouvernement suisse).

C’est surtout sans compter sur les intérêts et le lobbying bruxellois et des multinationales de tous poils. Le Premier ministre tchèque, Mirek Topolanek, qui préside l’Union européenne, les a d’ailleurs rassurés : « Nous allons soutenir le Luxembourg. »

La Chine, soutenue par la Russie, a tenté pour sa part de poser la question d’une nouvelle monnaie de réserve internationale, mettant fin à l’hégémonie du dollar et à ses perversions.

Mais là encore, pas question de toucher à la sacro-sainte suprématie des États-Unis. Barack Obama le déclare dans Le Monde du 24 mars : « Les États-Unis sont prêts à assumer leur leadership », et le Premier ministre britannique Gordon Brown, hôte du sommet du G20, copie docilement sur son voisin : les monnaies de réserve ne seront pas un grand sujet de débat à cette réunion.

La même erreur, toujours et encore : le refus de partager les richesses

Une logique domine : le maintien des bénéfices des détenteurs de capitaux. Et pour cela, continuer d’appliquer la loi du marché. La déclaration conclusive du sommet précédent du G20 le confirme :

« Notre travail sera guidé par une croyance partagée dans les principes du marché et de l’ouverture des frontières au commerce et aux investissements. »

Tous les pays du G20 se sont prononcés pour une conclusion au plus vite du cycle de négociations commerciales de l’Organisation mondiale du commerce.

La libéralisation des marchés de biens et services pourra donc continuer à nourrir les profits des détenteurs de capitaux : par une mise en concurrence généralisée, les règles sociales et environnementales sont nivelées vers le bas, les travailleurs et la nature peuvent être exploités avec des facilités toujours plus grandes et la privatisation de tous les secteurs vient répondre aux appétits croissants des actionnaires.

Dans ce règne du marché, la solidarité est complètement absente. Le dernier conseil des ministres des finances européens Ecofin a certes décidé d’une participation plus importante des pays de l’Union européenne au Fonds monétaire international, en particulier pour « sauver » les pays de l’Est en faillite.

Mais cette aide ne sera pas dépourvue d’intérêts, puisqu’elle sera assortie de conditions drastiques, passant notamment par une réduction des salaires des fonctionnaires en Irlande, Lettonie, Lituanie, Hongrie...

Nul doute que les conditions seront les mêmes pour les pays du Sud. Après le repenti tonitruant de la Banque mondiale qui, en pleine crise alimentaire mondiale, reconnaissait ses erreurs, va-t-on revivre les dégâts des plans d’ajustement structurel ?

Un zéro pointé... et après ?

Face à l’irresponsabilité des dirigeants du monde, d’autres voix émergent. L’idéologie néolibérale est fissurée et l’explosion des inégalités sociales amène de plus en plus de citoyens à réclamer des comptes.

Des mesures urgentes sont à prendre et ne dépendent que d’une volonté politique des États :

 la suppression des paradis fiscaux et judiciaires, qui drainent la moitié des transactions financières internationales, entretiennent l’opacité et l’instabilité du système financier et confisquent des ressources fiscales indispensables aux Etats

 la création de taxes globales (sur les transactions financières, les activités polluantes...) pour financer les énormes besoins sociaux et environnementaux

 le plafonnement des hauts revenus et une redistribution des richesses plus largement, une mise sous contrôle démocratique du système bancaire et financier.

A plus long terme, se pose la question d’un nouveau projet de société, fondé sur l’accès de tous les êtres humains aux droits fondamentaux.

Un tel projet nécessite la soustraction des biens publics à la logique de profit et donc un contrôle et une gestion démocratiques par la collectivité : à commencer par la monnaie. C’est là tout l’enjeu du mouvement altermondialiste.

C’est sur ces bases que nous nous sommes retrouvés ce samedi pour une journée d’action mondiale face au G20, dans des centaines de villes dans le monde, et à Paris place de l’Opéra.


HARRIBEY Jean-Marie, TROUVE Aurélie
* Pru sur Rue89, 28/03/2009 | 19H16 :
http://www.rue89.com/2009/03/28/en-...

* Jean-Marie Harribey et Aurélie Trouvé sont coprésidents d’Attac.

Mots-clés : Économie Économie
Jean-Marie Harribey

Jean-Marie Harribey, économiste, ancien co-président d’Attac France, co-président du Conseil scientifique d’Attac, auteur notamment de La richesse, la valeur et l’inestimable, Fondements d’une critique socio-écologique de l’économie capitaliste (Les Liens qui libèrent, 2013) et de Les feuilles mortes du capitalisme, Chroniques de fin de cycle (Le Bord de l’eau, 2014)

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