Tiré de Courrier international.
La promulgation d’une “nouvelle loi pour la protection des infrastructures publiques” a été annoncée le 8 février par tous les journaux égyptiens, à l’instar du quotidien Al-Shorouk, qui en précise les contours.
Elle va renforcer le rôle de l’armée dans le maintien de l’ordre, et étendre la compétence des tribunaux militaires à de nouveaux domaines, purement civils.
“Mafias du marché noir”
Au nom de la sécurité nationale, c’est donc l’armée qui assurera “la sécurisation et la protection” des “infrastructures vitales” du pays, avec une liste non exhaustive allant des champs de pétrole aux “grands réseaux routiers”. Autre volet de cette loi : ce sont les tribunaux miliaires qui traiteront “les atteintes aux besoins fondamentaux de la société en matière de biens et de produits alimentaires”.
Désormais, “l’épée de la loi plane sur les mafias du marché noir”, titre le quotidien égyptien Al-Yom Al-Sabee, qui vante “les mesures sages” du gouvernement pour lutter contre les “manipulations des prix” par des malfaiteurs. Selon le journal, la nouvelle législation permettra d’alléger les difficultés économiques de la population.
C’est bien la crise économique qui explique l’adoption de cette loi, estime de son côté le journal panarabe financé par les États-Unis Al-Hurra. Pourtant, ce n’est pas pour venir en aide à la population, mais pour se prémunir contre d’éventuelles révoltes populaires que le régime en a pris l’initiative.
Un outil pour réprimer toute contestation
“L’Égypte fait face à l’une des pires crises économiques de son histoire, avec une inflation annuelle qui a atteint un niveau record de 35,2 % ”, explique le journal. Ce qui fait craindre que “les gens ne descendent dans la rue pour protester contre les hausses de prix. Le gouvernement veut pouvoir recourir aux forces armées pour y faire face.”
“Selon des milieux politiques, le recours croissant à l’armée montre que le régime a le sentiment que la colère économique pourrait être exploitée par des forces ennemies”, écrit le quotidien panarabe Al-Arab.
Le site égyptien indépendant Mada Masr dénonce pour sa part la tendance récurrente à la “militarisation de l’État”, rappelant notamment une réforme constitutionnelle de 2019 qui donne à l’armée le rôle de garant de l’ordre constitutionnel.
Il s’agit d’une “extension sans précédent de la possibilité de traduire des civils devant la justice militaire”, avec un champ d’application défini dans des termes délibérément vagues, estime encore Mada Masr.
Cette réforme est “la plus dangereuse” de toutes les réformes constitutionnelles et légales ayant conféré à l’armée des pouvoirs civils, estime un “vice-président de la Cour d’appel”, cité anonymement par Mada Masr. “Elle donne au président ou à celui qu’il mandatera la possibilité de dire ce qu’il veut pour définir un crime” et d’en dicter la peine, au détriment de la justice ordinaire.
Courrier international
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