Publié sur le site Europe Solidaire Sans Frontières
samedi 17 octobre 2020
par VOLODZKO David
En matière d’égalité des droits pour les homosexuels, “la Chine a encore des kilomètres à parcourir”, constate SupChina. Le site installé à New York rappelle que le pays, deuxième économie mondiale, se classe 101e sur 174 pays pour la tolérance envers les LGBT, d’après un rapport du Williams Institute de la faculté de droit de l’UCLA.
Pourtant, la Chine s’est montrée longtemps plus progressiste que l’Europe en matière de mœurs. Alors que l’empereur romain Théodose le Grand avait interdit les relations homosexuelles “passives” dès 390, la Chine a attendu le XVIIIe siècle pour légiférer sur l’homosexualité.
Sa première loi discriminante, promulguée dans la province de Fujian en 1786, visait en fait à éradiquer une mystérieuse secte religieuse dont la divinité, un lapin, était devenue le symbole LGBT de la région.
Le culte du lapin
Si les hommes gays sont parfois encore appelés tùzi (“lapins”) en Chine, l’expression fait référence à plusieurs légendes populaires, comme La Ballade de Mulan, écrite entre le IVe et Ve siècle.
Dans le recueil de contes Ce dont le maître ne parlait pas, cité par SupChina, l’écrivain Yuán Méi relate l’histoire de Hu Tianbao, un jeune homme de la province de Fujian qui s’est entiché d’un gouverneur. Pris sur le fait alors qu’il tente de surprendre le représentant de l’empereur à l’entrée du bain, Hu Tianbao est jugé puis condamné à mort.
Pardonné par les divinités attendries par la pureté de son amour, il est changé en lapin et prend le nom de Tu’er Shen. Ce nouveau dieu devient alors une figure protectrice pour les homosexuels, qui lui construisent des temples et le vénèrent.
Une première loi interdisant “les cultes licencieux”
En 1785, un fonctionnaire nommé Zhu Gui est nommé inspecteur des impôts de la province de Fujian, face à l’île de Taïwan, où les temples dédiés au culte du dieu lapin se sont multipliés, raconte SupChina.
Moins d’un an après sa prise de fonction, le fonctionnaire de l’empire promulgue “l’interdiction des cultes licencieux”. Il vise en fait très explicitement la secte des lapins. “Ainsi commence la codification juridique de l’homophobie en Chine”, écrit SupChina, qui présente cette décision comme la toute première loi chinoise interdisant explicitement l’homosexualité.
Deux siècles plus tard, un dernier temple du lapin subsiste le long d’un affluent de la rivière Tamsui, à Taïwan. Selon le site d’information, des prêtres taoïstes continuent d’y faire des offrandes, et des mariages homosexuels, légaux sur l’île, y sont régulièrement célébrés.
L’homosexualité en Chine, entre évolution et réticences
SupChina déplore que, malgré l’ancrage culturel et historique des pratiques homosexuelles dans le pays, le gouvernement chinois se montre récalcitrant à l’idée de normaliser l’homosexualité.
Le site rappelle que l’État chinois a indiqué qu’il ne suivrait pas Taïwan dans la légalisation du mariage homosexuel l’année passée. La Shanghai Pride, le plus grand festival LGBT du pays, prévu pour décembre, a été récemment annulée “sans explications”. Une des cofondatrices de l’événement, Charlene Liu, a expliqué que cette décision avait été prise “pour protéger la sécurité de tous”, sans préciser face à quel type de menace. Plusieurs événements organisés par le festival se sont tenus cette année en dépit de l’épidémie, laissant ainsi penser que l’annulation n’est pas en lien avec la situation sanitaire.
La Chine a pourtant fait quelques progrès à l’orée du nouveau millénaire, souligne SupChina. Le pays a notamment légalisé les relations homosexuelles en 1997 et a retiré l’homosexualité de la liste des maladies mentales en 2001. Preuve de l’évolution du rapport à l’homosexualité en Chine, le site relaie une enquête publiée en décembre 2019 par News Ifeng qui révèle que 67 % des Chinois approuvent le mariage homosexuel, toujours interdit dans le pays.
Mais la législation et la discrimination sociale demeurent. Les “lapins” attendent toujours leur grand bond en avant.
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