Notre organisation profite de ce mommentum pour faire part aux chef.fe.s des différents partis politiques du Québec des priorités de Femmes Autochtones du Québec. Il est d’abord important de mentionner que FAQ est une organisation apolitique, c’est-à-dire que nous ne prendrons aucun parti-pris dans la prochaine période électorale. Notre intention est seulement d’être entendue en tant qu’organisation qui représente les femmes et les filles autochtones de toutes les Premières Nations du Québec et celles qui habitent en milieu urbain.
Priorités et enjeux de Femmes Autochtones du Québec pour le mieux-être des femmes et des filles autochtones Tout d’abord, les enjeux qui sont présentés dans ce document sont évolutifs : ils s’adaptent avec le temps et l’évolution constante des enjeux concernés. Il est impossible de les mettre dans un cadre fixe qui n’est pas appelé à s’adapter aux changements des différents facteurs et événements qui entourent lesdits enjeux. Aussi, les enjeux présentés sont également tous interreliés de près ou de loin. Même s’ils sont détaillés de manière individuelle, les liens intrinsèques qui les relient font en sorte qu’on doit les voir comme un tout. Ils deviennent plus souvent qu’autrement la cause ou la conséquence d’un autre. Adresser un seul enjeu sans toutefois poser des actions concrètes sur les autres problématiques n’entraîne qu’un petit changement qui n’est pas holistique. Il faut donc agir en concertation sur tous les enjeux pour des changements significatifs. Enfin, FAQ souhaite mentionner que les enjeux prochainement décrits ne sont pas énumérés en ordre quelconque d’importance. Puisqu’il est nécessaire de poser des actions sur l’ensemble des enjeux, ceux-ci ont tous la même importance.
1. Reconnaissance du racisme et de la discrimination systémiques
À la lumière des récents événements qui ont particulièrement marqué les relations entre les Autochtones et l’État québécois, l’enjeu de la reconnaissance du racisme et de la discrimination systémiques a fait l’objet de plusieurs discussions d’ordre public et politique. Les faits vécus et dénoncés par les femmes autochtones à Val-d’Or par des policiers ainsi que le tragique décès de Joyce Echaquan ne sont que deux exemples qui témoignent du caractère systémique du racisme et de la discrimination que vivent les Autochtones, plus particulièrement les femmes et les filles autochtones. Il ne faut pas oublier que nombreux sont ceux ou celles qui vivent des expériences de racisme et de discrimination systémique mais qui ne les dénoncent pas. Le racisme et la discrimination systémiques sont à la base de toutes les problématiques que la plupart des Autochtones doivent faire face. La problématique doit impérativement être reconnue par le gouvernement du Québec afin d’entamer le long chemin de la réconciliation. FAQ est d’avis que sans reconnaissance du racisme et de la discrimination systémiques, il sera difficile de travailler et d’avancer vers un but commun qui est de se réconcilier et d’agir pour réparer les torts étatiques du passé.
Cet enjeu est un chantier de travail à long terme qui doit absolument être adressé par les décideurs publics. Notre organisation croit également que le racisme et la discrimination systémiques que vivent disproportionnellement les femmes et les filles autochtones creusent l’écart institutionnel qui sépare les Autochtones du système public. Reconnaître cette évidence serait un pas dans la bonne direction. Il est également nécessaire de mettre en œuvre intégralement et sans délai le Principe de Joyce.
2. Mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones
La Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (ci-après DNUDPA) a été adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies après plusieurs années de négociation et de travail acharné des peuples autochtones. Le Canada a adopté le 16 juin 2021 le Projet de loi C-15, Loi concernant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Ses obligations sont donc contraignantes et il se doit de respecter les principes de la DNUDPA, qui sont clairs quant aux droits que possèdent les Autochtones.
L’Assemblée nationale du Québec a adopté à l’unanimité le 8 octobre 2019 une motion qui appuie les principes de la DNUDPA. Toutefois, cette simple motion n’apporte pas d’obligations contraignantes aux décideurs publics du Québec. FAQ croit donc qu’il est primordial que le Québec emboîte les pas et se conforme à l’ensemble des principes de la DNUDPA, comme le demandent les peuples autochtones et les différentes commissions d’enquête du Québec.
Le Québec doit non seulement engager de sérieuses négociations pour mettre en œuvre la DNUDPA, mais il doit en faire une promesse électorale qui sera éventuellement réalisée. La DNUDPA doit absolument faire partie du cadre législatif du Québec.
3. Encourager le leadership et l’empowerment des femmes et des filles autochtones
À ce jour, au Québec, seulement 11 femmes sont cheffes dans leurs communautés respectives. Sur un total de 55 communautés autochtones issues des Premières Nations et des Inuit, seulement 20% d’entre elles ont à leur tête une femme qui gouverne. FAQ encourage donc toutes les initiatives qui mettent en valeur le potentiel des femmes et des filles autochtones. Elles doivent pouvoir développer leur capacité de leader dans tous les domaines, notamment dans des postes décisionnels, en politique et dans tous les domaines où elles souhaitent percer. Leurs rôles et responsabilités traditionnels doivent être reconnu et elles doivent pouvoir l’utiliser pour inspirer et faire briller leurs prochaines. Le gouvernement doit donc encourager toutes initiatives et projets en ce sens.
La jeunesse autochtone représente l’avenir de communautés saines. Le gouvernement devra aussi poser des actions concrètes pour les jeunes femmes autochtones afin qu’elles soient fières de leur identité.
4. Consultation des organisations et des instances autochtones pour une réelle représentativité d’opinion
Il est essentiel que FAQ, ainsi que l’ensemble des organisations autochtones soient consultées lorsqu’on aborde des enjeux, des réalités et des sujets qui les concernent directement. Beaucoup trop de décisions majeures ont été prises sans même intégrer la participation des Autochtones, et encore moins celle des femmes autochtones. Le temps où les peuples autochtones sont mis de côté dans la prise de décision est révolu.
D’ailleurs, puisque notre organisation représente les femmes et les filles autochtones des dix (10) Premières Nations au Québec vivant sur communauté ainsi qu’en milieu urbain, nous portons des opinions ainsi que des voix qui doivent absolument être entendues. Plus particulièrement, les femmes et les filles autochtones sont sous-représentées dans les espaces décisionnels et c’est ce pour quoi nous nous assurons qu’elles soient entendues. La réalité du terrain doit pouvoir être connue par les décideur.euse.s publiques pour une prise de décision conjointe avec les Autochtones.
De cette manière, en consultant les femmes et les filles autochtones, l’approche sera davantage ascendante. Le sentiment de participation réelle pourra possiblement contribuer à rétablir le lien de confiance qui a été brisé depuis la colonisation. Les projets et les décisions seront faits en coconstruction et en co-collaboration avec les Autochtones. Il est essentiel que cela soit réalisé dans l’esprit de le faire « pour et par » les Autochtones, plus particulièrement pour les femmes et les filles.
5. La sécurisation culturelle dans tous les milieux
Les événements entourant le tragique décès de Joyce Echaquan l’ont très bien illustré, le besoin de sécurisation culturelle est très présent dans l’ensemble des services, qu’ils soient publics ou non, dans les communautés et dans le milieu urbain. Nul besoin de faire l’historique quant au sentiment de non-confiance qu’ont les Autochtones envers les services pourvus par des Allochtones pour prouver qu’il est nécessaire d’offrir une prestation de services adaptés aux Autochtones. On ne parle pas seulement de services prescrits par des Allochtones, mais également d’un système colonial qui n’offre pas d’environnement ni même de sentiment de sécurité pour les femmes et les filles autochtones. D’autant plus, l’offre de service n’est nettement pas suffisante en milieu urbain, faisant en sorte qu’il est encore plus complexe d’obtenir des services culturellement sécurisants dans lesquels la clientèle autochtone peut réellement faire confiance.
Le besoin de sécurisation culturelle n’est pas uniquement dans le système de santé et de services sociaux, mais également dans tous les secteurs publics qui offrent un service direct à la population, notamment dans le système judiciaire, dans l’éducation, auprès des services policiers et correctionnels, etc. Un service culturellement sécuritaire doit se faire au terme d’une démarche de co-collaboration avec les organisations et les partenaires autochtones. Le but ultime est d’améliorer les conditions de santé holistique des Autochtones et d’enrichir les protocoles et les prestations de service pour que les pratiques et les savoirs traditionnels autochtones en fassent de facto partie.
De plus, les services doivent aussi être facilement accessibles. Ils doivent être plus visibles afin que les femmes autochtones ne soient pas constamment redirigées et perdent par la suite confiance, qui initialement avait été très difficile à gagner. Afin de se sentir en sécurité dans leur environnement et d’être confortable à aller vers les différents systèmes publics, cela ne se fera pas du jour au lendemain. Il faut faire plusieurs actions complémentaires qui feront en sorte d’atteindre cet objectif. À titre d’exemple, il doit y avoir plus de personnes autochtones qui intègrent les différents secteurs publics et privés dans les différentes catégories d’emplois afin de se sentir prises en charge par des personnes dans lesquelles elles ont confiance.
En plus d’avoir plus de personnes autochtones dans toutes les catégories d’emploi, il est important que les intervenant.e.s soient tous.te.s formé.e.s quant aux multiples enjeux autochtones. La formation ne doit pas seulement être disponible dans le système de santé et de services sociaux, mais également dans tous les services publics et privés. Tous les intervenant.e.s sans exception doivent recevoir une formation afin que leurs services soient adaptés et qu’il.elle.s soient outillé.e.s pour agir conséquemment. Les formations doivent être faites avec et pour les Autochtones.
Les témoignages de personnes autochtones sont nombreux et très clairs. FAQ demande donc à ce que le prochain gouvernement élu mette un fort accent sur le besoin de sécurisation culturelle dans les différents services publics et privés.
6. Un engagement pour de meilleures conditions socio-économiques pour les femmes et les filles autochtones
Les femmes autochtones détiennent un rôle traditionnel très important dans leurs communautés. La colonisation et ses politiques assimilatrices et paternalistes ont fait en sorte de minimiser le rôle des femmes, s’en suivant d’une participation et d’une représentativité nettement moindre. Le fait qu’elles étaient initialement grandement responsables du bien-être de leurs familles jumelé à ces politiques de colonisation résulte en des conditions socio-économiques catastrophiques.
Les études et rapports des différentes commissions d’enquête l’ont démontré, l’ensemble des conditions socio-économiques chez les Autochtones font preuve d’un problème systémique, basé sur le racisme et la discrimination (1). Entre autres, le rapport de 2020 du Conseil consultatif national sur la pauvreté démontre que les taux de pauvreté, d’itinérance et d’insécurité alimentaire sont flagrants (2) . La difficulté d’accès au logement et à l’éducation pour les femmes et les filles autochtones sont également des facteurs qui nuisent considérablement au bien-être des Autochtones. De plus, le nombre aberrant de femmes et des filles autochtones qui sont incarcérées dans des pénitenciers et dans des prisons provinciales est aussi un exemple de mauvaises conditions socio-économiques (3) : L’ensemble de ces facteurs qui sont intimement interreliés diminuent considérablement la qualité de vie des femmes et des filles autochtones. En effet, une amélioration de l’ensemble des conditions socio-économiques permettra d’engager des résultats à long terme ayant une portée multiple, permettant une santé et un bien-être holistique meilleur. Nous demandons donc que des actions soient mises en place.
7. La violence disproportionnée sous toutes ses formes
Un des mandats phares que FAQ a toujours porté est celui de la lutte contre la violence envers les femmes et les filles autochtones. En effet, les femmes autochtones vivent disproportionnellement de la violence sous toutes ses formes, notamment en contexte conjugal, familial, culturel, linguistique, politique, systémique, etc. L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (ci-après ENFFADA) démontre très clairement que les femmes et les filles autochtones sont disproportionnellement victimes de violence comparativement à leurs consœurs allochtones (4). Cette violence est malheureusement banalisée dans les communautés, voire parfois ignorée. L’enjeu de la traite des femmes est trop peu discuté et il est nécessaire que ce fléau soit mis de l’avant de la lutte contre la violence à l’égard des femmes et des filles autochtones. FAQ souhaite mettre plus d’emphase sur cet enjeu et le mettre au centre de notre plateforme.
8. Un système de protection de la jeunesse par et pour les Autochtones
En prenant en considération que les femmes autochtones se retrouvent souvent face à des problématiques avec le système judiciaire qui est discriminatoire, elles sont plus enclines à perdre la garde de leurs enfants et ceux-ci se retrouvent dans le système de la protection de la jeunesse québécois. Les enfants pris en charge par ce système se retrouvent la plupart du temps dans des familles allochtones, faisant en sorte de perdre tout lien avec leur famille et leur culture.
La surreprésentativité des jeunes autochtones dans le système de la protection de la jeunesse étatique actuel démontre qu’il n’est clairement pas adapté à leurs réalités et à leurs besoins. Présentement, le système de la protection de la jeunesse du Québec reproduit les expériences coloniales et traumatiques des pensionnats autochtones.
Tel que FAQ l’a proposé dans son mémoire devant la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse (ci-après Commission Laurent) il doit y avoir un transfert de compétences en matière de jeunesse envers les Autochtones. Ils doivent pouvoir eux-mêmes décider du sort de leurs propres enfants : ils sont les mieux placés pour identifier les besoins et les solutions associées selon leur culture. Notre organisation demande donc au prochain gouvernement de mettre en œuvre les recommandations du chapitre 9 de la Commission Laurent visant à permettre aux Autochtones de s’autodéterminer en matière de protection de la jeunesse.
9. Actions essentielles dans le domaine de la justice
Nombreuses sont les actions qui doivent être prises pour favoriser l’accès équitable à la justice pour les Autochtones, particulièrement pour les femmes et les filles autochtones. Ces dernières sont discriminées par leur double identité, soit par le fait d’être à la fois femme et Autochtone. Il est donc nécessaire que des services juridiques sécurisants soient créés par et pour les Autochtones et soient facilement accessibles, particulièrement pour les femmes et les filles autochtones.
De plus, FAQ est d’avis qu’il doit impérativement y avoir un suivi constant des recommandations et des appels à l’action des différentes commissions d’enquête, notamment l’ENFFADA, la Commission Viens, la Commission Laurent, le Rapport Rebâtir la confiance, etc. Notre organisation demande à ce que le gouvernement qu’il soit transparent, imputable de ses actions et qu’il mette en place des actions concrètes qui répondent aux réels besoins des femmes et des filles autochtones.
10. La conservation des langues et des cultures autochtones
Finalement, notre organisation souhaite mettre l’emphase sur l’importance de la conversation et la préservation des langues et des cultures autochtones. Étant au cœur de leur identité, les langues autochtones doivent être valorisées et aussi, acceptées par les différents ordres de gouvernement.
Les femmes autochtones ayant comme responsabilité de transmettre la culture et les traditions de leurs nations, FAQ est d’avis que les Autochtones ne devraient pas vivre de discrimination basée sur l’usage de la langue. Le Projet de loi 96 déclare que le français est la seule langue officielle du Québec, ce qui brime l’utilisation et la valorisation des langues autochtones, et par le fait même, les cultures autochtones. Il enfreint non seulement la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, mais aussi la Charte canadienne des droits et libertés et la Charte des droits et libertés de la personne.
Le prochain gouvernement devra travailler en co-collaboration à valoriser l’utilisation des langues autochtones et être partenaire avec les communautés et les organisations autochtones pour cesser de violer les droits fondamentaux des peuples autochtones, particulièrement ceux des femmes et des filles autochtones.
Nia:wen, Migwetc, Tshinashkumitin, Wela’lin, Wli Wni, Tiawenhk, Merci, Thank you !
Notes
1- Conseil consultatif national sur la pauvreté, 2020, « Pour mieux comprendre », Emploi et Développement social Calada - Gouvernement du Canada, Pour_Mieux_Comprendre_Final_Jan_15.pdf (canada.ca) https://www.canada.ca/fr/emploi-developpement social/programmes/reduction-pauvrete/conseil consultatifnational/rapports/annuel-2020.html, consulté le 6 septembre 2022.
2- Ibid.
3- Pour de plus amples informations, se référer à la récente étude dans laquelle FAQ a collaboré qui illustre que le nombre de femmes et de filles autochtones présentes dans les prisons provinciales au Québec, qui est grandement disproportionnel comparativement à son taux populationnel. Voici le lien : http://collectivehealing.net/accueil.php
4- Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, 2019, « Réclamer notre pouvoir et notre place, Rapport complémentaire Kepek-Québec », EXEC_cover (mmiwg-ffada.ca), consulté le 13 septembre 2022.
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