Dans le contexte d’urgence sanitaire, le gouvernement a rapidement mis en place des mesures temporaires pour soutenir les millions de travailleuses et travailleurs autrement sans indemnités de revenu. La Prestation canadienne d’urgence (PCU), les Prestations canadiennes pour la relance économique (PCRE) et les mesures temporaires pour faciliter l’accès aux prestations d’AE témoignent de la nécessité d’une réforme permanente du régime d’assurance-chômage et s’inscrivent dans une perspective d’accessibilité universelle revendiquée par le MASSE.
1.Critères d’admissibilité
Le MASSE revendique une norme d’admissibilité basée sur 350 heures ou 13 semaines de travail pour se qualifier au bénéfice des prestations.
Ce critère d’admissibilité assure un accès équitable au régime d’assurance chômage sans égard au statut d’emploi. Le MASSE rappelle qu’après la réforme de 1996, l’admissibilité à l’assurance-chômage a diminué de manière draconienne et l’écart de la couverture entre les hommes et les femmes s’est creusé.
Le changement du critère d’admissibilité basé sur les semaines de travail en heures de travail a pénalisé particulièrement les femmes en raison de leur surreprésentation dans les emplois à temps partiel.
La norme variable d’admissibilité actuelle doit disparaître. Qu’importe si le taux de chômage d’une région soit bas ou élevé, c’est le fait de perdre son emploi qui devrait permettre à une personne d’avoir accès à une indemnisation. Déterminer le droit à une protection en cas de chômage sur la base du taux de chômage régional nous apparaît complètement injustifié, arbitraire et non-pertinent.
En somme, le MASSE croit que cette norme d’admissibilité permettrait de prendre en compte les nouvelles réalités du marché du travail et la pluralité des statuts d’emplois : permanent, temporaire, saisonnier, intermittent, temps plein, temps partiel, sur appel ou autre forme de travail atypique.
2. Plancher minimum de 35 semaines de prestations
Le MASSE revendique un plancher minimum de 35 semaines de prestations pour que tous les prestataires puissent bénéficier d’une période adéquate pour se chercher un emploi convenable.
Différents facteurs tels que l’âge, le sexe, la race, le statut migratoire ou encore le statut social, sont sources de discrimination sur le marché du travail et augmentent les difficultés de se trouver un emploi. Un plancher de 35 semaines de prestations assure une protection sociale essentielle en période de stress et aiderait les gens à subvenir à leurs besoins de base et à ceux de leurs familles.
De plus, le plancher de 35 semaines, sans égard aux heures travaillées ou au taux de chômage, permettrait de réduire la durée du « trou noir » pour les travailleuses et travailleurs des industries saisonnières.
Le travail saisonnier est une réalité au Canada et chaque année, des milliers de travailleuses et de travailleurs doivent faire face à ce qu’on appelle le « trou noir ». Cette expression réfère à la période où une personne a épuisé ses semaines de prestations d’assurance-chômage alors que son travail n’est pas encore recommencé puisque la saison n’est pas encore commencée ou que les conditions climatiques ne le permettent pas. Cette période se caractérise par une absence totale de revenus ou par une obligation de recourir à l’aide sociale (pour celles et ceux qui y sont admissibles).
3. Le retour des cinq semaines supplémentaires
L’ancien projet pilote qui permettait aux prestataires de régions à haut taux de chômage de bénéficier de semaines de prestations régulières supplémentaires pour un maximum de cinq semaines n’est plus reconduit depuis 2012.
L’objectif de ce projet pilote « consistait à aider les travailleurs qui connaissent régulièrement un manque à gagner entre l’épuisement de leurs prestations d’assurance-emploi et le retour au travail. Cet objet découle du fait que des particuliers éprouvent des difficultés à trouver un emploi de remplacement convenable, et qu’ils ont besoin de prestations supplémentaires pour les soutenir durant leur période de recherche d’emploi. » (1). Ce projet pilote ciblait les travailleuses et travailleurs des industries saisonnières qui se retrouvent sans aucun revenu durant les semaines qui précèdent le retour de la saison de travail.
Pour le MASSE, cette protection supplémentaire de 5 semaines doit être accordée aux chômeuses et chômeurs dans le besoin qui occupaient un emploi saisonnier.
Nous adhérons à la définition avancée par la Table nationale de concertation sur l’emploi saisonnier qui se lit comme suit : « Le caractère saisonnier d’un emploi signifie que le niveau d’embauche varie selon les saisons. Les tâches en emploi saisonnier sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons. » (2)
4. Protection en cas de chômage sans égard aux prestations maternité, parentales ou paternité reçues
Le MASSE croit que toutes les travailleuses ont droit à une pleine protection en cas de chômage, indépendamment de toute absence sur le marché du travail liée à la grossesse, à la maternité et aux responsabilités parentales, conformément au droit à l’égalité prévu dans la Charte canadienne des droits et libertés.
Le MASSE estime que le gouvernement a déjà trop tardé à régler cette situation qui pénalise majoritairement les femmes qui perdent involontairement leur emploi dans la période périnatale.
Lors de la naissance d’un enfant, en moyenne, les mères reçoivent 47 semaines de prestations maternité/parentales sur un maximum de 50 semaines de prestations disponibles. La Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’un maximum de 50 semaines de prestations est payables lorsqu’une personne reçoit des prestations spéciales et des prestations régulières. En raison de cette limite, plusieurs femmes n’ont pas droit à une pleine protection en cas de chômage.
Concrètement, la maternité et les responsabilités parentales doivent être ajoutés aux motifs permettant la prolongation de la période de référence et de la période de prestations.
5. Abolition des exclusions totales
Depuis 1993, les conséquences reliées à un départ volontaire considéré non justifié ou à un congédiement pour inconduite sont dévastatrices. En effet, on parle ici d’une exclusion totale du régime, c’est-à-dire que la personne perd entièrement son droit à une protection en cas de chômage.
Le MASSE revendique l’abolition des exclusions totales et demande de limiter les sanctions à un maximum de six semaines de non-paiement de prestations.
Avec les dispositions actuelles, non seulement l’exclusion est totale, mais en plus, toutes les heures de travail accumulées de tout emploi antérieur sont éliminées. Cette situation a des effets dévastateurs chez les prestataires qui essaient un emploi et qui décident de le quitter parce qu’il ne leur convient pas.
De plus, le MASSE demande que la loi reconnaisse que le fait de quitter un emploi pour occuper un emploi saisonnier constitue une circonstance justifiant un départ volontaire.
Le MASSE considère aberrant qu’une personne n’ait pas la possibilité de choisir son travail. À partir du moment où accepter un emploi équivaut à s’y enchaîner et y demeurer prisonnier, c’est à la liberté fondamentale de choisir son travail qu’on s’attaque.
6. Augmentation du taux d’indemnisation à 70% de la rémunération assurable
Le MASSE revendique un taux de prestations d’au moins 70% basé sur les 12 meilleures semaines de travail.
Le taux actuel du régime d’AE est l’un des plus bas de tout l’OCDE. Rappelons qu’en 1971, le régime accordait des prestations équivalentes aux deux tiers (66%) du salaire brut pour les personnes seules, et aux trois quarts (75%) pour celles et ceux qui avaient des personnes à charge.
Le taux actuel est souvent signe d’appauvrissement et d’endettement important pour les prestataires.
Par ailleurs, les prestataires d’assurance-chômage peuvent obtenir un montant de supplément familial, jusqu’à l’équivalent de 80 % de leur salaire assurable plutôt que 55 %. Pour avoir droit au supplément familial, il faut avoir déclaré un revenu familial net inférieur à 25 921 $, avoir un ou des enfants et recevoir la prestation fiscale pour enfant.
Depuis 1997, les paliers de revenu familial n’ont pas été modifiés. Or, en 20 ans, même le salaire minimum a augmenté ! Conséquemment, moins de prestataires bénéficient du supplément malgré leur situation de pauvreté. Les femmes sont les premières affectées, car elles sont bénéficiaires de 79,2 % des prestations de supplément familial allouées qui sont d’un montant moyen de 44 $ par semaine.
7. Mode de contestation des décisions de la commission de l’AE
Le MASSE réclame le retour à un processus de contestation rapide, efficace, juste, humain et respectueux des droits des personnes sans emploi pour régler les litiges entre les prestations et la Commission de l’AE.
Le MASSE revendique l’établissement d’un tribunal tripartite avec représentant.es des travailleuses, travailleurs et des employeur.es ; la mise en place d’une procédure de sélection des membres respectant des critères de neutralité, de connaissance des réalités locales et de compétence ; des audiences en personne dans la région des appelant.es et l’abolition de la révision administrative obligatoire.
Les chômeuses et chômeurs ont droit à un système de recours indépendant et accessible. Le droit de contester est fondamental et nous assure de la légalité des décisions rendues par la Commission de l’AE.
8. Élimination du délai de carence
Le MASSE revendique l’élimination définitive du délai de carence. Le principe de franchise importée de la logique assurantielle privée n’a pas sa place dans un régime public d’assurance-sociale. Chaque semaine de chômage doit être indemnisée le plus rapidement possible.
9. Annuler la répartition de gain
Toute rémunération versée en raison de la rupture de tout lien avec un ancien employeur retarde le moment où débutera le versement de prestations régulières.
C’est-à-dire que lorsqu’une personne perd son emploi et reçoit des sommes de son employeur : indemnités de départ, préavis de licenciement, vacances, maladie ou autres, elle ne pourra recevoir d’indemnités de chômage tant et aussi longtemps que la répartition de ses gains ne sera pas terminée.
La situation actuelle prive les chômeuses et chômeurs d’une protection immédiate en cas de chômage et les force à assumer eux-mêmes leur perte de revenu sous prétexte qu’ils ont eu la « chance » de recevoir une indemnité de fin d’emploi.
Pour les travailleuses et travailleurs de longue date qui reçoivent une indemnité représentant plus de 104 semaines de salaire, la protection en cas de chômage est complètement annulée en raison de la durée maximale de la période de prestations limitée à 104 semaines. Cela est injuste et frappe les prestataires plus âgés qui auront plus de difficulté à se retrouver un emploi.
10. Mode de déduction de la rémunération en cours de période de prestations
Le MASSE demande que tous les prestataires aient le droit de gagner jusqu’à l’équivalent de 40% du taux de prestations maximum sans que le montant de leurs prestations soit réduit. Que les sommes gagnées au-delà de ce seuil soient déduites du montant des prestations, à raison de 0,50$ pour chaque dollar excédentaire.
11. Rehausser le maximum de la rémunération assurable
Le MASSE estime qu’il est plus que temps de rehausser substantiellement le maximum de la rémunération assurable. Le MASSE propose de hausser ce montant au même niveau que celui du Régime québécois de l’assurance parentale qui était de 78 500$ en 2020.
12. Retour de la participation de l’Etat au financement du régime
Le MASSE exige le retour de la contribution du gouvernement fédéral au financement de la caisse d’assurance-chômage puisque l’État a le devoir d’assurer une protection en cas de chômage au maximum de ses capacités. Le retour de cette contribution permettrait l’amélioration de la couverture offerte le régime d’assurance-chômage.
De plus, les cotisations doivent exclusivement servir à verser des prestations aux chômeuses et chômeurs et non pas à financer des programmes d’employabilité
13. Prestations spéciales
L’objet central d’un régime d’assurance-chômage est d’indemniser des travailleuses et travailleurs au prise avec un épisode temporaire de chômage.
Au fil des ans, ce sont greffées au régime une panoplie de prestations spéciales afin d’indemniser les travailleuses et travailleurs au prise avec une maladie, la nécessité de prodiguer des soins à un proche gravement malade et dont la vie est en danger ou encore pour les personnes devant s’occuper d’un nouveau-né ou d’un enfant adopté.
Pour le MASSE, il est clair que l’État a une responsabilité réelle envers ces personnes et que les prestations offertes pourraient être bonifiées.
Toutefois, le MASSE estime que la protection de ces risques sociaux ne relève pas d’une caisse d’assurance-chômage. Tant et aussi longtemps que les prestations spéciales seront prévues à même le régime d’assurance-emploi, celles-ci ne doivent pas compromettent l’accès aux prestations régulières et leur financement doit relever de l’État.
Notes
1- Ressources humaines et Développement des compétences Canada – Direction générale de la politique stratégique et de la recherche, mars 2010, Évaluation du projet pilote de prolongation des prestations d’assurance-emploi sur une période de cinq semaines : de 2004 à 2009, rapport final, p. 3.
2- https://www.emploiquebec.gouv.qc.ca/fileadmin/fichiers/pdf/Publications/00_Rapport_emploi_saisonni er.pdf, p. 10.
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