Jeudi 30 septembre 2010, une tentative de coup d’Etat a échoué en Equateur. Un secteur important de la police nationale a séquestré le chef de l’Etat Rafael Correa après que celui-ci a tenté de convaincre les policiers d’accepter la loi sur les services publics qui avait été adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le mercredi 29 septembre 2010. Cette loi vise à mettre fin à certains privilèges financiers des policiers et des militaires.
Un secteur des forces armées, en particulier dans l’armée de l’air, de même que des policiers ont pris le contrôle des principaux aéroports également pendant une douzaine d’heures. L’ancien président, Lucio Guttierez, qui a dû démissionner en 2005 suite à des protestations populaires, a appuyé, depuis Brasilia où il se trouve, la tentative de coup en déclarant qu’il s’agissait de mettre fin au mandat de Rafael Correa. Un groupe d’opposants à Rafael Correa parmi lesquels des policiers en civil et Pablo Guerrero, avocat de Lucio Guttierez et membre actif de son parti, a forcé les portes de la télévision et la radio publiques dans l’après-midi du 30 septembre. La situation était pour le moins confuse du côté de l’état-major de la police. Rafael Correa a été séquestré pendant une douzaine d’heures dans l’hôpital de la police.
De son côté, l’état-major des forces armées a assuré le président de son soutien mais a tardé à donner l’ordre de rétablir l’ordre constitutionnel par la libération de Rafael Correa. Il est probable qu’elle a conditionné son soutien au président à l’octroi de concessions à des demandes des militaires. La CONAIE, principale organisation des peuples indigènes de l’Equateur, a dénoncé le coup d’Etat tout en maintenant ses critiques à l’égard de la politique du gouvernement de Rafael Correa. Finalement vers 21h, le 30 septembre, l’armée a libéré le président en affrontant les policiers mutinés. Il semble que l’on ait ainsi évité un dénouement tragique de la mutinerie des policiers qui aurait pu dégénérer en un véritable coup d’Etat. Néanmoins, la situation est instable et la vigilance est de mise. Après la victoire du coup d’Etat militaire au Honduras en 2009 qui a bénéficié du soutien de Washington et de ses alliés dans la région, il y a un risque certain de voir se produire d’autres tentatives de coup d’Etat dans la région. La droite au Paraguay l’envisage publiquement.
Le CADTM rappelle que le président Rafael Correa est un président démocratique. Il a été élu à deux reprises (en 2006 et en 2010) dans le cadre d’élections démocratiques.
Depuis le début de son mandat, son gouvernement a mis en œuvre une série de mesures positives :
– un processus de réforme politique démocratique qui a doté le pays d’une nouvelle constitution en 2008 qui constitue une source d’inspiration sur plusieurs aspects ;
– une réaffirmation de l’indépendance du pays en mettant fin à la présence de l’armée des Etats-Unis sur la base de Manta ;
– un audit de la dette publique (auquel le CADTM a collaboré activement) qui a abouti à une suspension de remboursement qui à son tour a permis de réduire de manière importante le volume de la dette ;
– une augmentation des dépenses sociales ; la promotion d’une intégration latino-américaine ; une initiative visant à protéger l’environnement en renonçant à exploiter le pétrole qui se trouve dans le sous-sol de l’Amazonie équatorienne dans la réserve du Yasuni ;
– la création d’une télévision et d’une radio de service public dans un pays où les médias étaient jusque là totalement contrôlés par de grandes entreprises privées, plus particulièrement les banques privées du pays.
Ces avancées ont été possibles grâce à de fortes mobilisations populaires au cours des 15 dernières années. Quoique modestes et pour tout dire insuffisantes, les différentes transformations démocratiques réalisées depuis l’élection de Rafael Correa fin 2006 ont provoqué une très forte opposition de la part des secteurs conservateurs habitués à utiliser le gouvernement comme une courroie de transmission pour défendre leurs intérêts.
Face à la tentative de coup d’Etat, de plus en plus de citoyens et d’organisations se sont mobilisés au cours de la journée du 30 septembre en Equateur pour exiger la libération du président Rafael Correa. Une fois libéré, celui-ci a pu prendre la parole devant une partie de ses partisans sur la place publique face au palais présidentiel.
Le CADTM, qui n’a jamais hésité à exprimer des critiques à l’égard du gouvernement de Rafael Correa quand il considérait que celui-ci adoptait des mesures qui ne permettaient pas de faire avancer le processus d’émancipation en cours, dénonce avec la plus grande fermeté la tentative de coup d’Etat qui a débuté le 30 septembre. L’ordre constitutionnel doit être respecté, la démocratie doit être réaffirmée. Le CADTM appelle à la solidarité internationale à l’égard de la mobilisation populaire en défense de la démocratie. Afin de consolider le processus de démocratisation en cours en Equateur, il s’agit d’obtenir de profondes réformes économiques et sociales.
Contacts :
Eric Toussaint, président du CADTM Belgique
Damien Millet, porte-parole du CADTM France
Jérôme Duval, Patas Arriba – CADTM Espagne
Daniel Munevar, CADTM Abya Yala Nuestra America, Colombia
Enith Flores, CADTM Ecuador