D’après les données de l’OIM, il apparaît également qu’entre janvier 2021 et fin février 2022, 1 142 personnes ont été renvoyées par voie maritime : le service des garde-côtes des États-Unis a intercepté 794 personnes en mer et les ont refoulées, et Cuba a renvoyé par bateau 348 Haïtien·ne·s qui venaient d’atteindre l’île sur des embarcations.
Une hausse de la proportion de femmes enceintes et allaitantes, ainsi que de mineurs ont été enregistrés par l’Organisation Internationale de la Migration (OIM) avec une augmentation des rapatriements mi-novembre (avec plus de 4,500 migrants haïtiens rapatriés en une seule journée le 14 novembre) ; et ensuite une baisse relative, avec une moyenne d’environ 1,000 migrants rapatriés par jour.
Enfants, femmes enceintes, handicapés demeurent les catégories de personnes touchées par la déportation massive des autorités dominicaines a souligné Philippe BRANCHAT, le Chef de Mission de l’OIM en Haiti.
Le tremblement de terre de 2021 a coupé l’accès à certaines zones du sud-ouest et détruit des maisons et des infrastructures, forçant beaucoup d’entre elles à fuir leurs maisons de peur qu’elles ne s’effondrent.
La violence des gangs à Port-au-Prince a entraîné le déplacement de plus de 150 000 personnes. Qui pis est les catastrophes naturelles, l’insécurité et la violence exacerbant la vulnérabilité de la population haïtienne, ont poussé de nombreux Haïtiens à émigrer, avec un durcissement conséquent des politiques d’immigration dans les pays de destination, ce qui a entraîné une flambée des rapatriements.
Bien qu’il soit difficile d’avoir des données sur les mouvements sortants, l’organisation internationale a pu constater une augmentation des mouvements de rapatriement en 2022. Les migrants rapatriés, comme les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, sont confrontés à des situations spécifiques de vulnérabilité, y compris les victimes d’abus.
En conséquence, les groupes armés utiliseront probablement cette situation pour recruter parmi les plus vulnérables. Selon Philippe BRANCHAT, la déclaration de Los Angeles a réaffirmé l’importance de générer de la stabilité et de l’assistance pour les communautés, de promouvoir des voies de migration régulières qui permettent aux migrants de se déplacer de manière ordonnée et sûre, et une gestion humaine des migrations.
Avec le Pacte Mondial pour les Migrations (GCM – Global Compact for Migration en anglais), l’OIM a offert un outil qui a prodigué des conseils au gouvernement haïtien pour améliorer la coopération sur les migrations internationales, reconnaissant la contribution clé de la migration à l’expérience humaine à travers l’histoire, et soulignant combien la migration est une source de prospérité, d’innovation et de développement durable, qui peut être optimisée en améliorant la gouvernance des migrations.
Selon Philippe BRANCHAT, la mise en œuvre de ce document -GCM offre une occasion importante de tirer parti de la relation positive entre la migration et le développement pour réaliser l’Agenda 2030 des Nations Unies.
En s’attaquant aux défis, en atténuant les situations de vulnérabilité et d’exclusion et en tirant parti des possibilités que la mobilité offre pour le développement, les migrants et les migrations peuvent faire partie intégrante des efforts de développement.
En effet, les objectifs du GCM reconnaissent les migrants comme des agents qui devraient bénéficier d’une inclusion financière, qui peuvent contribuer à leur pays d’origine par le biais des envois de fonds (remittances en anglais).
Le GCM reconnaît également les migrants et la diaspora comme des agents clés du changement dans les communautés pour catalyser leur développement et exploiter les avantages de la migration en tant que source de développement durable a précisé Monsieur BRANCHAT.
Il est important de souligner que la migration et le développement sont étroitement liés. D’une part, le développement en Haïti est un moteur de la migration, car il permet aux populations d’accéder à des ressources qui leur permettent de se déplacer. D’autre part, la migration stimule le développement en facilitant la circulation des compétences et les envois de fonds. Pour l’heure, l’Organisation Internationale pour la Migration élabore un programme pour la diaspora haïtienne au Canada. Car selon les données, le Canada accueille le troisième plus grand nombre de diasporas haïtiennes après les États-Unis et la République dominicaine.
Ce projet vise à améliorer la conversation en vue d’une coordination entre le gouvernement haïtien et la diaspora au Canada. L’OIM travaille à l’élaboration d’une base de données de référence qui permettra une analyse sensible au genre des besoins, des compétences et des défis de la diaspora et évaluera où les principales compétences de la diaspora peuvent combler les lacunes dans les secteurs clés qui nécessitent le plus de soutien a souligné Philippe BRANCHAT. La Stratégie Nationale pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté ne mentionne, ni ne reconnait, les contributions des migrations au développement d’Haïti en soi, elle affirme toutefois que le développement est strictement lié à la mobilisation collective de l’ensemble de la population qui dépend de la cohésion sociale.
Cela implique que l’inclusion des populations haïtiennes, y compris les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, les retournés, et la diaspora dans les plans de développement socio-économique est cruciale pour la réduction de la pauvreté. Le document de la Stratégie Nationale pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté vise à renforcer l’efficacité de l’État haïtien en vue de le rendre capable d’accompagner la mobilisation nationale en faveur de la croissance et de la réduction de la pauvreté a t-il précisé. Soucieux de peindre avec fiabilité les enjeux relatifs à la migration haïtienne, des acteurs dûment impliqués ont favorisé un groupe de travail sur la protection des migrants (GPM) ; ainsi qu’une Task Force sur la réception, l’enregistrement et les référencements des migrants vulnérables.
Selon Monsieur BRANCHAT, l’OIM assure une présence constante au niveau de la frontière entre Haïti et la République dominicaine, avec des points focaux de protection et des psychologues situés aux points de passage officiels, qui soutiennent l’Office national des migrations (ONM), l’Institut du bien-être social et de la recherche (IBESR) et d’autres autorités haïtiennes dans l’enregistrement des migrants de retour. Ces migrants bénéficient d’un appui pour leur transport afin de pouvoir retourner dans leur localité d’origine en Haïti.
De plus, des services de protection et d’assistance supplémentaires sont disponibles pour les migrants considérés comme vulnérables ou ayant des besoins spécifiques, qui comprennent notamment les enfants non accompagnés et séparés, les femmes enceintes ou allaitantes, les migrants ayant besoin d’une assistance médicale ou psychosociale, les personnes en situation de handicap, les personnes âgées, les victimes de la traite et les survivant(e)s de violence basée sur le genre a t-il souligné.
L’OIM leur distribue de la nourriture et de l’eau ainsi que des kits d’hygiène, des vêtements, parfois un téléphone et du crédit pour la communication, selon leurs besoins. Des kits spécifiques sont distribués aux enfants et aux bébés, et des kits de dignité sont fournis aux femmes et aux filles, et des kits d’hygiène pour les hommes.
Pour les migrants ayant des besoins médicaux spécifiques, le personnel médical de l’OIM a recensé les services et les partenaires disponibles aux différents points de passage frontaliers et facilite leurs référencements.
Un suivi psychologique est effectué par les psychologues de l’OIM auprès des rapatriés les plus vulnérables. Les migrants sont aussi informés de l’existence de la ligne d’assistance téléphonique 8840 de l’OIM, gratuite et confidentielle, qui permet de demander des informations, de recevoir un soutien psychologique, de demander de l’aide, de déposer une plainte ou de partager ses suggestions.
Il est important de préciser que la réunification familiale des mineurs non accompagnés est facilitée par l’OIM en soutien et en collaboration avec l’IBESR, qui est l’institution nationale en charge de la garde des enfants. Ce soutien comprend l’hébergement temporaire et la nourriture pendant le temps nécessaire pour récupérer la famille, ainsi que les frais de transport pour accompagner l’enfant dans sa famille.
Trouver un équilibre entre la dignité des migrants et la souveraineté des États demeure un défi constant auquel l’OIM est confrontée dans la conduite de ses activités ainsi que dans la facilitation et la coopération qu’elle offre aux États membres. Cela n’empêche pas l’organisation de sensibiliser les migrants aux risques liés à la migration irrégulière et de les informer sur les voies de migration légale.
Encourageant la réintégration des migrants rapatriés par le biais d’activités génératrices de revenus, de formations professionnelles et de soutien à l’ouverture de petites entreprises, l’organisation internationale œuvrant dans le domaine de la protection des droits des migrants travaille également à la frontière avec les autorités nationales et les communautés frontalières pour lutter contre la traite des êtres humains et sensibiliser aux risques de protection liés à la migration irrégulière.
Au terme de son mandat visant à fournir une assistance spéciale aux migrants, en aidant les pays à développer des services spécifiques, à rechercher des solutions pratiques sur tous les aspects de la migration, l’OIM contribue à la promotion de la cohésion sociale en travaillant étroitement avec les communautés frontalières et en soutenant le travail de la Commission bilatérale mixte, par le biais d’un projet binational entre Haïti et la République dominicaine.
Aider à relever les défis opérationnels croissants de la gestion des migrations ;- Faire progresser la compréhension des questions migratoires ;Encourager le développement social et économique par la migration ; Défendre la dignité humaine et le bien-être des migrants ; tels sont les objectifs fixés par cette organisation internationale qui vise à fournir une assistance spéciale aux migrants, en aidant les pays à développer des services spécifiques, à rechercher des solutions pratiques sur tous les aspects de la migration.
Débarquées sur le sol haïtien malades, menottées, affamées, traumatisées et désorientées, avant de se retrouver plongées dans un cauchemar humanitaire , les personnes rapatriées retournent dans leur pays d’origine sans lueur d’espoir, dans un contexte actuel marqué par une violence généralisée des bandes criminelles, une crise politique endémique après l’assassinat du président d’Haïti, Jovenel Moïse, une insécurité alimentaire, un système sanitaire au bord de l’effondrement , des ravages causés par un tremblement de terre récent et le risque de contagion en pleine résurgence de la pandémie de COVID-19.
Le gouvernement haïtien se trouve dans l’impérieuse obligation d’adopter des politiques publiques qui soutiennent les solutions fiables proposées par des Haïtiens, fondées sur l’inclusion et la participation effective de la société civile haïtienne au processus de création d’une Haïti plus équitable où les Haïtiens et les Haïtiennes subissent moins de pressions les contraignant à fuir le pays.
Smith Prinvil
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