Des buts non atteints
La Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale institue une stratégie nationale qui, elle-même, poursuit cinq buts. Ces buts sont loin d’avoir été atteints. D’abord, les préjugés à l’égard des personnes en situation de pauvreté ne sont pas moins tenaces qu’il y a dix ans, aucune action majeure n’ayant été mise en place pour les contrer.
Ensuite, les personnes et les familles vivant la pauvreté n’ont pas vu leur situation économique changer de la même façon. En effet, de 2002 à 2009, le taux de pauvreté pris sous l’angle de la couverture des besoins de base n’a que très légèrement diminué, passant de 10,3 % à 9,5 %. « Ce qui a changé, ce sont les types de ménages les plus affectés par la pauvreté. Un plus grand nombre de familles couvrent maintenant leurs besoins d’un côté, mais, de l’autre, moins de personnes seules et de couples sans enfants y arrivent. Le problème n’a donc pas été réglé, il a seulement été déplacé », d’affirmer Serge Petitclerc, porte-parole du Collectif.
D’autre part, les inégalités socioéconomiques, qui nuisent à la cohésion sociale, ont augmenté. « Le pire ici, c’est que, par certaines mesures, l’action du gouvernement a participé à cet accroissement des écarts », de s’indigner M. Petitclerc.
En ce qui a trait à la participation des plus pauvres à la vie collective, force est de constater que, à part quelques exceptions notables, elle a été peu soutenue. Enfin, la solidarité qui devait mener à une lutte plus collective contre la pauvreté a peu été promue ou même défendue. « Pire encore, la fiscalité, qui était déjà affaiblie, l’est devenue encore plus durant cette période avec les baisses d’impôts et les hausses de taxes et de tarifs. Pourtant, la fiscalité demeure le meilleur moyen de redistribuer la richesse, et donc de rendre concrète la solidarité », d’ajouter M. Petitclerc.
Une lutte mal menée, une cible en voie d’être ratée
La loi enjoint au gouvernement de coordonner efficacement la lutte contre la pauvreté. Or, comme l’indiquait en 2011 le Vérificateur général du Québec (VGQ), aucune direction définie et permanente n’a été assurée. Conséquemment, le Québec est en voie de rater la cible qu’il s’était fixée, soit de figurer parmi les nations industrialisées comptant le moins de personnes pauvres en 2013. En effet, à partir les données disponibles, le Centre d’étude sur la pauvreté et l’exclusion (CEPE) estime que le Québec tend à se situer non pas en tête, mais bien en milieu de peloton.
Des leçons à tirer
La Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale montre sans équivoque que sans réelle volonté politique, le succès d’une telle loi ne peut être que vœu pieux. Si les espoirs nourris par cette loi ont été fortement déçus, il n’en demeure pas moins que les parlementaires doivent tirer des leçons de l’expérience des dix dernières années.
Pour éviter que le passé soit garant de l’avenir
À la lecture des bilans déposés dans les dernières heures par les formations politiques, il est facile d’identifier les obstacles qui ont fait faire du surplace au Québec pendant dix ans : détournement idéologique de la lutte à la pauvreté, autopromotion partisane, analyse superficielle ou jovialiste. « Cela nous fait collectivement tourner en rond. L’élimination de la pauvreté commande une véritable collaboration entre toutes les formations politiques. C’est la seule façon d’en arriver à un Québec sans pauvreté et riche de tout son monde », de conclure M. Petitclerc.
Note : Le bilan-synthèse du Collectif est disponible sur son site, au www.pauvrete.qc.ca. Un bilan détaillé de l’application de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale sera déposé en mars 2013.