Pourtant, la gestion néolibérale du gouvernement péquiste participe à notre assujettissement national et au discrédit de la souveraineté aux yeux d’une partie de plus en plus importante du peuple québécois. Mais, au lieu d’essayer de comprendre le recul historique des assises du PQ dans la population québécoise, on cherche des boucs émissaires. Et les premiers trouvés, ce sont les indépendantistes qui refusent la direction péquiste sur le mouvement national qui le conduit pourtant à accumuler les défaites et les reculs. Mais pour tous ceux et celles qui refusent la nécessaire rupture avec un navire amiral qui prend l’eau, la division du vote souverainiste expliquerait l’essentiel des déboires du Parti québécois et non les politiques que ce parti met de l’avant et l’impasse stratégique dans lequel il cherche à maintenir l’ensemble du mouvement souverainiste.
Des primaires, un exercice fort peu démocratique
Ces souverainistes péquistes et associés divers mènent aujourd’hui une campagne pour des primaires souverainistes. C’est une importation pour le moins douteuse. Aux États-Unis, les primaires sont des élections qui visent à choisir les candidatEs d’un parti politique. En France, le choix du candidat ou de la candidate pour le Parti socialiste pour la présidentielle, c’est également fait dans le cadre de primaire. Ici aussi, il s’agissait du choix d’un candidat dans le cadre d’un seul parti politique.
Même dans ce cadre, où des candidatEs d’un seul parti participent à des primaires, l’exercice est bien peu démocratique. Les primaires enlèvent le pouvoir aux militantEs. Elles escamotent des débats réels sur des orientations. Le choix des candidatEs dans des primaires devient, le plus souvent, un concours de popularité entre personnalités. Elles contribuent davantage à développer l’antagonisme entre des personnes qu’à permettre des confrontations politiques visant à tirer au clair les points de vue défendus par tel ou tel candidatE.
Un parti démocratique se donne du temps pour approfondir dans des débats les enjeux des prises de position. Il refuse de conclure trop rapidement. Il cherche à mobiliser la réflexion dans des structures collectives. Il inscrit ses prises de position dans les mémoires par des votes qui lient les membres à une orientation déterminée. Les primaires se font dans le cadre d’une guérilla médiatique, qui efface les choix politiques réels. Elles ne donnent pas le temps à la réflexion et aux échanges et font prévaloir la popularité personnelle, et l’argent souvent, sur la réflexion politique et le partage.
Des primaires souverainistes : une fausse solution découlant d’une fausse analyse
Les primaires souverainistes impliquant plusieurs partis aggraveraient considérablement le caractère antidémocratique d’un tel exercice. Des primaires souverainistes auraient comme effet principal de réduire le nombre des partis politiques se présentant devant les électrices et les électeurs et de faire disparaître la diversité des choix programmatiques qui seraient offerts à la population. Au lieu d’aller dans le sens de reconnaître, par un scrutin proportionnel, la diversité des choix exprimés par les votes de la population, les partis politiques se livrant à un tel stratagème priveraient cette dernière du droit de voter pour les partis dans lesquels elle se reconnaît. Cela conduirait à une véritable dépolitisation des débats publics.
Les primaires souverainistes visent essentiellement à écarter les partis indépendantistes minoritaires du droit à l’expression politique. Elles se situent ainsi à l’opposé de ce que permettrait le scrutin proportionnel : diversification de l’offre politique, reconnaissance de la diversité des positions présentes dans la population à l’Assemblée nationale au prorata des appuis reçus.
À la source de cette proposition de primaires souverainistes : la panique et le mépris
Aux dernières élections, le Parti québécois a fait campagne pour le vote stratégique. Cette campagne implorait les indépendantistes d’oublier la crise stratégique du Parti québécois dans la lutte pour l’indépendance du Québec. Aujourd’hui, les péquistes nous diront qu’il faut oublier les attaques du gouvernement péquiste contre les acquis populaires, et appelleront au ralliement. Il faudrait oublier le fait que le PQ s’est mis au service du secteur privé. Il faudrait oublier leurs politiques cherchant à amadouer la base de la CAQ. Il faudrait oublier leurs positions antiécologioques et l’aide apportée aux projets énergétiques de la bourgeoisie canadienne au mépris de notre indépendance nationale. Il faudrait oublier le soutien au libre-échange avec l’Europe qui menace l’intégrité de nos services publics...
Accepter les primaires, ce serait accepter le mépris manifesté par Pauline Marois qui n’hésitait pas à appeler au sabordage des partis indépendantistes. Des couches importantes de la population du Québec ont commencé à faire le bilan du Parti québécois et des différents gouvernements péquistes. Elles ont aussi pris conscience du total manque de stratégie sérieuse de ce parti dans la lutte pour l’indépendance, sans parler du manque de volonté politique de l’élite technocratique qui le dirige de rompre réellement avec l’État canadien. Ces leçons tirées de l’histoire du Québec ne doivent pas être oubliées. Elles ne le seront pas.
C’est pourquoi des primaires souverainistes ne sont rien d’autre qu’un vulgaire piège à ours et elles sont perçues comme telles. C’est pourquoi, elles ne méritent qu’un rejet ferme et clair des indépendantistes qui savent bien que cet objectif ne deviendra mobilisateur que s’il sait s’articuler à un projet de société solidaire, démocratique, féministe et écologiste.