Un État policier n’est pas un déterminant de la santé
Le couvre-feu décrété hier par le gouvernement est questionnant non seulement en termes d’efficacité pour ralentir la pandémie, mais également au niveau des droits de la personne. Qui sera responsable de faire respecter le couvre-feu et comment ? Pourquoi est-il de la responsabilité des policiers de faire respecter des consignes de la Santé publique, alors que les derniers mois ont bien démontré les problèmes de profilage racial et de racisme systémique au sein de leur organisation ?
On le sait, les énergies sont épuisées. Les travailleuses, les mères, les citoyennes qui portent à bout de bras la santé de notre société en ce moment sont en burn-out ou sur le point de l’être. C’est donc primordial de mettre les efforts là où c’est efficace et pertinent. Il faut se concentrer sur des solutions qui pallient la destruction des services publics des dernières années et qui s’appuient sur les recommandations scientifiques.
« […] il y a des choses qui doivent être urgemment corrigées pour lutter efficacement contre la COVID-19 : prendre en compte le fait que les aérosols sont les principaux responsables de la transmission et agir en conséquence en améliorant la ventilation des lieux intérieurs, en premier lieu nos écoles et nos établissements de santé ; octroyer les ressources nécessaires afin d’améliorer la capacité de test et de traçage subséquent ; empêcher une bonne fois pour toute que du personnel de santé change d’établissement chaque jour ; améliorer les conditions de travail pour que le personnel en santé reste en emploi et cesse de s’épuiser ; organiser de façon efficace la campagne de vaccination pour les personnes les plus vulnérables ou à risque qui souhaitent obtenir le vaccin ; etc. », explique Alexandra Pierre, présidente de la Ligue des Droits et Libertés, dans leur communiqué du 6 janvier.
Cohérence
Grand oublié des conférences de presse journalière durant la pandémie, le communautaire pose pourtant des questions pertinentes. En mars dernier, L’R écrivait un article pour dénoncer le manque de diversité au sein des cellules décisionnelles de la crise sanitaire. Décider entre hommes blancs privilégiés amène de nombreux angles morts et beaucoup d’oublié.es. Que sont censées faire les personnes itinérantes à partir de 20h ? On nous dit que des abris sont prévus pour eux et elles. Nous avons magiquement créé des emplacements adéquats pour accueillir les personnes de la rue ? Et les travailleuses du sexe qui n’ont pas le droit aux prestations mises en place et qui ne peuvent pas arrêter de travailler de soir si elles veulent manger et se loger, elles doivent faire comment ? L’intervenante qui doit animer un groupe de soutien pour victimes de violence conjugale de soir doit-elle annuler ses rencontres ? Va-t-on arrêter les femmes qui sortiront de leur foyer pour aller chercher de l’aide ? Car il est difficile de faire confiance au jugement des policiers qui n’ont aucune formation adéquate sur les enjeux de genre et de race.
Chose certaine, les centres de femmes seront là pour exiger plus de cohérence dans la gestion de la crise aussi longtemps que ces angles morts persisteront. La peur et l’augmentation du pouvoir policier ne font pas partie de la solution.
Transparence
Le 9 décembre 2020, en commission parlementaire, Gabriel Nadeau-Dubois, co-porte-parole de Québec solidaire, demandait au directeur de la Santé publique, Dr Arruda, s’il allait intégrer des recommandations concernant la ventilation des établissements et considérer la transmission en aérosol. M. Arruda répondait alors qu’il attendait un rapport de ses experts pour prendre une décision. À ce jour, nous n’avons toujours pas vu ce rapport et nous n’avons toujours pas de réponse.
Hier en conférence de presse, un journaliste posait la question au Dr Arruda : sur quelles données s’appuie-t-on pour décréter un couvre-feu comme étant une mesure qui freinera la montée des hospitalisations ? Il n’y en a pas. Selon lui, aucune mesure isolée ne peut être prouvée efficace. Pourtant, ce que l’on demande ce n’est pas le pourcentage d’efficacité, mais bien les raisons scientifiques. La population est en droit de savoir sur quoi repose le fait qu’on restreigne nos droits et libertés et il est impératif que le gouvernement dévoile les rapports d’experts sur lesquels reposent ses décisions. Nous avons le droit de savoir ce que la science dit des mesures imposées pour départager ce qui tient de la partisanerie politique. Éduquer la population sur les raisons derrière les mesures sanitaires fait partie des responsabilités et devoirs de la santé publique en temps de crise, selon nous.
Les groupes de femmes, notamment, doivent exiger cette transparence. En cette période de pandémie, les femmes sont particulièrement affectées par les décisions gouvernementales. On le voit particulièrement dans les secteurs sous-financés où elles se retrouvent en majorité, dans des conditions difficiles, comme travailleuses ou utilisatrices des services. Et nous le savons bien, les droits des femmes sont toujours méprisés en temps de crise au nom du bien commun. Que ce soit la mère qui doit retourner au foyer, car nous fermons le CPE du coin, ou la préposée aux bénéficiaires qui n’aura pas droit à ses vacances faute de main d’œuvre en CHSLD. Quand l’une de nous perd ses droits et libertés, nous devons toutes nous en inquiéter.
« N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. »
Merci Simone pour ce rappel, nous resterons vigilantes et critiques.
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