Tiré du site de À l’encontre.
Le scandale impliquant le copinage et la corruption de Park a déclenché la plus grave crise politique en Corée du Sud depuis des décennies. La plus vaste manifestation a eu lieu le 12 novembre, quand environ 1 million de personnes se sont rassemblées dans le centre de Séoul.
Il s’agissait de la plus grande manifestation anti-gouvernementale depuis le mouvement démocratique de juin 1987, lorsque les Sud-Coréens ont forcé le régime militaire à tenir une élection présidentielle libre et ont finalement ouvert la voie à la fin de la dictature.
La présidente Park est la fille de Park Chung-hee, un dictateur militaire qui a gouverné la Corée du Sud pendant 18 ans, à partir du coup d’Etat militaire de mai 1961 jusqu’à ce qu’il ait été assassiné en 1979. Alors que son père était au pouvoir, suite au décès de sa mère tuée dans une tentative d’assassinat contre Park, Park Geun-hye a agi comme une première dame dès l’âge de 22 ans.
L’amitié entre Park et sa confidente Choi Soon-sil remonte aux années 1970, lorsque Park a rencontré le père de Choi, le fondateur d’une secte religieuse, qui est suspecté d’avoir été le mentor de Park et d’avoir exercé un contrôle sur lui et sur son entourage jusqu’à la mort de Choi Tae-min en 1994.
Choi est soupçonnée d’avoir utilisé ses liens étroits avec Park pour faire pression sur les grandes firmes familiales sud-coréennes, les dites chaebols, pour faire des « dons » de près de 77,4 milliards de wons (environ 70 millions de dollars) à deux fondations qu’elle contrôlait. Elle est également soupçonnée d’ingérence en coulisses dans les affaires de l’Etat et dans les décisions du gouvernement concernant le choix des fonctionnaires et des options politiques. De plus, elle a eu accès à des informations d’Etat classifiées.
Choi est accusée d’abus de pouvoir et de fraude. Deux des conseillers de Park ont également été accusés d’abus de pouvoir et d’extorsion, et sont soupçonnés d’avoir aidé Choi à soutirer d’énormes sommes d’argent de chaebols, y compris Samsung, qui à lui seul aurait rapporté 20 millions de dollars à Choi en échange d’une faveur.
Tout d’abord, le scandale de corruption a été surnommé « Choi-gate » et la colère de la population s’est dirigée principalement contre la « présidente de l’ombre », ce qui impliquait que Choi avait exercé une influence indue sur Park et utilisé sa relation personnelle pour contraindre les entreprises à donner de l’argent à ses fondations, accumuler une fortune illicite et gagner des faveurs pour elle-même et sa famille.
Mais suite à des fuites de documents liés à l’enquête, il s’est avéré que la présidente Park était la principale coupable dans le scandale de la corruption. Le 20 novembre, les procureurs ont publié un acte d’accusation contre Choi dans lequel ils ont indiqué que Park était complice de ses crimes, faisant effectivement d’elle une suspecte plutôt qu’un témoin.
Selon les procureurs, Park « a joué un grand rôle » dans les efforts pour amasser des fonds des entreprises afin de constituer les fondations dirigées par Choi. Cependant, la Constitution sud-coréenne ne permet pas d’accuser pénalement un président en exercice (il jouit du statut d’immunité), sauf en cas d’insurrection ou de trahison. Mais les enquêtes sont autorisées.
Les allégations de corruption, d’abus de pouvoir, de détournement de fonds et de favoritisme suscitaient la colère de la population et l’exigence de la démission ou de la mise en accusation de Park. Dans les sondages, le taux d’approbation de Park a chuté à 5%, le plus bas de l’histoire de la Corée du Sud.
Tout en niant toute implication dans des actes répréhensibles, Park a publié des excuses publiques deux fois depuis que le scandale a éclaté.
Dans une tentative de désamorcer la fureur populaire, Park a initialement promis qu’elle coopérerait avec l’enquête sur toute fraude possible et détournement impliquant son amie. Mais le 20 novembre, après la publication de l’inculpation de Choi, Park a indiqué, par son avocat, qu’elle ne répondrait à aucune des questions du parquet.
De plus, selon un initié, lorsqu’on lui a conseillé de démissionner pour étouffer la vague de fureur populaire, elle aurait répondu en affirmant : « Qu’est-ce que j’ai fait de mal ? » – signalant par là qu’elle n’était pas disposée à entendre la clameur populaire et qu’elle resterait en place quoi qu’il en soit jusqu’au terme de son mandat fin de 2017.
Cette arrogance a accru la colère populaire contre Park. On s’attend à ce que plus de personnes participent à la prochaine manifestation de masse prévue samedi 26 novembre pour exiger sa démission.
Alors que dans la rue les gens réclament la démission immédiate de Park, les partis d’opposition, bien que quelque peu enhardis par les protestations massives, ne sont pas encore prêts à prôner la destitution de Park, car ils craignent [si les deux tiers du parlement n’avalisent pas l’impeachment] un effet négatif sur l’élection présidentielle de l’année prochaine [entre autre pour le Parti démocratique qui dispose de 122 sièges sur 300]. Il semble que ce qui les intéresse le plus, c’est de contenir la colère des gens et de la canaliser vers leur victoire électorale l’année prochaine.
Les Sud-Coréens sont en colère contre la corruption impliquant Park et son entourage. Mais ce n’est pas la seule raison pour laquelle il y a un si grand tollé.
Lorsqu’elle est devenue la première femme présidente de Corée du Sud en 2013, Park a promis des réformes économiques radicales pour diminuer l’inégalité de revenu croissante entre riches et pauvres et faire face au chômage et à une économie stagnante.
Elle a dit qu’elle aiderait le pays à répéter le dit « Miracle sur la rivière Han » – formule faisant référence au développement économique rapide sous la présidence de son père. Park promettait de créer des emplois et de construire une économie « de la connaissance » qui serait moins dépendante des grandes entreprises dominantes en Corée. Cela entraînerait une « démocratisation économique » en donnant la priorité à la création d’emplois dans les sciences et la technologie.
Toutefois, au cours des quatre dernières années, elle a manifesté un style de direction autoritaire et un manque de transparence, ce qui ressemble beaucoup aux méthodes autoritaires de son père. Au même titre que sous le règne de son père, la présidente Park a intensifié les attaques contre les droits des travailleurs, les conditions de travail et les salaires. Elle a poursuivi une répression impitoyable contre les opposants.
Par exemple, Han Sang-gyun, président de la Confédération coréenne indépendante des syndicats coréens (KCTU), a été arrêté l’an dernier et est toujours en prison après avoir été condamné à cinq ans d’emprisonnement pour avoir organisé une série de manifestations contre l’administration Park [voir à ce sujet l’article publié sur ce site en date du 6 juillet 2016 http://alencontre.org/asie/coree-du-sud/lemprisonnement-de-han-sang-gyun-un-moment-crucial-pour-le-syndicalisme-de-coree-du-sud.html].
En outre, dans une tentative de glorifier la dictature militaire de son père, Park Geun-hye a tenté de réécrire les manuels scolaires d’histoire. Les conservateurs ont allégué que les auteurs « de gauche » empoisonnaient les manuels d’histoire actuels et les esprits des étudiants par leurs « préjugés idéologiques ».
Le gouvernement a annoncé qu’il remplacerait les manuels d’histoire actuels utilisés dans les écoles par des manuels publiés par le gouvernement. Cela a été critiqué comme une tentative de retour de l’éducation conforme au passé autoritaire du pays.
La privatisation des soins de santé et des chemins de fer est également en cours, ce qui a provoqué les récentes grèves des travailleurs de ces secteurs. En coordination avec les Etats-Unis, l’administration de Park, en juillet 2016, a annoncé le déploiement d’un Terminal High Altitude Area Defense (THAAD) – système de missiles antibalistique américain – dans une région rurale dans le sud-est de la Corée du Sud, à Seongju, menaçant ainsi l’environnement et les agriculteurs qui y vivent, et suscitant un mouvement d’opposition.
En résumé, la promesse de Park de répéter le « Miracle sur la rivière Han » est devenue un cauchemar pour la majorité des Sud-Coréens. Comme le mécontentement populaire a augmenté, le parti de Park Geun-hye, le parti Saenuri au pouvoir [le « Parti de la nouvelle frontière »], a perdu sa majorité parlementaire aux élections générales tenues en avril 2016 [129 siège sur 300].
La cinquième manifestation de masse, prévue pour le samedi 25 novembre, devrait attirer encore plus de gens, la colère populaire contre Park est de plus en plus massive.