Hilaty Wainwright, Red Pepper, 27 septembre 2022
Traduction, Alexandra Cyr
J’ai l’intuition que la confiance en soi dans les rangs (des travailleurs et travailleuse dans l’industrie) est toujours active dans les mémoires et donne des idées à propos du militantisme avec une relation bien différente et encore mal définie avec les politiques. Le militantisme d’aujourd’hui, qui alimentait la réflexion sur les politiques du mouvement ouvrier, était clair au gala Durham Miners’ de cette année.
Ce gala, ou « Big Meeting » est un événement de très grand prestige dans le calendrier du mouvement ouvrier (britannique). Jusqu’à maintenant, tous les dirigeants.es du Parti travailliste s’assuraient d’être là, aux balcons du County Hotel, saluant les défilés de bannières et de fanfares et les quelques dizaines de milliers de participants.es. Cette année, on en comptait 200,000 participants.es. Cet événement à portée nationale a toujours été organisé par le local de l’Association des mineurs de Durham. Cette année d’autres syndicats de la région se sont ajoutés mais indépendamment de la centrale TUC ou de toute autre centrale nationale. Sir Keir Starmer (actuel dirigeant du Parti travailliste. N.d.t.) n’a pas jugé nécessaire d’en faire une priorité. Tony Blair n’est pas venu non plus. Ils savaient que la réception serait froide.
Depuis la mi 1980 avec les succès de la gauche, les « deux Daveys » (Davey Guy qui présidait le gala cette année et précédemment, Davey Hopper) ont pris le contrôle de l’Association, ce syndicat local et avec d’autres syndicats et mouvements sociaux, ont rendu cette rencontre, « la plus vibrante du monde » selon les termes de Len McCluskey.
Refuser d’être pauvre
Cette année une très grande foule enthousiaste a acclamé tous les intervenants et toutes les intervenantes, dirigeants.es de syndicats et de groupes communautaires et militants. Les discours n’étaient plus de la teneur habituelle et convenue. Plus d’attaques contre les Conservateurs.trices et non plus d’engagement à travailler à l’élection d’un gouvernement travailliste. Ces militants.es du mouvement syndical ont ouvert un nouveau champ.
Claire Williams, présidente de Unison région du nord : « L’action collective est le moyen d’obtenir du changement. Unison est prêt pour la grève ».
Sharon Graham, nouvelle secrétaire générale de Unite : « Fin des petites manœuvres politiques qui parient sur (les dispositions) de l’industrie ».
Mick Lynch dirigeant de RMT : « Le mouvement syndical doit renaître ; refusons la pauvreté ! Notre drapeau est indépendant de tout parti politique. Toutes politiques qui se mettent en travers de notre chemin seront repoussées fermement. Nous allons créer nos propres politiques ».
Ce genre d’engagements, prononcés avec confiance devant une foule qui approuve, sont une indication qu’une nouvelle relation se dessine entre les syndicats et le monde politique, où ils ne seront plus soumis aux élus.es du Parti travailliste. D’autres discours ont suivi qui ont clairement indiqué qu’il ne faut plus que le Parti les prenne pour acquis dans leurs enjeux politiques plus larges.
Le postier Rohan Kon parlant au nom de la CWU décrit comment son syndicat a travaillé avec ACORN, un groupe communautaire qui se bat pour le logement, pour la sécurité urbaine et d’autres enjeux sociaux et politiques dont les inscriptions sur la liste électorale. Yvette Williams de Justice 4 Grenfell et organisatrice du Carnaval de Notting Hill, a été une des rares intervenantes qui ne faisait pas partie d’un syndicat. Elle a parlé de la nécessité « sans conteste de nous regrouper ».
Comment gagner
Comment les mouvements, les syndicats, les campagnes de toutes sortes et les représentants.es politiques de gauche peuvent se regrouper est le thème important du nouvel ouvrage de James Schneider, co-fondateur de Momentum et Jeremy Corbyn ancien responsable des communications stratégiques (et ex chef du Parti travailliste.N.d.t.). Our Bloc : How We Win, ouvre un débat plus que nécessaire sur les stratégies après réflexion sur la défaite (du Parti travailliste) de 2019, avec une approche généreuse, non sectaire ouverte. « La flexibilité et l’ouverture doivent être nos maitres mots ».
J. Schneider plaide pour un « bloc de gauche » fédéré avec un secrétariat dont la tâche principale serait de coordonner, faciliter et partager les informations. Le fait que malgré que les idées opposées à l’establishment et que les valeurs socialistes soient répandues dans le Royaume Uni, il faut constater qu’il n’existe plus de parti politique qui puisse rassembler tout le monde sous une même bannière. La proposition de J. Schneider repose sur cette analyse. D’ailleurs elle contient les éléments de flexibilité, et de principes ouverts, qui font partie de la sorte de stratégie dont nous avons besoin. J. Schneider à l’habileté de se servir de son expérience de manière critique et exemplaire. Mais nous devons aussi élaborer (nos stratégies) à partir d’une variété plus grande d’expériences, avec des tentatives de changement profond que ce soit localement ou nationalement.
Rebâtir la confiance
J. Schneider parle de l’importance de rétablir la confiance d’en « engranger des masses ». Depuis plus de 40 ans, cette confiance a été détruite à la fois par les politiques anti syndicales de M. Thatcher et la démolition du Parti Travailliste comme organe politique de la classe ouvrière et de ses besoins. Mais, la confiance comme outil de possibilités de changement, de création de société plutôt que de consommateurs.trices, a souvent été rebâtie par des victoires souvent partielles au niveau local sans l’apport du Parti Travailliste. Par exemple, la campagne « Justice for Hillsborough à Liverpool, a permis de rétablir la confiance des communautés de classe ouvrière dans une ville ravagée depuis des décennies. Plusieurs groupes militants ont commencé à développer le pouvoir de ces communautés sur d’autres enjeux qui ne font pas toujours partie des priorités des fédérations nationales.
À l’étranger également, des expériences montrent que les besoins en matière de stratégies sont plus important que de la fédération. En Colombie, la victoire de Gustavo Petro et de Francia Marquez est issue d’un processus d’éducation politique régional qui participé à la création du pouvoir populaire et de la confiance en soi. Pendant plus de deux décennies, un petit groupe radical défendant les droits humains, Nomadesc, a travaillé dans le sud-ouest du pays avec des syndicats et groupes de lutte emblématiques qui ont affronté les offensives concertées des paramilitaires de droite. Nomadesc a encouragé le dialogue interculturel en s’appuyant sur un éventail de différentes connaissances, pratiques tacites et ancrées dans les coutumes ancestrales autant que sur des connaissances professionnelles et théoriques. Cette collaboration avait une dimension anticipatrice parce qu’elle soutenait les alternatives autonomes du terrain tout en s’engageant avec les institutions étatiques comme un des éléments d’une stratégie politique plus large.
Le monde se transforme et illustre la possibilité de combiner divers éléments d’une stratégie. Un des héritages les plus positifs de la confiance en soi politique, inspiré par le trop bref passage du leadership de J. Corbyn, TWT, offre aussi des possibilités pour deux autres legs de la sorte : 1- des organisations radicales de travailleurs.euses précaires et 2- de l’espace pour le militantisme indépendant (d’esprit) de leaders syndicaux qui sont apparus.es si clairement au Gala de Durham. La confiance dans les partis politiques a disparu après qu’ils aient démoli les précieuses occasions d’élire un.e Premier.ère ministre socialiste.
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