Édition du 18 juin 2024

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Racisme

Cologne et l’image du réfugié dangereux

Plus que le conseil risible de la bourgmestre de Cologne Reker, qui appelle les femmes à se tenir à une longueur de bras de distance des hommes étrangers, c’est la note dominante des réactions aux événements de la nuit du Nouvel An à Cologne qui nous met mal à l’aise. Une fois de plus, l’antisexisme est instrumentalisé dans un discours raciste. C’est ce que constate Ida Dequeecker, du Vrouwen Overleg Komitee (VOK).

De l’intervention de Karel De Gucht chez Bart Schols (06.01.2016), il ressort que la relation entre sexisme et culture musulmane est de plus en plus considérée comme une affaire entendue. Manifestement pas très au courant des faits de Cologne, il a donc commencé par parler de jeunes musulmans à Bruxelles à l’attitude particulièrement hostile envers les femmes. Quand Dyab Abou Jahjah lui a fait remarquer qu’on ignorait encore s’il s’agissait de jeunes musulmans à Cologne, De Gucht a tout de même persisté, en estimant que Bruxelles et Cologne sont des villes inondées d’hostilité envers les femmes de la part des hommes de culture musulmane, tout en laissant entendre que les hommes Occidentaux qui se comportent de manière problématique ne sont que des individus qui s’écartent du principe d’égalité entre hommes et femmes.

La violence sexuelle est de toutes les cultures. En Belgique, 2.882 viols ont été déclarés rien que pour 2014. Et on recense près de 40.000 déclarations pour violence conjugale. Il ne s’agit que d’une petite partie du chiffre réel, selon les experts. D’après le Bureau de l’Union Européenne pour les droits fondamentaux, en Belgique, 78 % des victimes de violences graves de la part de leur partenaire ne déclarent pas les faits à la police ou à une autre instance.

La grande majorité de ces comportements criminels ne se produit pas en rue mais dans le cercle familial. Leur dimension n’est pas le fruit de l’arrivée de nouveaux groupes de population. Cette quotidienneté terrible de la violence sexuelle et sexiste, voilà ce qui devrait être le sujet du débat.

L’égalité entre hommes et femmes, celle dont nous nous targuons, n’est pas encore acquise dans la société occidentale, c’est clair. Prenez par exemple un phénomène de masse comme « la Manif pour tous » en France, qui s’est opposé avec une telle force au projet scolaire « ABCDEgalité » (pour l’égalité entre filles et garçons) en obtenant son retrait. Ainsi, la « culture occidentale » n’est pas si unanime à propos de l’égalité entre homme et femme.

Il serait plus correct de voir la criminalité sexiste comme une des expressions néfastes du sexisme. Et puisque le sexisme apparaît dans toutes les cultures avec beaucoup de variations, il n’y a aucun sens pour les victimes et il est politiquement dangereux d’attribuer cette criminalité à une culture déterminée et d’assimiler celle-ci avec les réfugiés actuels.

Le sexisme est lié à la relation inégale entre hommes et femmes. La criminalité est une question de transgression de la loi. Les transgresseurs doivent être considérés comme individus et non comme produits d’une culture déterminée.

Entretemps, « en réaction à ce qui s’est produit à Cologne », Théo Francken veut faire suivre des cours à tous les demandeurs d’asile pour leur apprendre à comment se comporter envers les femmes (DS 07/01/16).

Le mythe du réfugié dangereux est en pleine construction, avec le féminisme comme argument catalyseur. Impeccable.

Cet article a été publié dans la rubrique « Opinion » de DeWereldMorgen.be

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