Édition du 17 décembre 2024

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Militarisation

Chine-débat. Les racines effectives du conflit Etats-Unis-Chine et leur place respective sur la scène mondiale

La Chine est le premier pays à avoir supporté le poids du Covid-19 au début de l’année 2020. Les reportages occidentaux de la fin janvier de cette année-là décrivaient la situation à Wuhan avec un sentiment d’incrédulité.

Tiré de Europe solidaire sans frontière.

Ces mesures d’urgence allaient bientôt devenir familières dans le monde entier. Entre-temps, le gouvernement chinois semble avoir mieux réussi à contenir la pandémie que les autorités des Etats-Unis.

L’expérience du Covid-19 a alimenté l’idée que la Chine dominera ce siècle comme les Etats-Unis ont dominé le précédent. Joe Biden s’est fixé comme priorité d’écarter ce danger avant qu’il ne devienne réalité.

Ho-fung Hung est un spécialiste reconnu de l’économie chinoise. Il est professeur au département de sociologie de l’Université Johns Hopkins et l’auteur de The China Boom : Why China Will Not Rule the World. [Voir sur ce site l’article de Ho-fung Hung publié le 12 décembre 2021.

Cet entretien est une transcription éditée d’une partie du podcast Long Reads du Jacobin.

Daniel Finn : Quel a été l’impact de la pandémie de Covid-19 sur l’économie chinoise en 2020 ? Dans quelle mesure a-t-elle réussi à se rétablir depuis lors ?

Ho-fung Hung : L’impact économique immédiat a bien sûr été important, comme dans de nombreux autres pays. La Chine a été l’une des premières économies à être touchée par le Covid-19. Le gouvernement chinois a réussi à contenir la propagation du virus par des mesures extrêmes de confinement, en isolant des régions entières du pays. Pendant cette période, la production et la consommation se sont grippées, et de nombreuses activités se sont arrêtées.

Toutefois, à l’approche de l’été 2020, la diffusion du virus était pratiquement maîtrisée. L’économie chinoise a alors rebondi, avec l’aide d’un énorme stimulus financier. Ce fut exactement comme au lendemain de la crise financière mondiale de 2008-2009. Le gouvernement chinois a demandé aux banques d’Etat d’ouvrir les vannes du crédit. Si vous regardez les données relatives à l’envol des prêts au milieu de l’année 2020, on constate que cela a abouti à un fort rebond économique.

Mais ces prêts ou stimuli financiers ont accru l’endettement qui hantait déjà l’économie depuis 2009. Au milieu de l’année 2021, nous avons constaté que l’économie chinoise ralentissait à nouveau, plombée par le lourd endettement de nombreuses entreprises. Le schéma s’est répété : comme après la crise financière, l’économie a rebondi rapidement grâce à ces mesures de relance, mais elles ont également pesé sur les performances économiques à long terme.

Si vous considérez les dernières années, comment diriez-vous que l’administration Trump a affecté les relations politiques et économiques entre la Chine et les Etats-Unis ?

Elle a certainement eu un impact, mais pas sur l’orientation à long terme des relations entre les Etats-Unis et la Chine. Comme je l’ai souvent affirmé, les relations entre les Etats-Unis et la Chine sont passées d’une sorte de lune de miel à une relation plus tendue, à partir de l’administration Obama. C’est après la crise financière mondiale que l’Etat chinois est devenu plus agressif en s’assurant une part du marché intérieur chinois pour certaines entreprises d’Etat, puis en s’étendant à l’étranger pour concurrencer les firmes étrangères – y compris, bien sûr, les sociétés étatsuniennes.

Cette intensification de la concurrence intercapitaliste entre les entreprises chinoises et américaines, ainsi qu’avec d’autres firmes européennes et japonaises, a été la force sous-jacente de la dégradation des relations entre les Etats-Unis et la Chine. Tout a commencé lors du second mandat de l’administration Obama [dès 2012], qui a pris diverses initiatives qui ont abouti à changer l’orientation de la politique de Washington en direction de la Chine.

Il s’agissait notamment du pivot vers l’Asie, avec le déploiement d’un plus grand nombre de porte-avions militaires et de forces navales dans la mer de Chine méridionale pour contrer les revendications de souveraineté de la Chine à l’égard de ses voisins. Dans le même temps, Barack Obama a également accéléré les négociations du TPP, le partenariat transpacifique [qui visait à intégrer les économies des régions Asie-Pacifique et Amérique]. Il avait l’intention de réunir les alliés des Etats-Unis (et certains autres) dans un ensemble de libre-échange, à l’exclusion de la Chine, afin de faire pression sur cette dernière.

En d’autres termes, toutes les mesures pratiques signalaient ce changement d’orientation, mais sur le plan diplomatique, l’administration Obama continuait à utiliser une rhétorique très policée lorsqu’elle abordait les questions avec la Chine. Il est intéressant de noter que, dans les premiers jours de son administration, certains signes indiquaient que Donald Trump pourrait être plus doux envers la Chine qu’Obama. Par exemple, au cours du premier semestre après son investiture en 2017, l’administration Trump a arrêté l’« opération de liberté de navigation en mer de Chine méridionale » [FONOP-Freedom of navigation operation, qui impliquait l’utilisation du droit international coutumier selon lequel les navires battant le pavillon d’un Etat souverain – par exemple de Taïwan ou du Vietnam – ne doivent pas subir d’interférences d’un autre Etat, en l’occurrence la Chine]. Pendant quelques mois, l’administration Trump n’a pas envoyé de navires de guerre là-bas.

Certains des républicains, ainsi que des démocrates, se sont inquiétés que cela puisse être un signe selon lequel Trump serait trop léger avec la Chine. Cependant, même si Trump est apparu comme un président plus doux à l’égard de la Chine, la concurrence intercapitaliste sous-jacente entre les Etats-Unis et la Chine n’a pas diminué. En fin de compte, Trump a également dû se montrer plus ferme à l’égard de la Chine – pour ce qui a trait au commerce et sur de nombreuses autres questions.

La grande différence entre Trump et Obama est que sa rhétorique était plus crue et qu’il utilisait un langage très coloré qui a impressionné les gens et a attiré leur attention sur ce qu’il faisait. En conséquence, la perception populaire veut que les relations entre les Etats-Unis et la Chine ne se soient détériorées que sous Trump, alors qu’en fait leur détérioration a commencé sous Obama. L’administration Biden poursuit essentiellement de nombreuses approches de l’ère Obama vis-à-vis de la Chine.

Dans le prolongement de ce constat, comment évaluez-vous la politique de la nouvelle administration à l’égard de la Chine, et comment les dirigeants chinois perçoivent-ils Joe Biden et son équipe ?

Les Chinois ne se font pas d’illusions sur l’administration Biden. Ils sont tout à fait conscients que cette approche étatsunienne, de plus en plus dure à l’égard de la Chine, a commencé avec Obama. Pendant l’élection de 2016, de nombreux commentateurs des médias officiels et des universitaires en Chine espéraient à voix haute que Trump gagne, car ils pensaient qu’Hillary Clinton allait probablement poursuivre les politiques de l’administration Obama. Mais Trump n’a fait l’objet d’aucune illusion par la suite, lorsque des forces structurelles l’ont poussé vers des relations plus dures.

On peut dire la même chose en ce qui concerne l’administration Biden. Pendant l’élection de 2020, les universitaires et les médias officiels chinois ont beaucoup parlé du fait que l’administration Biden ne serait pas très différente de celle de Trump. Après tout, un grand nombre de mesures sévères des Etats-Unis à l’égard de la Chine ne sont pas venues de la Maison-Blanche, mais plutôt du Congrès, avec un soutien bipartisan.

Nous pouvons maintenant tous constater que Joe Biden a été très ferme avec la Chine. Il n’a pas révoqué les tarifs douaniers de Trump. Au cours de ses premiers mois, l’administration a été très active pour aligner des alliés en Europe et en Asie afin de former un front uni avec lequel affronter la Chine. Non seulement en termes de rhétorique, mais aussi en termes de politique concrète, il est clair que le nouveau président n’a pas ménagé ses efforts et en cela il a poursuivi de nombreuses politiques de l’ère Trump.

Vous avez soutenu il y a quelques années dans votre livre The China Boom que c’était une erreur d’imaginer que la Chine puisse réellement dépasser les Etats-Unis dans la hiérarchie économique mondiale. Quel était votre raisonnement derrière cet argument à l’époque ? Pensez-vous qu’il soit toujours valable aujourd’hui ?

Je pense que c’est toujours vrai aujourd’hui. Lorsqu’il s’agit de la Chine, il est toujours très important de distinguer la rhétorique de la réalité. Les médias officiels chinois nous apprennent que l’on parle beaucoup de la façon dont la Chine va dépasser les Etats-Unis dans de nombreux domaines. Par exemple, on dit que la monnaie chinoise va devenir une monnaie mondiale dominante qui pourra renverser l’hégémonie du dollar américain. Mais on peut se demander dans quelle mesure cela reflète la réalité.

Dans The China Boom, j’ai fait valoir que nous devions examiner de plus près les données. Nous ne devons pas nous laisser berner par la propagande. La Chine est sans aucun doute une économie très prospère et importante. C’est l’un des marchés les plus importants, dans lequel les entreprises doivent essayer de pénétrer. Mais en même temps, la Chine est encore loin derrière les Etats-Unis dans de nombreux domaines.

En termes de monnaie, au moment de la crise financière de 2008, on parlait beaucoup de la fin de l’hégémonie du dollar et de son remplacement par la monnaie chinoise, comme monnaie de réserve mondiale. Mais aujourd’hui, plus de dix ans plus tard, le dollar reste la monnaie de transaction standard et la monnaie de réserve dans le monde. La monnaie chinoise n’a pas fait beaucoup de progrès : en fait, on constate une certaine régression dans son utilisation internationale, car le Parti communiste chinois (PCC) protège jalousement son système financier et la monnaie n’est pas encore librement convertible.

Lorsque la Chine prête de l’argent aux pays de l’initiative « la Ceinture et la Route » [Belt and Road Initiative, qui, à la différence des nouvelles Routes de la soie, indique un projet qui dépasse celui de « simples routes »], elle leur prête en dollars plutôt que dans sa propre monnaie. La Chine est en concurrence avec le Japon pour devenir le principal prêteur de nombreux pays d’Asie du Sud-Est. Elle a pu dépasser le Japon parce que les Japonais prêtent en yens alors que la Chine propose de prêter en dollars. Les exportations chinoises sont aussi principalement facturées en dollars. L’utilisation internationale de la monnaie chinoise est loin derrière celle du dollar américain, mais aussi de la livre sterling.

Dans un autre domaine, la production de puces électroniques, la Chine s’est appuyée sur les Etats-Unis ou ses alliés. Lorsque Trump a imposé des sanctions à la Chine, dans le cadre d’une politique américaine visant à couper la Chine des secteurs de haute technologie, de nombreuses entreprises technologiques chinoises ont soudainement connu de gros problèmes, car elles ne pouvaient pas s’approvisionner suffisamment en micropuces.

Selon vous, qu’est-ce qui a véritablement caractérisé le leadership de Xi Jinping ?

Beaucoup de gens pensent que Xi Jinping marque un énorme changement par rapport aux dirigeants précédents. Il ne fait aucun doute que le PCC s’est montré plus confiant et plus agressif à bien des égards : par exemple, en donnant des libertés à ses diplomates pour qu’ils insultent les dirigeants des Etats-Unis. D’un autre côté, tout comme dans le cas des Etats-Unis avec Trump, il y avait déjà des changements en cours, à un niveau plus structurel, au-delà de la rhétorique.

Depuis que Xi est arrivé pleinement au pouvoir en 2013, sa rhétorique et son style ont définitivement été plus agressifs. Un autre grand changement qu’il a opéré est l’abolition de la limite de mandat pour un haut dirigeant chinois, ce qui signifie qu’il peut être un dictateur à vie, contrairement à ses prédécesseurs, qui avaient une limite de mandat claire de dix ans, après quoi ils étaient censés quitter la scène [au cours du second semestre 2022, le XXe Congrès du PCC doit confirmer la permanence au pouvoir de Xi Jinping constitutionnellement établie en 2018].

Toutefois, une grande partie du changement de la politique chinoise à l’égard des Etats-Unis et des firmes étatsuniennes a des origines plus structurelles. Le renouveau du capitalisme d’Etat et le resserrement du contrôle sur le secteur privé en Chine, ainsi que des entreprises étrangères, ont commencé au lendemain de la crise financière mondiale. A cet égard, le moment décisif n’a pas vraiment été l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, mais plutôt le krach de 2008.

Les prêts des banques d’Etat ont permis de maintenir à flot un grand nombre d’entreprises ayant de bonnes connexions politiques après 2008 : même si elles n’étaient pas rentables, elles ont quand même obtenu des prêts et des ressources financières. De nombreuses entreprises publiques connaissent des problèmes de surcapacité et d’endettement. L’impact de ces mesures de relance en 2009-2010 est que la Chine a dû faire face à un ralentissement économique, à l’endettement et à la morosité. Il s’agit d’une crise de suraccumulation typique, du type de celle qu’a connue le Japon dans les années 1990.

Avec un gâteau qui se rétrécit, le pouvoir a essayé d’augmenter la part de ce gâteau qui va aux entreprises d’Etat en pressurant les entreprises privées en Chine et en étant plus agressif à l’étranger. Il a également commencé à exporter des capitaux. L’acier en est un exemple : l’industrie sidérurgique chinoise souffrait d’une énorme surcapacité et la Chine a commencé à exporter de l’acier dans le monde entier, ce qui a créé des frictions commerciales avec de nombreux pays, dont la Corée du Sud et certains Etats européens.

Le moment décisif a donc été la crise financière de 2008 et les mesures de relance chinoises qui ont suivi. Cela a créé cette crise de suraccumulation dans l’économie chinoise, incitant à son tour la Chine à concurrencer plus agressivement les Etats-Unis et d’autres sociétés étrangères. L’arrivée au pouvoir de Xi Jinping a coïncidé avec ce changement structurel. Xi, comme Trump, n’a fait que rendre plus apparente une tendance qui était déjà en place avec un style et une rhétorique plus agressifs.

Selon vous, qu’est-ce qui se cache derrière les mesures énergiques du gouvernement chinois contre certaines grandes entreprises, en particulier les entreprises technologiques ?

C’est un phénomène très intéressant dont beaucoup de gens discutent en ce moment. Certains diront que le gouvernement chinois s’intéresse enfin à la justice sociale et s’attaque à ces monopoles.

Tout d’abord, la cible était la grande entreprise technologique Alibaba et sa filiale Ant Group, qui avaient prévu une introduction en bourse sur les marchés étrangers, avant que le gouvernement chinois, à la dernière minute, ne l’arrête. Quant à Tencent, une autre grande entreprise technologique, elle a fait l’objet d’importantes critiques et de pressions réglementaires de la part de l’Etat. Cependant, l’offensive s’est depuis élargie vers toutes sortes de grandes entreprises privées en Chine, y compris des secteurs comme le soutien scolaire privé, l’éducation, les sociétés de plateformes de livraison et bien d’autres entreprises.

Mais je suis sceptique quant à savoir si le souci de tout cela est de promouvoir la justice sociale et de réprimer les monopoles. Si vous regardez les cibles de ces mesures, ce sont toutes des entreprises privées en Chine, alors que les entreprises d’Etat ou paraétatiques bien connectées ont toujours reçu tout le soutien dont elles avaient besoin pour continuer à avoir des positions monopolistiques. Il s’agit dès lors davantage de l’insécurité ressentie par l’Etat quant à son contrôle sur l’économie. Il s’attaque à ces entreprises privées pour s’assurer que celles d’Etat puissent rester au sommet de la pyramide et ne soient pas éclipsées par les entreprises privées.

Depuis la dynastie Qing au XVIIIe siècle, l’histoire de la Chine est marquée par un thème récurrent : l’Etat utilise des entrepreneurs privés pour développer l’économie, augmenter les revenus de l’Etat et renforcer l’empire. Dans le même temps, lorsque ces marchands privés devenaient trop influents et trop puissants, l’Etat commençait à s’en inquiéter et à les réprimer. Dans certains cas, l’Etat confisquait leurs richesses ou les mettait en état d’arrestation.

Je pense que nous assistons à une sorte de répétition de cette histoire. Aux premiers stades de la croissance économique, l’Etat chinois a utilisé des entreprises privées – y compris des entreprises étrangères – pour se développer et contribuer à la projection du pouvoir de l’Etat chinois à l’étranger. Toutefois, lorsqu’elles sont devenues trop importantes, en particulier dans le contexte du ralentissement économique actuel, l’Etat a commencé à ressentir le besoin de réprimer les entrepreneurs privés. Je pense que c’est la raison principale des récentes mesures énergiques de contrôle.

Quelles sont les perspectives d’un mouvement ouvrier chinois, ou en tout cas d’une action des structures syndicales chinoises qui soient indépendantes de l’Etat ?

Au cours des dix dernières années, alors qu’il n’y avait pas de syndicats indépendants, nous avons assisté à de nombreuses grèves sauvages et à une agitation ouvrière sporadique dans tout le pays. Comme beaucoup de gens l’ont souligné, la nouvelle loi sur le travail qui a été instituée au début des années 2000 était une sorte de réponse à ces manifestations sporadiques : ces mouvements ont fait pression sur l’Etat pour qu’il fasse quelque chose afin d’améliorer les conditions des travailleurs et travailleuses. Mais bien sûr, il y a toujours une sorte de jeu du chat et de la souris à l’œuvre : lorsque les travailleurs et travailleuses obtiennent quelque chose, l’Etat et les capitalistes trouvent toujours un moyen de le contourner. Certains fabricants et employeurs ont trouvé un moyen de contourner la nouvelle loi sur le travail et de remettre les travailleurs dans une situation plus précaire.

En apparence, nous ne voyons pas apparaître un mouvement ouvrier dit typique. Mais je suis convaincu que ces formes d’agitation ouvrière et de protestation communautaire non organisées, spontanées et sporadiques vont se poursuivre. Elles n’ont pas besoin d’une organisation formelle. Parfois, un mouvement ouvrier peut même obtenir de meilleurs résultats lorsqu’il est moins organisé et plus spontané.

Pour l’instant, avec la pandémie et la répression très agressive de la société civile par le gouvernement chinois, il semble que les protestations de toutes sortes se soient éteintes. Mais si l’on se place dans une perspective à plus long terme, je suis convaincu que ces manifestations spontanées de protestation et d’agitation vont se poursuivre dans différents secteurs. Parfois, il ne s’agit pas d’une protestation, mais d’une forme de résistance quotidienne, utilisant toutes sortes de tactiques différentes. Je suis certain que ce type de résistance se poursuivra et entraînera des changements à long terme.

Quelles sont les politiques environnementales mises en œuvre par les dirigeants chinois pour les années à venir ? Et comment pensez-vous que la rivalité entre la Chine et les Etats-Unis va affecter la gestion de la crise climatique mondiale ?

Bien sûr, les Etats-Unis et la Chine doivent coopérer pour résoudre la crise climatique mondiale. En ce qui concerne la Chine, des progrès ont été réalisés avec l’augmentation de la production de véhicules électriques. Elle est également devenue le premier producteur de panneaux solaires, d’éoliennes, etc. Mais il y a aussi des contradictions en matière de politique environnementale.

D’une part, la Chine voit un avenir dans le marché des produits dits de technologie verte et investit beaucoup pour accroître la capacité dans ces secteurs. Mais dans le même temps, la Chine a toutes sortes d’autres secteurs, des aciéries aux usines de charbon, qui sont encore en surcapacité. Il y a beaucoup d’intérêts spécifiques dans l’Etat et au-delà, intérêts qui sont reliés à ces secteurs. La capacité de production de charbon de la Chine continue de croître et le pays exporte également des centrales au charbon vers de nombreux autres pays en développement, comme solution à ce problème de surcapacité et de suraccumulation, au lieu de laisser ces secteurs faire faillite et mourir.

Dans l’ensemble, le bilan est donc mitigé. Nous constatons une énorme expansion du secteur des technologies vertes, mais aussi de ces anciens secteurs. Bien sûr, si la Chine veut se joindre à l’effort mondial de lutte contre le changement climatique de manière sérieuse, sans se contenter d’un simple discours, elle devra déployer des efforts plus coordonnés dans les secteurs de l’énergie et des nouvelles technologies. Or, à l’heure actuelle, il n’y a pas beaucoup de coordination. L’augmentation de la capacité de production de charbon est motivée par la logique de la croissance économique et la crise de suraccumulation plutôt que par la préoccupation de la crise climatique.

Ho-Fung Hung est titulaire de la chaire d’économie politique Henry M. et Elizabeth P. Wiesenfeld et responsable du département de sociologie de l’Université Johns Hopkins.

Daniel Finn est rédacteur en chef du magazine Jacobin.

Ho-fung Hung

Ho-fung Hung est professeur d’économie politique au département de sociologie et à la Paul H. Nitze School of Advanced International Studies de l’Université Johns Hopkins. Il est l’auteur, entre autres, de The China Boom : Why China Will Not Rule the World (2017)

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