C’est une bombe à un mois du déclenchement de la campagne », tranche le quotidien canadien La Presse. Alors que les élections législatives canadiennes, prévues en octobre, s’annoncent déjà délicates pour le premier ministre canadien Justin Trudeau, la publication le 14 août du rapport du commissaire à l’éthique, Mario Dion, un haut fonctionnaire, sur l’affaire SNC-Lavalin, ne pouvait tomber plus mal. Il est accablant pour Justin Trudeau.
Chargé d’examiner les circonstances qui ont poussé la ministre de la justice, Jody Wilson-Raybould, à la démission, le rapport considère que le premier ministre a enfreint la loi en faisant pression sur sa ministre de la justice pour qu’elle intercède en faveur d’une société québécoise, SNC-Lavalin, afin de lui éviter un procès pour corruption.
Pour le commissaire à l’éthique, un haut fonctionnaire indépendant, le premier ministre a enfreint l’article 9 de la loi sur les conflits d’intérêts. « Je conclus que M. Trudeau s’est servi de sa position d’autorité pour influencer la décision de Mme [Jody] Wilson-Raybould d’infirmer ou non la décision de la directrice des poursuites pénales de ne pas proposer à SNC-Lavalin de négocier un accord de réparation », écrit-il dans ce rapport d’une soixantaine de pages.
« L’autorité du premier ministre et de son bureau a servi à contourner, à miner et, au bout du compte, à tenter de discréditer la décision de la directrice des poursuites pénales [Kathleen Roussel] ainsi que l’autorité de Mme Wilson-Raybould en tant que première conseillère juridique de la Couronne », indique le commissaire.
Il donne donc essentiellement raison à la version des faits de l’ex-ministre de la justice, qui a accusé le premier ministre et son entourage d’avoir exercé sur elle des pressions indues pour qu’elle intervienne en faveur de la négociation d’une entente de réparation avec la firme SNC-Lavalin afin de lui éviter un procès criminel.
Le premier ministre canadien a tout de suite réagi après la publication ce rapport. « J’assume la responsabilité des erreurs que j’ai faites », a-t-il assuré. Il a toutefois expliqué qu’il contestait certaines conclusions du rapport. « Une partie fondamentale de mon job, c’est de défendre les intérêts de tous les Canadiens », a fait valoir le premier ministre, reconnaissant ensuite que « des erreurs » avaient été commises et que « ce qui s’est passé n’aurait pas dû se passer ». « Je n’ai pas à m’excuser pour avoir défendu les emplois des Canadiens », a-t-il estimé lors d’une conférence de presse.
L’affaire SNC-Lavalin a éclaté le 7 février dernier avec la publication d’un article contenant ces allégations d’ingérence politique dans le quotidien The Globe and Mail, en février dernier. La saga a totalement paralysé l’exécutif pendant plusieurs semaines, plongeant le gouvernement Trudeau dans la plus grande crise de son mandat.
Nous republions notre enquête sur le groupe SNC-Lavalin, parue une première fois en avril.
Montréal/Toronto (Canada), correspondance.– Le long du boulevard René-Lévesque à Montréal, une tour de 22 étages attire depuis deux mois des regards appuyés. Le bâtiment, imposant et austère, abrite le siège social de SNC-Lavalin, le plus grand groupe d’ingénierie canadien. Pour combien de temps encore ?
Avec ses 52 000 employés dans le monde entier, SNC-Lavalin est une fierté dans la province majoritairement francophone du Québec. Depuis début février, le groupe est aussi au centre d’un scandale politique qui ravive un passé encombrant. Un scandale qui pourrait menacer la réélection du premier ministre Justin Trudeau en octobre prochain. Trudeau et son entourage sont accusés d’avoir fait pression sur une ancienne ministre de la justice- pour permettre à SNC-Lavalin – poursuivi depuis 2015 pour corruption et fraude en Libye – d’éviter un procès. Révélée en février par le quotidien The Globe and Mail, l’affaire a provoqué une série de démissions, l’ouverture de deux enquêtes et entaché l’image jusqu’ici presque impeccable de Trudeau.
Peu connu du grand public, SNC-Lavalin est pourtant un mastodonte dans le monde de l’ingénierie et de la construction. La société a des bureaux dans 50 pays et fait partie du top 3 mondial en matière de conception. Elle intervient dans quasiment tous les domaines et sur tous les continents : des mines de charbon en Amérique latine aux installations pétrolières au Moyen-Orient. En France, elle a construit le train à crémaillère du Puy-de-Dôme et gérait jusqu’en 2016 une quinzaine d’aéroports régionaux. Elle se retrouve aujourd’hui au centre du scandale de la privatisation de l’aéroport de Toulouse-Blagnac, qui a conduit la cour d’appel administrative de Paris à annuler la procédure de vente le 16 avril.
Au Canada, ses réalisations vont d’ouest en est : du SkyTrain de Vancouver au nouveau pont Champlain, en cours de construction, à Montréal. « Beaucoup voient à tort SNC-Lavalin comme une société purement québécoise. Mais c’est bien plus que ça : c’est une société canadienne au sens large », note Andrew Macklin, rédacteur en chef de ReNew Canada, un magazine spécialisé dans les infrastructures. Le magazine établit chaque année un classement des projets majeurs en cours dans le pays. En 2019, SNC-Lavalin est associé à 27 des 100 plus gros projets.
L’histoire de SNC-Lavalin remonte au début du siècle dernier, quand Arthur Surveyer, un ingénieur des travaux publics, ouvre en 1911 un cabinet d’ingénieur-conseil à Montréal. L’entreprise fait ses armes dans le secteur énergétique et se fait rapidement un nom dans la région. Devenue SNC dans les années 1930, elle étend ses activités aux mines, à la métallurgie, au pétrole, au gaz, aux infrastructures… En 1991, elle fusionne avec Lavalin, son grand rival, alors chancelant, de Montréal, ce qui la propulse parmi les leaders mondiaux de l’ingénierie.
Le groupe poursuit son expansion à l’étranger, y compris en Afrique du Nord, qui devient un relais important de croissance. Particulièrement la Libye, alors dirigée par Mouammar Kadhafi. SNC y décroche de gros contrats, comme l’aéroport de Benghazi. Il participe aussi au chantier colossal de la « Grande Rivière artificielle » pour pomper les nappes du désert libyen. On lui confie également la construction d’une prison à Tripoli, un projet controversé. « Pour nous, en Libye ou ailleurs, c’est un projet d’infrastructure », répond en avril 2011, en pleine révolution libyenne, le PDG Pierre Duhaime au magazine Maclean’s.
À partir de 2011, les affaires de SNC-Lavalin au Bangladesh et en Libye font l’objet d’enquêtes au Canada et en Suisse. En 2015, la Gendarmerie royale du Canada (GRC, la police fédérale) accuse la société d’avoir versé entre 2001 et 2011 des pots-de-vin de près de 32 millions d’euros à des responsables libyens afin d’obtenir des contrats.
« Dans les années 2000, il s’est développé une culture moralement répréhensible au sein de SNC-Lavalin, en grande partie à cause d’une décision d’aller prospecter des contrats dans des pays à hauts risques comme l’Algérie, la Tunisie et la Libye, analyse Yvan Allaire, ancien vice-président de Bombardier – un autre fleuron de l’industrie québécoise –, aujourd’hui à la tête d’un think tank qui traite des questions de gouvernance. Travailler dans ces pays-là supposait des paiements illégaux, et ça a infecté la direction. »
On reproche notamment à SNC-Lavalin ses multiples cadeaux à Saadi Kadhafi, un des fils du dictateur. Ancien vice-président du pôle construction et homme clé de la société en Afrique du Nord, Riadh Ben Aïssa est arrêté en Suisse en 2012. En 2014, il plaide coupable et est condamné à trois ans de prison pour avoir versé des bakchichs à Saadi via des comptes en Suisse. Deux autres responsables de SNC-Lavalin sont poursuivis au Canada : l’un sera jugé cette année ; les charges contre le deuxième, Stéphane Roy, ont été abandonnées en février, en raison des délais excessifs de son procès.
Que savait la direction de SNC-Lavalin ? La justice suisse a considéré la société comme victime dans l’affaire. Jacques Lamarre, PDG de 1996 à 2009, disait avoir été trahi par Ben Aïssa ; les employés mis en cause étaient des moutons noirs. « Je n’y crois pas. À l’époque, les circonstances suggéraient que de nombreux cadres de la haute direction devaient – ou auraient dû – être au courant de ces transactions », se rappelle Anthony Scilipoti, à la tête d’une société d’études financières à Toronto, qui avait enquêté sur SNC-Lavalin à la fin des années 2000.
Ben Aïssa a aussi une autre version des faits. Appelé comme témoin en 2017 lors d’une audience préliminaire contre Roy, il prétend que Lamarre a donné son feu vert en 2007 pour l’achat, à Cannes, d’un yacht de 25 millions d’euros à Saadi Kadhafi. Des accusations rejetées par Lamarre.
Lors de l’audience, rapportée en février par le journal québécois La Presse, la GRC a aussi mis la lumière sur un voyage de plusieurs mois de Saadi Kadhafi au Canada en 2008 – aux frais de SNC-Lavalin. Un séjour qui aurait coûté plus d’un million d’euros, dont 20 000 euros en escort girls, des films pornographiques, du vin italien à 400 euros la bouteille ou un concert des Spice Girls à Toronto.
Encore plus troublant, peu après la mort du guide libyen en 2011, une consultante canadienne, qui avait collaboré avec SNC-Lavalin en Libye, est arrêtée à Mexico. Elle est soupçonnée par la justice mexicaine d’avoir tenté de faire passer Saadi Kadhafi au Mexique, ce qu’elle a toujours nié. Stéphane Roy, également présent à Mexico, est aussi arrêté brièvement. La consultante passera 18 mois en prison. En 2013, SNC-Lavalin l’accusera, ainsi que Ben Aïssa, d’avoir détourné plusieurs millions de dollars de la société pour monter le coup, jamais réalisé.
Scandales de corruption en série
La Libye est loin d’être un incident isolé. En 2013, la Banque mondiale exclut pour dix ans SNC-Lavalin Inc. et cent filiales de ses appels d’offres, pour corruption dans deux projets financés par l’institution au Bangladesh et au Cambodge. La même année, des médias canadiens révèlent que la société avait utilisé pendant des années un système de codes pour masquer, dans sa comptabilité, des pots-de-vin dans des projets en Afrique et en Asie.
Au Canada aussi les scandales se multiplient. En 2012, Pierre Duhaime, PDG depuis 2009, est forcé à la démission à la suite d’un audit interne révélant des dépenses irrégulières. Quelques mois plus tard, il est arrêté pour son rôle dans l’affaire du centre universitaire de santé McGill à Montréal – considérée comme le plus grand scandale de corruption de l’histoire du Canada. Des employés de SNC-Lavalin sont accusés d’avoir versé près de 15 millions d’euros à des dirigeants de l’hôpital, permettant à la société de remporter en 2010 le contrat de construction du complexe. Duhaime a été condamné en février à vingt mois de résidence surveilléepour avoir fermé les yeux.
SNC-Lavalin est aussi accusé d’avoir orchestré, entre 2004 et 2011, des versements de dons illégaux à deux partis fédéraux, dont le Parti libéral. Plus récemment, La Presse révélait que la GRC était en train d’enquêter sur des soupçons de corruption liés à la rénovation d’un pont à Montréal au début des années 2000.
Depuis sept ans, SNC-Lavalin a multiplié les efforts pour rebâtir sa réputation. D’abord sous l’impulsion de l’Américain Robert Card, un ancien responsable du département de l’énergie sous l’administration George W. Bush, puis responsable de la société de conseil américaine CH2M Hill. Celui-ci est embauché en 2012 pour faire le ménage chez SNC-Lavalin. Une amnistie est offerte aux employés qui souhaitent dénoncer des cas de corruption. « Ils ont fait tout ce qu’on peut faire. Ils ont limogé, poursuivi les cadres qui ont participé à ces opérations. Ils ont changé leur façon de gérer les contrats, les agents. Ils ont mis des garde-fous partout, explique Yvan Allaire. Ils ont mis en place les normes les plus élevées en la matière, mais ça ne change pas le passé. C’est avec ça qu’ils doivent vivre. »
L’Écossais Neil Bruce prend la suite en 2015. Il poursuit les efforts entamés par Card, tout en réorganisant les activités. Il met le focus sur les secteurs du gaz et du pétrole, et réalise deux acquisitions majeures en Europe. Résultat : l’effectif de SNC-Lavalin à l’étranger double, quand celui au Canada est réduit de moitié, à moins de 10 000 employés.
En parallèle, Bruce se bat pour régler les charges libyennes à travers un accord et éviter un long et coûteux procès qui entacherait plus encore l’image de la société. SNC-Lavalin met en place une campagne de lobbying auprès des autorités provinciales et fédérales, et nomme Kevin Lynch, ancien greffier du Conseil privé – le plus haut fonctionnaire du Canada –, à la tête de son conseil d’administration fin 2017.
Des efforts vains : les procureurs annoncent en octobre que la société n’obtiendra pas d’arrangement. SNC-Lavalin s’offre alors une page dans plusieurs journaux du pays et, dans une « lettre ouverte » aux Canadiens, Bruce présente ses excuses au nom de la société, dénonce la décision des procureurs. « Nous avions espoir de pouvoir tourner la page une fois pour toutes sur ce pan de notre histoire », écrit-il.
Très utilisé aux États-Unis, l’accord de réparation – par lequel une société reconnaît les faits qu’on lui reproche, paie une amende et s’engage à des réformes – a été introduit dans le code pénal canadien en septembre pour permettre à la justice de mieux poursuivre les crimes économiques. L’idée est aussi qu’il est parfois injuste de punir une société et ses salariés pour des fautes commises par quelques employés. L’accord couvre une trentaine de crimes économiques, dont les cas de corruption d’officiels à l’étranger. Une société doit satisfaire à un certain nombre de conditions pour être invitée à discuter.
Transparency International avait salué sa mise en œuvre, y voyant un nouvel outil à la disposition des procureurs. « Le Canada n’a pas un bon bilan dans la lutte contre la criminalité d’entreprise, estime James Cohen, directeur du bureau canadien de l’ONG à Toronto. Nous espérons que l’accord permettra de désengorger le système judiciaire, et que la première amende servira d’exemple. »
Pour Trudeau, un accord entre la justice et SNC-Lavalin est une question « d’intérêt public » : en cas de condamnation, SNC-Lavalin peut être interdit de contrats fédéraux au Canada pendant dix ans, ce qui pourrait l’amener à quitter Montréal. « Quand 9 000 emplois sont en jeu, c’est un problème de politique publique de premier ordre », s’est défendu en mars Gerald Butts, ancien conseiller de Trudeau.
À l’automne dernier, le bureau du premier ministre a alors tenté de convaincre l’ex-ministre de la justice et procureure générale Jody Wilson-Raybould d’intervenir auprès des procureurs, comme elle en avait le pouvoir. Des interventions vécues comme des pressions par Jody Wilson-Raybould, finalement rétrogradée en janvier au ministère des anciens combattants. Elle a claqué la porte du gouvernement mi février.
Risque politique
Pourquoi les procureurs ont-ils refusé à SNC-Lavalin un arrangement ? « Le code pénal canadien empêche les procureurs de considérer l’intérêt économique national pour négocier un accord de réparation pour les poursuites de corruption à l’étranger », note Brenda Swick, avocate spécialiste de la lutte contre la corruption à Toronto. L’argument économique, défendu par le gouvernement, n’est donc pas recevable.
Selon certains observateurs, les procureurs veulent marquer le coup, alors que la justice canadienne a, jusqu’à présent, échoué à faire condamner un seul responsable de SNC-Lavalin pour corruption à l’étranger – la seule condamnation, celle de Ben Aïssa, a eu lieu en Suisse. Pour d’autres, un procès serait enfin l’occasion de faire toute la lumière sur l’étendue de la corruption au sein de la société au cours des années 2000.
Les procureurs n’ont pas communiqué officiellement sur leur décision. Les maigres détails sont venus de la société elle-même. Dans une dernière tentative de conclure un accord, dont il estime remplir les conditions après avoir renouvelé toute sa direction, SNC-Lavalin a saisi la Cour d’appel fédérale début avril. Dans les documents présentés à la Cour, il dit avoir été vaguement informé par les procureurs que leur décision reposait sur trois facteurs : la nature et la gravité des faits, le degré d’implication de cadres supérieurs et le fait que la société ne s’était pas autodénoncée. De son côté, l’enquête préliminaire liée aux charges libyennes a pris fin début avril. La décision du juge, d’aller ou non à un procès, est attendue fin mai.
Dans le même temps, le PDG de SNC-Lavalin a déroulé une contre-attaque médiatique, martelant l’impact d’une éventuelle condamnation sur la société – qui a perdu depuis juin 2018 près de la moitié de sa valeur à la bourse de Toronto, en partie à cause des répercussions liées à l’affaire. « S’il devient difficile ou impossible d’obtenir des contrats du gouvernement fédéral, on n’aura pas d’autre choix que de fermer ce pôle une fois que nos projets en cours seront finis. Ce n’est pas une menace – c’est juste un risque », a-t-il affirmé fin mars au Globe and Mail. À l’automne, la société avait déjà averti les procureurs qu’elle pourrait envisager, en cas de procès, de déplacer son siège aux États-Unis.
Cependant, SNC-Lavalin ayant renforcé sa présence à l’étranger ces dernières années, les contrats publics canadiens ne représentent qu’une part relative de ses revenus. « La survie de la société tient davantage à sa réputation qu’à sa capacité à obtenir des contrats du gouvernement », estime Andrew Macklin. Quant aux emplois, « on observe des investissements records dans les infrastructures à travers le pays. Si les employés de SNC-Lavalin perdent leur travail, il y a de très bonnes chances qu’ils en retrouvent ailleurs ». Un départ de SNC-Lavalin affecterait néanmoins l’ensemble du secteur des infrastructures, dit-il.
Selon Daniel Béland, directeur de l’Institut d’études canadiennes de McGill, l’émoi suscité par l’affaire est surtout symbolique. Après l’introduction au Québec en 1977 de la loi 101, qui instaura le français comme langue de travail dans les entreprises de plus de 50 employés, Montréal a perdu beaucoup de sièges sociaux d’entreprise. « Il y avait à Montréal beaucoup de sociétés purement anglophones, et nombre d’entre elles ont déménagé aux États-Unis et à Toronto, dit-il. Malgré les affaires de corruption, il y a ici un prestige associé à SNC-Lavalin. C’est un symbole de l’entreprenariat québécois. »
Le principal actionnaire de SNC-Lavalin, avec près de 20 % des parts, est aussi la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ), qui gère des fonds de régimes de retraite et d’assurance publics de millions de Québécois. En 2017, SNC-Lavalin s’était d’ailleurs engagé, dans les termes d’un accord de prêt avec la CDPQ, à maintenir son siège à Montréal jusqu’en 2024. La CDPQ a maintenu son soutien à SNC-Lavalin, son PDG Michael Sabia affirmant en février continuer à croire en son « potentiel ».
Reste que le risque politique pris par Justin Trudeau pour défendre SNC-Lavalin interroge. Depuis fin janvier, le Parti libéral a perdu, au niveau national, près de cinq points dans les sondages, passant de 37,2 % à 32,7 % mi-avril, se faisant du coup doubler par le Parti conservateur. Au Québec, où Trudeau est élu, les libéraux continuent cependant d’être largement en tête. « Le Québec est très important pour Trudeau, analyse Daniel Béland. Les libéraux risquent de perdre des sièges dans l’Ouest, dans les provinces atlantiques et en Ontario. La seule province où ils peuvent gagner un nombre significatif de sièges pour compenser ces pertes, c’est au Québec. »
La perception de la crise est d’ailleurs différente dans la province, où beaucoup se disent que c’est une bonne chose que Trudeau ait voulu sauver les emplois, et dans le reste du pays, où l’accent a été mis sur l’indépendance de la justice, dit-il. « Il y a eu une mauvaise gestion de l’affaire. Trudeau aurait pu être plus prudent, c’est certain. Il a manqué de jugement. Les enjeux électoraux l’ont peut-être aveuglé », analyse le directeur de l’Institut des études canadiennes de McGill.
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