Il s’agit d’un mouvement exceptionnel, par son ampleur, par sa radicalité mais aussi parce qu’il compte parmi ses membres, voire parmi ses organisateur·trices, des organisations de jeunes juif·ves militant·es comme Not Now et Jewish Voice for Peace. Et ce mouvement ne se contente pas de s’indigner mais, pour reprendre la formule de Yorgos Mitralias à propos du mouvement étatsunien :
« il va plus loin, en frappant l’adversaire tout-puissant là où cela lui fait le plus mal : dans son portefeuille et son arsenal. C’est pourquoi sa principale revendication est de mettre fin immédiatement et une fois pour toutes aux relations et transactions économiques de toute espèce des universités américaines avec Israël et avec les entreprises américaines qui soutiennent financièrement et militairement Israël »
À Montréal, au lieu de se disperser, les étudiant·es de l’UQAM et d’autres universités montréalaises ont choisi de rejoindre le campement de l’Université McGill, en plein centre-ville. Et on y retrouve grosso modo la même détermination, les mêmes revendications politiques mais aussi la même volonté et les mêmes pratiques répressives des directions universitaires qu’ailleurs.
Le 30 avril l’administration a réclamé l’intervention de la police. Le même jour deux étudiant·es ont déposé une demande d’injonction exigeant que les militant·es quittent les lieux et manifestent à plus de 100 mètres de l’Université. Le 1er mai, la Cour supérieure a rejeté la demande au motif notamment que les craintes des étudiant·es sont « en grande partie subjectives » et reposent sur des « évènements isolés ».
Malgré cette décision judiciaire, l’administration universitaire a clairement fait entendre qu’elle n’entendait pas en rester là. « C’est vraiment le temps de démanteler le camp » insiste le vice-recteur à la vie étudiante, Fabrice Labeau. À croire que les dirigeants de McGill « ne savent pas lire » pour reprendre la formule mobilisée la même semaine par un vice-recteur à l’encontre des étudiant·es en droit de McGill [1]
Le lendemain, dans la matinée du 2 mai, ignorant à son tour les constats de la Cour supérieure, le Premier ministre du Québec, François Legault, demande aux forces de l’ordre d’expulser les étudiant·es : « Je vais laisser quand même les policiers décider comment et quand ils font ça. Mais les campements doivent être démantelés ».
Le même jour, une "organisation proisraélienne", dont le nom n’est pas spécifié, installe un écran géant en face de l’Université diffusant un "documentaire sur l’attaque du Hamas contre Israël". Une manifestation proisraélienne est également organisée face à l’entrée du parc de l’Université. La police est là en grand nombre, pour "tenir à distance les deux camps", selon La Presse.
C’est dans ce contexte pour le moins tendu, que les étudiant·es de l’UQAM présent·es sur le campement appel le corps professoral à la solidarité.
Nous faisons suivre ci-dessous leurs « pistes d’action concrètes » :
« Nous vous écrivons aujourd’hui pour faire suite à notre discussion et vous proposer des pistes d’actions concrètes pour soutenir ce mouvement que nous pouvons qualifier d’ historique et dans lequel nous avons tout.e.s une responsabilité. Il existe plusieurs niveaux d’implications pour les professeur.e.s et chargé.e.s de cours, chacun-e pouvant choisir celui qui lui convient le mieux en fonction de son rythme de vie et de son énergie, par exemple :
• Rédiger un texte individuel ou collectif au nom des professeur.e.s de l’UQAM pour soutenir le campement.
• Venir sur place les matinées, car plusieurs médias sont souvent présents et recherchent des personnes pour intervenir à ce sujet. Plusieurs professeur.e.s de McGill et de Concordia ont pris la parole sur les médias pour soutenir le mouvement, et il serait bénéfique et important que l’UQAM fasse également entendre les voix de la résistance uqamienne.
• Être présent.e chaque jour, même pour quelques heures, est important. Nous ne savons jamais ce qui peut se produire à tout moment, et la présence de professeur.e. s dans ces conditions est importante politiquement et médiatiquement.
• Participer à nos réunions de campement chaque jour à 19h à la tente SDHPP UQAM. Nous y faisons un bilan de la journée et évaluons les actions à entreprendre pour le lendemain. Les événements évoluent rapidement, chaque heure étant l’équivalent d’une semaine dans un rythme quotidien. Si vous rencontrez des difficultés pour accéder à l’intérieur du campement, vous pouvez indiquer que vous êtes professeur.e et que vous venez rejoindre la tente SDHPP UQAM.
• Si vous souhaitez être inclu dans une liste d’appels d’urgence en cas d’évacuation et de démantèlement du campement, veuillez répondre à ce courriel en communiquant votre numéro de téléphone. Ce type de mission implique d’accepter d’être contacté en urgence à tout moment de la journée.
• Suivre notre page Facebook ou Instagram. Nous essayons de tenir le public informé aussi rapidement que possible.
En tant que professeur.e.s, chargé.e de cours, vous savez pertinemment que ces temps de solidarités sont bien plus que de simples événements ; ils représentent des moments clés de notre histoire collective.
Dans de tels moments, la réactivité est essentielle ; chaque geste, chaque parole comptent et peuvent avoir un impact significatif sur la suite de nos actions et la portée de nos revendications. C’est pourquoi nous appelons nos professeur.e. s à rejoindre les rangs de cette lutte, à apporter leurs soutiens et leurs expertises pour favoriser son avancée. Vous savez également, pour que cette lutte ait un réel impact, il est nécessaire de ne pas la limiter au fait unique des étudiant.e. s, mais qu’ elle soit également mise en mouvement par les différents corps représentant le chœur universitaire. Comme nous l’avons vu aux États-Unis et dans d’autres mouvements de solidarité à travers le monde, la présence et l’engagement des professeur.e.s peuvent jouer un rôle important dans l’amplification des voix des manifestant.e.s et dans la sensibilisation du public aux enjeux qui nous concernent tous.
Comité d’action du campement,
Solidarité pour les droits humains des Palestiniennes & Palestiniens de l’UQAM »
Martin Gallié
Professeur, département des sciences juridiques
UQAM
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