Brasil de Fato : Comment analysez-vous les récentes manifestations qui ont secoué le Brésil ces dernières semaines ? Quelle est la base économique d’un tel événement ?
João Pedro Stedile : Il y a de nombreuses évaluations sur les raisons des manifestations. Je rejoins l’analyse de la professeure Erminia Maricato, notre meilleure spécialiste des questions urbaines, qui a travaillé au sein du ministère des villes sous la gestion d’Olivio Dutra [Maire de Porto Alegre de 1989 à 1992 ; gouverneur de Rio Grande do Sul de 1999 à 2002 ; puis ministre de la Ville dans le gouvernement de Lula dont il était un proche]. Elle défend la thèse d’une crise urbaine au Brésil comme conséquence du capitalisme financier. Une énorme spéculation immobilière a fait grimper le prix des terrains et les loyers de cent cinquante pour cent dans les trois dernières années. Le capital a financé hors de tout contrôle gouvernemental la vente massive d’automobiles [à crédit], pour envoyer de l’argent à l’extérieur [pour limiter la hausse du real, étant donné les flux de capitaux attirés par des taux d’intérêt et une hausse de la monnaie nationale du Brésil], ce qui a rendu la circulation chaotique. Dans les dernières années, il n‘y a pas eu d’investissements dans le transport public. Le programme de logement « ma maison, ma vie » a rejeté les pauvres vers les périphéries, sans qu’il y ait le moindre progrès en termes d’infrastructures. Tout cela a engendré une crise structurelle, les gens vivent l’enfer dans les grandes villes en perdant trois à quatre heures par jour dans les embouteillages alors qu’ils pourraient être avec leur famille, aux études ou dans des activités culturelles. A cela s’ajoute la très mauvaise qualité des services publics, en particulier dans la santé et dans l’éducation, de l’école primaire à l’enseignement secondaire dont les étudiants sortent sans pouvoir faire une rédaction. Et l’enseignement supérieur, où l’on trouve soixante-dix pour cent des étudiants universitaires, est devenu un marchand de diplômes ou de prestations.
Brasil de Fato : Du point de vue politique, quelles sont les causes du mouvement ?
João Pedro Stedile : Les quinze ans de néolibéralisme suivis de dix ans de politique de conciliation de classes ont transformé la manière de faire de la politique. Celle-ci est devenue l’otage des intérêts du capital. Les partis ont reproduit leurs vieilles pratiques et se sont transformés en boutiques qui attirent en majorité des opportunistes qui se battent pour accéder à des mandats publics ou capter des fonds publics en fonction de leurs intérêts. Toute une jeunesse arrivée après coup n’a pas eu la possibilité de participer à la politique.
Aujourd’hui, tout candidat à un mandat public doit posséder plus d’un million de rais ; un mandat de député coûte à peu près dix millions. Les capitalistes paient et les politiques obéissent. La jeunesse en a par-dessus la tête de cette manière bourgeoise, mercantile, de faire de la politique.
Mais le plus grave, c’est que les partis de la gauche institutionnelle, sans exception, ont adopté ces méthodes. Ils ont vieilli et se sont bureaucratisés. Cette manière d’agir des partis a dégoûté les jeunes. Et ils ont raison. La jeunesse n’est pas apolitique, au contraire, elle vient de remettre la politique dans la rue même sans avoir conscience de sa signification. Ce qu’elle dit, c’est qu’elle ne supporte plus d’assister à la télévision à ces pratiques politiques, qui prennent le vote des citoyens et citoyennes en otage, sur base du mensonge et de la manipulation. Et les partis de gauche ont besoin de réapprendre que leur rôle est d’organiser la lutte sociale et de politiser la classe des travailleurs s’ils ne veulent pas passer aux oubliettes de l’histoire.
Brasil de Fato : Pourquoi ces manifestations n’éclosent-elles qu’aujourd’hui ?
João Pedro Stedile : Sans doute est-ce davantage la somme de différents facteurs de la psychologie de masse qu’une décision politique planifiée. A tout le climat que j’ai décrit s’est ajoutée la dénonciation des surfacturations dans les travaux de construction des stades de football, ce qui choque la population. Quelques exemples, le groupe privé médiatique Globo a reçu du gouvernement de l’État de Rio et de la mairie vingt millions de reais d’argent public pour organiser un show d’à peine deux heures pour le tirage au sort de la Coupe des confédérations [qui se déroulait en juin et qui précède, d’un an, la Coupe mondiale].
Le stade de Brasília a coûté un milliard quatre cent millions de reais et il n’y a pas d’autobus dans la ville [1 million de reais est l’équivalent de 432’500 CHF] ! Les gouvernements se sont soumis à la dictature explicite et aux coups tordus imposés par la FIFA et le CBF [Confédération brésilienne de football]. La réinauguration [« reconstruction » avec des dépassements de budget gigantesques] du Maracana [plus grand stade du Brésil et parmi les plus grands du monde à Rio de Janeiro] fut une gifle pour le peuple brésilien. Les photos parlent d’elles-mêmes, dans le plus grand temple du football mondial, pas un noir, pas un métis !
Et la hausse des tarifs d’autobus n’a été que l’étincelle pour allumer le sentiment généralisé de révolte et d’indignation. L’étincelle est venue du gouverneur de l’Etat de São Paulo, Geraldo Alkmin, protégé par les médias qu’il finance, habitué à réprimer impunément la population comme il l’a fait à Pinheirinho [une des implantations urbaines les plus importantes dans l’Etat de São Paulo ; elle a été attaquée en fin 2011 et début 2012 par les forces dites de sécurité, ce qui a suscité un mouvement d’auto-défense fort actif des habitants qui refusaient leur déplacement imposé] et dans d’autres expulsions rurales et urbaines, et qui a relancé sa barbarie policière.
Cette fois-ci, tout le monde a réagi. Heureusement la jeunesse s’est réveillée. Et le mérite du Mouvement Passage Libre (MPL) est d’avoir su canaliser cette insatisfaction populaire et d’organiser les protestations au bon moment.
Brasil de Fato : Pourquoi la classe des travailleurs n’est-elle pas encore descendue dans la rue ?
João Pedro Stedile : C’est vrai qu’elle n’a pas encore pris part aux manifestations. Ceux qui sont dans la rue sont les fils de « classe moyenne », classe moyenne basse, ainsi que des jeunes issus de ce qu’André Singer nomme le sous-prolétariat, ceux qui étudient et travaillent dans le secteur des services, qui ont amélioré leurs conditions de consommation, mais qui veulent être entendus. Ces derniers apparaissent plus dans d’autres capitales que São Paulo et dans les périphéries.
La réduction des tarifs intéressait beaucoup l’ensemble de la population, et le Mouvement Passage Libre a vu juste en mobilisant sur la base de ces intérêts populaires. Le peuple a appuyé ces manifestations, on le voit dans les indices de popularité des jeunes, surtout quand ils ont été réprimés.
La classe des travailleurs tarde à se mobiliser, mais quand elle bouge, cela affecte directement le capital. Chose qui ne s’est pas encore produite. Je crois que les organisations médiatrices de la classe des travailleurs n’ont pas encore compris le moment ou sont encore trop timides. Mais en tant que classe, je crois que les travailleurs sont disposés à lutter [les syndicats ont lancé un mot d’ordre de grève générale pour le 11 juillet 2013]. Le nombre de grèves pour des améliorations salariales est déjà revenu au niveau des années 1980. Je crois que ce n’est qu’une question de temps, si ces médiateurs trouvent les revendications justes qui peuvent motiver la classe à se mettre en mouvement. Ces derniers jours, dans des villes de moindre taille et dans les périphéries des grandes villes, se produisent des manifestations sur des revendications très localisées. Et cela est très important.
Brasil de Fato : Les voix du Mouvement des Sans Terre et des paysans ne se font pas encore entendre…
João Pedro Stedile : c’est vrai. Dans les capitales où nous avons des unités productives et des agriculteurs familiaux à proximité, nous participons déjà. D’ailleurs, je suis témoin du bon accueil que nous avons reçu avec notre drapeau rouge et notre revendication d’une réforme agraire et d’aliments sains et bon marché pour le peuple. Je crois que dans les prochaines semaines, il pourra y avoir une adhésion majeure, ce qui comprend des manifestations de paysans sur les routes et dans les municipalités de l’intérieur. Parmi nos militants, tous brûlent d’entrer dans la lutte et de se mobiliser. J’espère aussi que ça bougera bientôt…
Brasil de Fato : Qu’est-ce qui, selon vous, est à l’origine de la violence dans certaines manifestations ?
João Pedro Stedile : D’abord, il faut relativiser : la bourgeoisie à travers ses télévisions a recouru à la tactique de la peur pour effrayer la population en mettant en avant les émeutiers et les casseurs. Ils sont minoritaires et insignifiants par rapport aux milliers de personnes qui se sont mobilisées. Cela convient à la droite de faire entrer dans l’imaginaire collectif l’idée du désordre, et s’il y a finalement du chaos, d’en rendre responsable le gouvernement et d’exiger la présence des forces armées. J’espère que le gouvernement ne commettra pas la bêtise de faire appel à la Garde nationale et aux forces armées pour réprimer les manifestations. C’est ce dont rêve la droite !
Ce qui provoque les scènes de violences, c’est la manière d’intervenir de la police militaire. La Police Militaire a été entraînée depuis la dictature militaire pour traiter le peuple comme un ennemi et dans les Etats gouvernés par les sociaux-démocrates (São Paulo, Rio de Janeiro, Minas Gerais), elle est sûre de son impunité [Stedile se tait sur la question du PT et les déclarations de Dilma Rousseff sur la loi et l’ordre].
Il y a des groupes de droite organisés dont l’objectif est de provoquer et de piller. A São Paulo, des groupes fascistes se sont mobilisés. Et des vigiles sous contrat. A Rio de Janeiro ont agi des milices organisées qui protègent les politiciens conservateurs. Et bien sûr, on trouve aussi un substrat de « lumpen » qui apparaît dans toute manifestation populaire, que ce soit dans les stades, dans le carnaval, et même dans les fêtes religieuses, pour tenter d’en tirer profit.
Brasil de Fato : Alors y a-t-il une lutte de classes dans les rues, ou s’agit-il seulement de la jeunesse qui exprime son indignation ?
João Pedro Stedile : Il y a clairement une lutte des classes dans la rue. Mais ce n’est pas encore l’expression d’une bataille idéologique. Le plus grave, c’est que la jeunesse elle-même qui se mobilise, par son origine de classe, n’est pas consciente de ce qu’elle prend part à une lutte idéologique. Elle fait de la politique de la meilleure manière possible, dans la rue.
Elle écrit sur ses pancartes : « Nous sommes contre les partis et la politique ». C’est pour cela qu’ont été autant diffusés ces messages. Cela se produit dans chaque ville, dans chaque manifestation, c’est une bataille idéologique permanente dans la lutte des intérêts de classes. La jeunesse vit ce conflit entre idées de droite et idées de gauche, entre capitalistes et classe des travailleurs.
Par ailleurs, on a des signes évidents d’une droite très bien articulée avec ses services d’intelligence qui utilisent Internet, sous différents masques, pour lancer des rumeurs et des courants d’opinion. Un message étrange peut être soudainement reproduit des milliers de fois et diffusé comme s’il s’agissait de l’expression de la majorité. Ces mécanismes de manipulation ont été utilisés par la CIA et le département d’État lors du printemps arabe, de la tentative de déstabilisation du Venezuela, dans la guerre de Syrie [le MST a une position pro-Assad par « anti-impérialisme », au même titre que Chavez et Maduro]. Il est clair qu’ils opèrent ici aussi pour atteindre leurs objectifs.
Brasil de Fato : Quels sont les objectifs de la droite et ses propositions ?
João Pedro Stedile : La classe dominante, les capitalistes, les intérêts de l’empire états-unien et leurs portes paroles idéologiques qui apparaissent tous les jours à la télévision, ont un objectif majeur, saper au maximum le gouvernement de Dilma Rousseff, affaiblir les formes d’organisation de la classe des travailleurs, déjouer les propositions de changements structurels dans la société brésilienne et gagner les élections de 2014, pour reconstruire une hégémonie totale aux commandes de l’État brésilien, actuellement objet de la bataille [formule qui traduit et justifie le soutien, critique, du MST aux gouvernements de Lula et Rousseff].
Pour atteindre ces objectifs, elle avance à tâtons, alterne ses tactiques. Parfois elle provoque les violences pour noyer les objectifs des jeunes. Parfois elle inscrit ses messages sur leurs pancartes. Par exemple, la manifestation de samedi 22 juin à São Paulo, bien que réduite, a été totalement manipulée par des secteurs de droite qui n’ont évoqué que la lutte contre la PEC 37 [projet de loi qui aurait réduit le pouvoir des ministères publics et qui a été rejeté par la chambre des députés le 25 juin 2013], avec des pancartes et des slogans étrangement semblables. Certainement la majorité des jeunes ignore de quoi il s’agit. C’est un thème secondaire pour le peuple, mais la droite tente de hisser la bannière du moralisme comme l’a fait l’Union Démocratique Nationale (UDN, droite) dans le passé. Ce qu’elle fait déjà au sein du Congrès [les deux chambres], elle veut le prolonger dans la rue.
J’ai remarqué dans les réseaux sociaux contrôlés par la droite que leurs bannières, en plus de la PEC 37, sont la démission du président du Sénat, Renan Calheiro, une commission d’enquête parlementaire et la transparence sur les frais de la Coupe, la déclaration de la corruption comme crime odieux et la fin de l’immunité pour les politiques. Déjà, les groupes les plus fascistes répètent « Dilma dégage » et signent les pétitions pour son impeachment. Heureusement, ces bannières n’ont rien à voir avec les conditions de vie des masses même si elles peuvent être manipulées par les médias. Et objectivement, la droite peut se tirer une balle dans le pied. En fin de compte, c’est la bourgeoisie brésilienne, ses entrepreneurs et ses politiciens qui sont les premiers corrupteurs et les premiers corrompus. Qui s’est approprié les dépenses excessives de la Coupe ? Le réseau médiatique Globo et ses entreprises !
Brasil de Fato : Quels sont les défis pour les travailleurs, les organisations populaires et les partis de gauche ?
João Pedro Stedile : Ils sont nombreux. D’abord, nous devons prendre conscience de la nature de ces manifestations, descendre tous dans la rue, nous battre dans les cœurs et dans les esprits pour politiser cette jeunesse encore dépourvue d’expérience de lutte des classes. Deuxièmement, la classe des travailleurs doit se mettre en mouvement. Dans la rue, dans les usines, dans les zones rurales et dans les chantiers, comme dit Geraldo Vandré (artiste, chanteur). Exprimer ses revendications pour résoudre les problèmes qu’elle affronte comme classe, du point de vue politique et économique. Troisièmement, nous avons besoin d’expliquer au peuple quels sont ses ennemis principaux. Aujourd’hui, ce sont des banques, les entreprises transnationales qui ont pris les rênes de notre économie, ainsi que les grands propriétaires de l’agro-business, et les spéculateurs.
Nous devons prendre l’initiative de lancer un débat dans la société pour exiger l’approbation de la réduction de la journée de travail à quarante heures et pour exiger que la priorité des investissements publics soit la santé, l’éducation, la réforme agraire. Mais pour cela, le gouvernement doit réduire les taux d’intérêts et transférer les ressources des excédents primaires, ces deux milliards qui vont chaque année aux vingt mille riches, rentiers, créanciers d’une dette interne dont nous ne sommes pas responsables, transférer ces ressources aux investissements productifs et sociaux. C’est là toute la question qui se pose au gouvernement de Dilma Rousseff, du point de vue de la lutte des classes, les ressources publiques iront-elles à la bourgeoisie rentière ou serviront-elles à résoudre les problèmes de la population ?
Il faut approuver d’urgence, pour qu’elle soit opérationnelle avant les prochaines élections, une réforme politique ambitieuse, qui institue au minimum le financement public exclusif de la campagne, ainsi que le droit de révoquer les mandats et le droit au référendum d’initiative populaire.
Nous avons besoin d’une réforme fiscale qui revienne au paiement de la TVA des exportations primaires [commodities], pénalise la richesse des riches, et diminue la fiscalité des plus pauvres, qui sont ceux qui paient le plus.
Nous avons besoin de la suspension par le gouvernement de toutes les concessions sur l’exploitation de notre pétrole et de toutes les concessions privées sur les mines et d’autres domaines publics. Cela ne sert à rien d’investir toutes les redevances pétrolières dans l’éducation alors que ces royalties ne représentent que huit pour cent des revenus du pétrole et que quatre-vingt douze pour cent iront aux sociétés transnationales devenues propriétaires du pétrole grâce aux concessions !
Une réforme structurelle en milieu urbain, qui redéfinisse les priorités des transports publics de qualité et avec des tarifs zéro. Il a été démontré que ce n’est ni coûteux ni difficile d’introduire la gratuité des transports pour les masses d’habitants des capitales.
Et finalement, nous devons profiter du projet de la conférence nationale sur la communication, largement représentative, pour démocratiser les médias. Pour en finir avec le monopole de Globo, afin que les organisations populaires disposent d’un large espace pour communiquer entre elles, pour créer leurs propres médias, avec des ressources publiques. J’ai entendu divers mouvements de jeunesse qui articulent les manifestations dire que peut-être, la seule bannière qui unifie tout le monde est « A bas le monopole de Globo ».
« Nous avons déjà des stades du 1er Monde, il ne manque que de construire un pays en échange »
Mais pour que ces revendications aient un impact dans la société et fassent pression sur le gouvernement et la classe politique, il faut impérativement que la classe des travailleurs se mobilise.
Brasil de Fato : Et que doit faire le gouvernement à présent ?
João Pedro Stedile : J’espère que le gouvernement aura la sensibilité et l’intelligence de profiter de cet appui, de ce cri qui vient de la rue, qui n’est que la synthèse d’une conscience diffuse dans la société que l’heure est venue de changer. Et de changer en faveur du peuple. C’est pourquoi le gouvernement doit affronter la classe dominante dans tous les domaines. Affronter la bourgeoisie rentière, déplacer le paiement des intérêts vers des investissements dans des domaines qui permettent de résoudre les problèmes des gens. Il faut promouvoir immédiatement des réformes politiques et fiscales. Lancer l’approbation du projet de démocratisation des médias. Créer des mécanismes d’investissements lourds dans les transports publics, qui mènent au tarif zéro.
Accélérer la réforme agraire et mettre en œuvre un plan de production d’aliments sains pour le marché interne. Garantir tout de suite dix pour cent du PIB pour le financement public de l’éducation à tous les niveaux, pour l’école maternelle dans les grandes villes, pour un enseignement fondamental de qualité et pour l’universalisation de l’accès des jeunes à l’université publique.
Sans cela viendra la déception, et le gouvernement laissera à la droite l’initiative de ces revendications, ce qui va le miner à l’approche des élections de 2014. C’est l’heure pour le gouvernement de s’allier au peuple ou de payer la facture de l’avenir.
Brasil de Fato : Quelles perspectives ces mobilisations peuvent-elles apporter au pays dans les prochains mois ?
João Pedro Stedile : C’est encore l’inconnue car le débat se poursuit parmi les jeunes et les masses. C’est pour ça que les forces populaires et les partis de gauche doivent jeter toute leur énergie dans la mobilisation de rue. Se manifester, hisser leurs pancartes pour revendiquer des réformes qui intéressent le peuple. La droite va faire la même chose et avancer ses slogans conservateurs, régressifs, de criminalisation et de stigmatisation des idées de changement social. Nous sommes en pleine bataille idéologique et nul ne sait encore quel en sera le résultat. Dans chaque ville, dans chaque manifestation, nous devons nous battre dans les cœurs et dans les esprits. Celui qui veut rester en dehors, sortira de l’histoire.
(Article paru dans Brasil de Fato, hebdomadaire du MST, en date du 24 juin 2013 ; publié par le site Mémoire des luttes, le 26 juin 2023, traduction Thierry Deronne ; édition de l’entretien par A l’Encontre)