Paru sur le site Alencontre
17 octobre 2020
Editorial d’Equerda Online
• La droite traditionnelle (DEM, PSDB et MDB) et les partis du Centrão [divers partis dont certains négocient avec Bolsonaro] constituent le premier camp. Ce bloc représente l’option préférentielle de la bourgeoisie brésilienne dans la plupart des villes.
• Le second bloc est constitué des candidats bolsonaristes et autres variantes de l’extrême droite, répartis sous divers sigles selon les municipalités.
• Le troisième camp est composé des candidatures de la gauche (PSOL, PT, PCdoB, UP (Unité populaire pour le socialisme), PSTU et PCB), représentant des alternatives liées à la classe ouvrière. Il existe également des candidatures du centre gauche (PDT, PSB et REDE).
Le conflit politique dans les villes se produit dans un contexte où la pandémie, malgré la réduction du nombre de cas et de décès ces dernières semaines, reste incontrôlée, infectant des dizaines de milliers de personnes et faisant des centaines de victimes chaque jour. Il est également important de souligner la situation de crise sociale marquée par un chômage élevé, une inflation des prix alimentaires accrue et une réduction de moitié de l’aide d’urgence versée à quelque 60 millions de Brésiliens.
À l’heure où Bolsonaro s’engage dans la « vieille » politique, en passant des accords avec le Centrão au Congrès et avec les membres du STF (Tribunal suprême fédéral), la lutte de la gauche contre le bolsonarisme et la droite traditionnelle lors des élections municipales a encore plus d’importance.
Bolsonaro rejeté dans les grandes capitales
L’issue des élections municipales sera certainement influencée par le conflit entre bolsonarisme et anti-bolsonarisme.
Les sondages d’opinion montrent que, malgré le récent gain de popularité de Bolsonaro, le rejet de Bolsonaro est élevé dans plusieurs capitales. Selon l’Ibope (Instituto Brasileiro de Opinião Pública e Estatística), à São Paulo, la plus grande ville du pays, la gestion de Bolsonaro est considérée comme mauvaise ou très mauvaise par 48%, tandis que 27% la considèrent comme bonne ou excellente. A Salvador (capitale de l’Etat de Bahia), le pourcentage des jugements qualifiant le bolsonarisme de mauvais ou très mauvais se situe à 62%. A Porto Alegre (Rio Grande do Sul), 50% des habitants rejettent le gouvernement. À Florianópolis (Santa Catarina) : 47%. Et à Recife (Pernambouc) : 43%.
Mais il y a des capitales où l’approbation de Bolsonaro est élevée. A Curitiba (Paraná), 40% des électeurs considèrent que le gouvernement est bon ou excellent. A Goiânia (Goiás), 44% évaluent positivement Bolsonaro. A João Pessoa (Paraíba) 43%. À Maceió (Alagoas), le gouvernement obtient également des résultats favorables.
Et il y a aussi des capitales divisées sur l’évaluation de Bolsonaro. À Belo Horizonte (Minais Gerais), 41% jugent le gouvernement comme mauvais ou très mauvais, tandis que 39% le considèrent comme bon ou excellent. A Rio de Janeiro, 38% la rejettent, contre 34% qui l’approuvent. Au Natal (Rio Grande do Norte), il y a 39% de rejets et 37% d’approbation.
Dans les villes où Bolsonaro est rejeté par une majorité, il y a de la place pour la victoire des candidatures qui s’opposent au gouvernement. En revanche, dans les municipalités où Bolsonaro est bien considéré, il y a une plus grande possibilité que des candidats d’extrême droite ou des alliés du gouvernement soient élus. Il est à noter que de nombreux candidats du Centrão, et même du DEM (Democrates, issue du Parti du Front libéral), du PSDB et du MDB, font des discours de soutien au Bolsonaro, exprimant une plus grande proximité de ces forces avec le gouvernement fédéral.
Le scénario initial indique la force de la droite traditionnelle
Selon les sondages disponibles à l’heure présente, avant le début de la campagne électorale à la télévision et à la radio, la situation actuelle est que la gauche mène dans trois capitales : à Belém (Pará), avec Edmilson Rodrigues (PSOL) ; à Porto Alegre, avec Manuela D’Ávila (PCdoB) ; et à Vitória, avec João Coser (PT). La gauche est la deuxième force dans deux capitales, à Fortaleza (Ceará), avec Luizianne Lins, et à Recife, avec Marília Arraes, toutes deux du PT. Il convient de mentionner qu’à São Paulo, la dynamique et intense campagne de Boulos (PSOL) pourrait surprendre et contraindre à un second tour.
Le centre-gauche, organisé autour du projet de Ciro Gomes (candidat à la présidentielle en 2002 et 2018 pour le Parti démocratique travailliste), mène à Recife, avec João Campos, et à Macapá (Amapá), avec Capi (João Capiberibe), tous deux du PSB (Parti socialiste brésilien). La droite traditionnelle, dirigée par le DEM, le PSDB (Parti de la social-démocratie brésilienne) et le MDB (Mouvement démocratique brésilien), partis qui concentrent la représentation traditionnelle de la bourgeoisie, et qui s’articulent autour de Rodrigo Maia (président de la chambre des députés depuis 2016) au Congrès national, sont en tête dans au moins sept capitales.
Le DEM est en tête avec Gean Loreiro à Florianopolis (44%) ; Rafael Greca, également maire (47%) à Curitiba ; Bruno Reis à Salvador (43%), avec le soutien de l’actuel maire ACM Neto, et Eduardo Paes, ancien maire de Rio de Janeiro (27%). A Belo Horizonte, l’actuel maire, Alexandre Kalil, du PSD (Parti social démocratique) de Gilberto Kassab, (accusé de corruption), est en tête avec 58%.
Les bolsonaristes déclarés dirigent à leur tour dans trois capitales selon les enquêtes publiées : à São Paulo, avec Celso Russomano (Républicains et président de l’Institut de défense des consommateurs) ; à Fortaleza, avec le capitaine Wagner (PROS-Parti républicain de l’ordre social) ; et avec Eduardo Braide (Podemos) à São Luis.
Le rôle du PSOL et l’importance de Boulos à São Paulo
Dans la plupart des capitales, il n’a pas été possible de réaliser un Front de gauche, qui serait important pour la lutte politique contre le bolsonarisme et la vieille droite. Les intérêts spécifiques des partis ont prévalu. Le PT lutte pour maintenir son hégémonie sur la gauche, qui est en recul. Le PCdoB lutte pour survivre à la clause du seuil électoral pour être élu. Le PSOL, quant à lui, cherche à maintenir la dynamique de croissance.
Du point de vue du PSOL, le parti se place à juste titre comme un instrument utile dans la lutte contre le gouvernement néofasciste, tout en se présentant comme une alternative plus combative à la gauche. A Belém, avec Edmilson Rodrigues, le PSOL a ses principales chances de victoire. À Rio de Janeiro, en revanche, en raison du retrait de Marcelo Freixo (député fédéral) – qui aurait certainement pu être présent au second tour s’il était candidat –, le PSOL est confronté à des difficultés. La bataille consiste à faire en sorte que la candidature de Renata Souza (journaliste, féministe noire, élue à l’Assemblée législative de Rio) occupe l’espace important dont dispose le parti dans la capitale de Rio de Janeiro.
Les résultats positifs du PSOL dans la ville de São Paulo méritent une attention particulière. C’est une ville de 11 millions d’habitants, où les contradictions entre le capital et le travail dans l’espace urbain s’expriment brutalement. La trajectoire de Guilherme Boulos liée à la lutte pour le logement et à l’histoire de la résistance et des conquêtes du MTST (Mouvement des travailleurs sans toit), et le fait que, programmatiquement, la campagne se positionne de manière « raciale » dans la défense d’une ville pour la classe ouvrière et les pauvres a une énorme importance.
La candidature du PSOL apparaît d’abord dans l’intention d’un vote spontané, à égalité avec le maire actuel. Elle attire une partie importante de la classe ouvrière et de la jeunesse. Elle mobilise des milliers de militant·e·s et des dirigeant·e·s populaires. En outre, elle joue un rôle plus stratégique dans le renforcement d’une nouvelle alternative, à gauche du PT, liée à la lutte des mouvements sociaux (MTST). La dynamique de la campagne sur les réseaux et la répercussion dans la grande presse nationale font que le succès de la candidature de Guilherme Boulos et de Luiza Erundina (elle fut maire de São Paule de 1989 à 1993, comme membre du PT ; elle est actuellement membre du PSOL) dans la capitale de São Paulo a un impact national.
La tâche la plus importante : combattre le gouvernement bolsonariste et le néofascisme et défendre la classe ouvrière
Les lignes de force initiales de la situation suggèrent une tendance à la victoire de la droite traditionnelle et du Centrão – compte tenu du scénario politique à l’échelle de l’Etat. La gauche et le bolsonarisme, cependant, se disputent les villes clés. Dans les trente jours qui restent avant le vote (premier tour), la bataille centrale est la lutte contre le bolsonarisme et la vieille droite, qui sont unis dans l’application du programme néolibéral de forte offensive contre les travailleurs.
Chaque candidature du PSOL doit être une ligne de bataille, une tranchée dans la guerre contre le néofascisme et pour la défense des intérêts des travailleurs, des Noirs, des femmes, des LGBT et des indigènes. La bataille électorale sert, principalement, à accumuler des forces pour la lutte principale : renverser Bolsonaro dans les rues et construire une nouvelle alternative de gauche, sans conciliation avec la droite et la bourgeoisie, pour construire un Brésil pour la majorité exploitée et opprimée, un Brésil socialiste. (Article publié par Equerda Online, le 15 octobre 2020, site du courant Resistencia du PSOL ; traduction rédaction A l’Encontre)
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