Édition du 17 décembre 2024

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Amérique centrale et du sud

Au royaume des aveugles, Juan Guaido est roi

Critiqué au sein même de son camp pour sa ligne insurrectionnelle, l’opposant a été reconduit par d’anciens députés au poste fictif de « président en exercice ».

L’Humanité, France, le mercredi 5 janvier 2022*

Par Lina Sankari

Le choix de l’insurrection, quoi qu’il en coûte. L’opposant Juan Guaido, autoproclamé « président en exercice » lors d’une manifestation en 2019, a été confirmé à son « poste » fictif pour un an, dans la nuit du 3 au 4 janvier. C’est une Assemblée nationale tout aussi fictive qui l’a adoubé : des députés de droite élus en 2015 mais défaits à deux reprises par les chavistes lors de l’élection de l’Assemblée constituante en 2017 et des législatives de décembre 2020.

L’opposition affirme ainsi que le « président de l’Assemblée nationale officiera comme responsable de la présidence (…) afin de défendre la démocratie et diriger la protection des actifs de l’État à l’étranger ». Ici se loge le nœud gordien. Malgré son illégitimité et les soupçons de corruption, Juan Guaido est reconnu par une cinquantaine de pays… au nom de la démocratie, et dispose à ce titre des importants avoirs et biens qui manquent tant au peuple vénézuélien. Pour redorer son image écornée par les scandales de gestion de ces fonds gérés sans transparence et, selon plusieurs témoignages, à des fins personnelles par l’entourage de Juan Guaido puis, en seconde main, par un corps pléthorique de 1 600 fonctionnaires, il promet un meilleur contrôle.

*« Fanatisé par Trump »*

Depuis un an, Juan Guaido est pourtant loin de faire l’unanimité dans l’opposition. Plusieurs formations se sont éloignées de la stratégie de boycott des scrutins et de la ligne insurrectionnelle en choisissant de participer aux législatives de 2020, aux régionales et municipales de 2021. Critique quant à la stratégie poursuivie par Juan Guaido, l’ancien candidat à la présidentielle Henri Falcon l’est également sur l’incapacité structurelle de la droite à convaincre dans les urnes, malgré la conjonction de crises économique, sociale et politique. Mêmes critiques du côté de l’ancien président de la Chambre de députés Henrique Capriles, qui redoute que les divisions de son camp ne le sabordent à terme et appelle à l’union de toutes les forces antichavistes. Il demande également aux États-Unis et à l’Union européenne de reconsidérer leur partenariat avec Juan Guaido, «  fanatisé par Trump jusqu’à en perdre la raison ».

*Un allié encombrant*

Plus spectaculaire encore, Juan Guaido a récemment été lâché en rase campagne par son « ministre des Affaires étrangères », Julio Borges, qui exerçait depuis la Colombie, estimant que le « gouvernement intérimaire s’est déformé pour devenir une fin en soi, gérée par une caste. Il s’est bureaucratisé et ne remplit plus sa fonction. Il doit disparaître ».

Les États-Unis ont un temps tenté de chercher un recours à cet encombrant allié, comprenant que l’opération Guaido s’était soldée par un échec malgré le coup d’État institutionnel, les cinq tentatives de putsch militaire de 2019 et le raid de mercenaires au large des côtes vénézuéliennes, en 2020, pour capturer le président élu Nicolas Maduro. Joe Biden a pourtant remis en selle Juan Guaido avant l’ouverture des négociations entre le pouvoir chaviste et l’opposition au Mexique qui ont abouti aux élections de l’an dernier. «  Sous sa direction et en coalition avec les dirigeants de la société civile, il préserve les idéaux de liberté, de démocratie et de souveraineté », déclarait ainsi le locataire de la Maison-Blanche.

Début décembre, le président colombien, Ivan Duque, qui s’est dépensé sans compter pour discréditer le processus électoral à l’étranger et dont le pays profite largement de l’étranglement du Venezuela, réaffirmait également son soutien à Juan Guaido. Qu’elles soient menées depuis Bogota, Miami ou Madrid, ces manœuvres peinent depuis trois ans à imposer le président auto­proclamé sur le terrain vénézuélien.

* https://www.humanite.fr/monde/venezuela/venezuela-au-royaume-des-aveugles-juan-guaido-est-roi-733107 <https://www.humanite.fr/monde/venez...>

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