Tiré de Courrier international.
“Merci à ce gouvernement qui permet de gagner davantage en servant des cafés qu’en sauvant des vies.” L’encart acheté par le principal syndicat de médecins dans le quotidien The Guardian, mi-mars, a provoqué un certain malaise outre-Manche. Mélange de vérité qui dérange et d’un soupçon de mépris professionnel.
Avec ce message provocateur, référence au récent coup de pouce financier accordé par la chaîne de restauration Pret a Manger à ses salariés, les internes en médecine annonçaient alors leur entrée en grève. “Ils estiment avoir perdu 26 % de salaire réel depuis la crise de 2008”, détaille la BBC. Quatre journées d’action plus tard, les junior doctors n’ont toujours pas obtenu les 35 % d’augmentation réclamés. “L’exécutif juge leur demande déraisonnable dans le climat actuel”, marqué par une forte inflation, relève la radiotélévision britannique.
Le bras de fer se poursuit, donc, comme dans une litanie d’autres secteurs, des enseignants aux employés d’Amazon en passant par les fonctionnaires du Passport Office et de l’Agence pour l’environnement. “Une grève des agents de sécurité à l’aéroport d’Heathrow risque de perturber le couronnement de Charles III”, le 6 mai, complète l’Evening Standard de Londres. De son côté, le premier syndicat d’infirmiers a ouvert la porte à “la poursuite des grèves jusqu’à Noël”, faute d’accord avec le gouvernement conservateur.
Nombre record de jours de grève
“Depuis qu’en juin dernier les cheminots ont lancé le mouvement, le nombre de journées de travail perdues à la suite des grèves a atteint un niveau inédit depuis plusieurs décennies”, calcule le Financial Times. Du jamais-vu, même, depuis l’ère Margaret Thatcher (1979-1990). Fini la “dépolitisation” du monde du travail de ces dernières décennies, conséquence de l’affaiblissement éclair des syndicats, s’enthousiasmait le New Statesman en décembre dernier.
- “Aujourd’hui, on est entrés sur un nouveau champ de bataille avec la montée en flèche de l’inflation et la remise en cause du rôle du travail dans la société avec la pandémie de Covid-19.”
Les facteurs obtiennent gain de cause
La stagnation des salaires pendant la cure d’austérité des années 2010, couplée au sous-investissement chronique dont souffre le service de santé, contribue aussi à la colère des travailleurs, notait le magazine classé à gauche. “Tout le monde en a assez”, résume le Financial Times. Mais combien de temps les piquets de grève peuvent-ils tenir ? Certaines professions ont obtenu gain de cause auprès de leurs employeurs, à l’image des facteurs, vendredi 21 avril (10 % d’augmentation).
D’autres, cheminots en tête, sont retournés à la table des négociations, suspendant au passage les préavis déposés pour le mois d’avril. “Les mouvements sociaux ont en tout cas grevé la croissance en février, constate le journal économique. Mais leur impact global sur le PIB cette année sera négligeable s’accordent à dire les économistes. De quoi inciter le gouvernement à maintenir son inflexibilité”, vis-à-vis des employés du public.
“Cela serait un mauvais calcul, prévient le FT. Faire traîner la situation entraînerait une aggravation des problèmes annexes de recrutement et de fidélisation dans l’éducation et la santé.” Surtout, indique le quotidien libéral, “les économistes récusent l’argument du gouvernement : ils jugent qu’une augmentation conséquente des salaires des fonctionnaires n’aurait qu’un faible impact sur l’inflation”.
Courrier international
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