Tiré de Inprecor 719 - avril 2024
27 mars 2024
Par Posle
Intérieur de l’amphithéâtre russe Crocus City Hall, au lendemain de l’attentat terroriste du 22 mars 2024. © Mosreg.ru, CC BY 4.0
Malgré de nombreuses spéculations sur l’implication de fondamentalistes islamiques, nous ne savons toujours pas avec certitude qui sont les auteurs de l’attentat, ni qui en est à l’origine. Toutefois, certaines conclusions peuvent d’ores et déjà être tirées. Tout d’abord, l’attaque terroriste a manifestement pris les autorités russes par surprise.
Récemment encore, Vladimir Poutine qualifiait de « provocation » les mises en garde des services de renseignement occidentaux contre d’éventuelles attaques terroristes dans les villes russes. Le contact direct entre les services de renseignement de la Russie et des pays occidentaux ayant été rompu, et les avertissements publics ayant été ignorés par les autorités russes pour des raisons clairement politiques (des informations sur l’imminence d’attaques terroristes ont été publiées peu avant l’élection présidentielle), le risque d’autres tragédies s’accroît. Les autorités russes attendent de leurs propres citoyens qu’ils paient le prix de la vision conspirationniste du monde du gouvernement et de sa méfiance à l’égard de tout service de renseignement étranger.
Deuxièmement, la capacité de l’État russe est à nouveau remise en question. Elle a été mise à rude épreuve pour la première fois il y a six mois, lors de la mutinerie de Prigozhin. Il s’est avéré que les services spéciaux les plus puissants, dans une ville truffée de caméras vidéo, ont été non seulement incapables d’empêcher ce crime odieux, mais qu’ils ont à peine réussi à en attraper les auteurs. Fait symptomatique, la veille de l’attentat, l’organisme russe de surveillance financière Rosfinmonitoring a ajouté l’inexistant « mouvement public international LGBT » à sa liste de « terroristes et d’extrémistes ». Lorsque la lutte contre des ennemis imaginaires prime, il est trop facile de négliger la véritable menace.
Troisièmement, l’État russe, comme toujours, tentera de tirer profit de cette situation, et c’est pourquoi la réaction de l’État peut être plus effrayante que l’attaque terroriste elle-même. Les députés de la Douma d’État, les Z-blogueurs pro-guerre et l’ancien président de la Russie Dmitri Medvedev demandent déjà la levée du moratoire sur la peine de mort pour les terroristes (que, rappelons-le, l’État russe qualifie également d’opposants pacifiques au régime, notamment Boris Kagarlitsky). Vladimir Poutine n’est pas pressé de reconnaître l’implication des islamistes dans l’attaque terroriste, mais il a déjà détecté une « trace ukrainienne ». Il ne fait aucun doute que l’attentat terroriste sera utilisé pour justifier de nouvelles mesures de répression, l’adoption de nouvelles lois répressives, l’escalade de la violence en Ukraine et, éventuellement, une nouvelle vague de mobilisation.
Cette attaque terroriste n’est pas la première du genre : on se souvient des attentats à la bombe contre des appartements en 1999 ou du siège de l’école de Beslan en 2004. Mais il y a une différence importante : le degré de violence sans précédent dans lequel la société russe a été plongée avec la guerre en Ukraine. Les médias ont déjà rapporté que l’auteur présumé de l’attaque terroriste s’était fait couper l’oreille par les forces de sécurité russes et qu’il avait été contraint de la manger. Les partisans de la droite, toutes tendances confondues, ont déjà commencé à utiliser une rhétorique anti-migrants et islamophobe dans le contexte de l’attaque terroriste. Le régime russe, qui a ouvert la boîte de Pandore d’une violence sans précédent en lançant une invasion totale de l’Ukraine, peut-il la maîtriser ? Étant donné l’incapacité des services de sécurité à prévenir l’attaque terroriste, il y a de fortes raisons d’en douter.
23 mars 2024
Source : Posle.media.
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