Ensuite, parce que la percée de Podemos (« On peut ») est spectaculaire, et que son score global (7,96 %) n’est pas loin de celui d’Izquierda Unida (9,99 %) et même supérieur à Madrid (11,2 %), en Aragone (9,5 %), dans les Asturies (13,67 %), dans les Baléares (10,3 %), en Cantabria (9,2 %), des communautés où Podemos est donc devenu la troisième force politique. Pour résumer, Podemos, un mouvement politique né il y a quatre mois, qui compte plus de 400 comités de base, mais sans autres sources de financement que les collectes participatives (« crowd fundings ») et les souscriptions populaires, est devenu la quatrième force politique de l’État espagnol.
En Catalogne, il y a eu une victoire des forces qui soutiennent l’autodétermination et le droit des peuples à décider de leur destin. Esquerra Republicana est en tête pour la première fois depuis la Deuxième République, et la droite nationaliste connaît un début de crise, et peut perdre son hégémonie politique et sociale à cause des politiques d’austérité menées depuis 2010.
L’effondrement du PSOE est historique, à tel point que dans plusieurs régions et communautés, l’addition des voix Podemos-Izquierda Unida dépasse le PS...
Un 15M politique !
Podemos apparaît comme le parti du mouvement 15M (les IndignéEs), avec un discours anti-austérité décomplexé, contre la « caste politique », pour un audit de la dette publique, partisan d’un vrai processus constituant, et en lien avec Tsipras et Syriza au niveau européen. C’est la première fois depuis la fin de la dictature franquiste que les mouvements sociaux les plus radicaux ont trouvé un vrai débouché politique et un outil qui n’est peut être n’est pas ouvertement anticapitaliste, mais dans lequel la gauche anticapitaliste et révolutionnaire joue un rôle clé.
Les résultats électoraux ouvrent une brèche énorme dans la gauche de l’État espagnol sur trois points. Le monopole électoral à la gauche du PSOE du PC, puis de Izquierda Unida est rompu. C’est la première fois que les marxistes révolutionnaires ont des éluEs et qu’ils jouent un rôle majeur dans un processus de recomposition de la gauche avec une influence de masse, même si Podemos reste très hétérogène et encore très ambigu sur beaucoup de questions stratégiques clés. Le monopole de la gauche indépendantiste basque, comme seule force de masse anti-régime et ouvertement pour la rupture, même au delà du Pays basque, est aussi rompu. Sous l’effet de la violence politique, ce courant avait galvanisé et polarisé beaucoup de militantEs radicaux de tous courants de gauche durant plusieurs décennies. Enfin, Podemos apparaît comme une force qui veut bouleverser toute la scène politique et lutter ouvertement pour devenir majoritaire, tout en défendant en même temps une démarche unitaire. Podemos veut être candidat au pouvoir en s’appuyant sur les mouvements de masse : un outil pour une rupture démocratique.
Enfin, résultat de l’effet Podemos, le populisme et l’extrême droite sont bloqués ! Une donnée très positive est que, malgré la consolidation d’UPD (un parti réactionnaire, centraliste et populiste) avec 4 élus, le score important de Podemos a bloqué jusqu’à un certain point la progression d’options populistes ou même d’extrême droite (Vox et autres). C’est très important dans ce contexte de décomposition de la base sociale des partis traditionnels, notamment du PSOE, et en particulier dans les quartiers populaires.
Tâches et problèmes des révolutionnaires
Le terme qui résume assez bien la situation des camarades d’Izquierda Anticapitalista investis dans Podemos (une des nouvelles députés européennes en est membre) est celui de « débordement » : sur fond d’enthousiasme et de fatigue extrême, la situation grave nous oblige encore à assumer d’énormes responsabilités politiques, peut-être même les plus importantes depuis l’époque de la Révolution espagnole.
Il faut aujourd’hui participer à la construction de Podemos comme parti pluraliste, démocratique et militant implanté dans les luttes de masse, en préparant le Congrès d’automne et en construisant une direction par en bas pour limiter les dangers bonapartistes et substitutistes de la direction actuelle.
Il s’agit aussi d’encadrer des milliers de militantEs qui ont pris ou prennent contact et qui vont arriver dans les groupes de base dans les jours et semaines qui viennent.
Nous devons essayer de réfléchir sur la façon dont la percée électorale de Podemos peut aussi aider à une recomposition et à un rassemblement de la gauche syndicale, sous l’impulsion aussi des « Marches de la dignité » de mars dernier.
Préparer nos propres rangs au tournant politique que nous sommes en train de vivre et nous organiser pour les prochaines échéances électorales font aussi partie de nos tâches.
Enfin nous devons être capables d’avoir une activité politique propre à Izquierda Anticapitalista, à commencer cet été par notre cinquième université d’été, pour un renforcement significatif de nos propres rangs.
De Barcelone, Andreu Coll