Tiré du blogue de l’auteur.
« Une crise humanitaire prend place et évolue parallèlement à l’épidémie. » Les mots de Thierno Bocoum sont forts, mais à la mesure de la situation que traverse actuellement bon nombre de sénégalais. Dans sa lettre ouverte adressée au Président Macky Sall, le représentant de l’Alliance Générationnelle pour les Intérêts de la République (AGIR), met en lumière les difficultés extrêmes que rencontrent les travailleurs indépendants après les nouvelles mesures de confinement et au couvre-feu décrété au Sénégal pour contrer la propagation du Covid-19. Le pays compte 130 cas de personnes contaminées au 28 mars 2020.
Les taximen ont été les premiers à subir la baisse d’activité du pays. A Dakar, ou l’on ne dénombre pas moins de 25 000 taxis, certains ont déjà garé leurs véhicules faute de rentabilité. « La situation actuelle est vraiment délicate. On vit dans une psychose générale. Même si le confinement national n’est pas encore décrété, tout le monde reste chez soi. L’économie sénégalaise stagne. Moi, je fais principalement les trajets aéroports-centre-ville et avec la fermeture de l’espace aérien je n’ai quasiment plus de travail. Je vis avec mes économies mais je ne sais pas combien de temps je pourrais tenir comme ça. Que Dieu éradique ce fléau. » déplore Sala, un taximan de la capitale.
En contact direct avec la population, les chauffeurs sont particulièrement exposés au virus. Aliou a pris toutes les mesures nécessaires dans son taxi. Gel hydroalcoolique, masque et mouchoirs viennent accompagner un sticker à l’effigie de Serigne Touba sur son pare prise. Le gouvernement a également pris plusieurs mesures concernant les transports. Pas plus de deux passagers dans un taxi, et les bus ne peuvent rouler que s’ils sont à moitié vide pour laisser de l’espace.
Des mesures nécessaires mais qui diminuent encore un peu plus les revenus des chauffeurs. « On veut tous participer à l’effort national pour lutter contre le virus. Mais comment fait-on pour gagner de l’argent si on ne travaille plus ? Et pour nourrir la famille ? » se demande Aliou.
En temps normal, avec le prix du litre de gasoil à environ 600 FCFA (0.9 euros) et la location de leurs taxis qui leur coûtent en moyenne 10 000 FCFA (15 euros) par jour, les chauffeurs de taxis arrivent à peine à être rentable. Avec l’état d’urgence et le couvre-feu instauré dès 20h jusqu’à 6h le lendemain, cela devient mission impossible.
Ce couvre-feu est également une mesure problématique pour les travailleurs sénégalais qui habitent en dehors de la capitale. Avec la diminution des transports en commun certains sont obligés de rentrer à pied, et la police se montre peu conciliante quant aux écarts concernant le couvre-feu. Des vidéos circulent sur les réseaux sociaux, montrant les forces de l’ordre tabasser des badauds après 20h.
"Dans certains quartiers, ce ne sont pas les enfants qui sortent mais ce sont les maisons qui les repoussent. Ils sont trop nombreux pour pouvoir y être comprimés. (confinés ndlr)" Thierno Bocoum
Les vendeurs ambulants, marchands, restaurateurs… nombreux sont ceux directement impactés par cette baisse d’activité. Certains s’attendent à faire faillite.
Dans ce contexte, le Président Macky Sall a annoncé une aide d’urgence, FORCE-COVID-19, de 100 milliards de FCFA pour venir en soutien aux secteurs les plus impactés. Selon le chef de l’Etat, ‘’une enveloppe de 69 milliards sera consacrée à l’achat de vivres pour l’aide alimentaire d’urgence’’. Pour l’instant, la plupart confinés chez eux et sans revenu, les taximen comme beaucoup d’autres sénégalais prient, et attendent l’aide du gouvernement pour survivre, non pas au Covid-19, mais à la paralysie économique du pays.
Justin Carrette
mail : lutte.initiativescitoyennes@protonmail.com
justin.carrette@gmail.com
Un message, un commentaire ?