Ajoutée le 26 juil. 2015
Voilà plus de cinq ans explosait la plateforme d’exploitation pétrolière Deepwater Horizon, de la compagnie BP, dans le golfe du Mexique. Dans la foulée de ce drame, Martin Poirier et Stéphane Poirier lancèrent le mouvement Non à une marée noire dans le Saint-Laurent. C’est ce groupe, à l’occasion de son cinquième anniversaire, qui a accueilli le musicien Zachary Richard à l’Université du Québec à Rimouski, jeudi dernier, pour une de ses deux conférences prévues au Québec.
« Je suis auteur-compositeur-interprète, c’est comme ça que je gagne ma vie, mais je suis aussi citoyen. J’ai une maison quelque part et je paye des taxes, je vis dans un village. Je suis très bouleversé par les changements climatiques, et pas dans un sens émotionnel mais dans un sens réel », explique Zachary Richard. « J’ai vu mes assurances tripler depuis 2005, illustre-t-il. On fait face à des tempêtes tropicales qui sont de plus en plus violentes avec de moins en moins de protection. Tout ça, c’est lié à l’exploration et à l’exploitation pétrolière. J’aime aussi, et beaucoup, l’estuaire du Saint-Laurent et toutes les communautés qui longent le fleuve, et je suis très conscient de la menace qui est posée par l’exploration pétrolière dans l’estuaire du Saint-Laurent. Je voudrais tout simplement partager mon expérience en tant que citoyen louisianais. » Cette expérience, c’est particulièrement celle de la marée noire de 2010 et de ses impacts.
Les chiffres sont astronomiques. Au total, rapporte Zachary Richard, le désastre aura coûté plus de cent milliards de dollars. Ce chiffre exclut la valeur inestimable des écosystèmes détruits. Au total, 800 millions de litres de pétrole ont fui dans la mer, et onze travailleurs ont perdu la vie.
M. Richard n’ose imaginer ce que pourraient être les conséquences d’un tel déversement dans le golfe du Saint-Laurent, avec les glaces et les courants (lire aussi à ce sujet). « Je trouve que cela serait vraiment un risque totalement inacceptable de mettre un puits de forage dans l’estuaire du Saint-Laurent en haute-mer, surtout avec les hivers. »
Selon lui, le Québec est très bien placé pour barrer la route au développement pétrolier, car la population québécoise est « sensible à l’écologie » et « bien éduquée ». Toutefois, il insiste également sur la vulnérabilité des Québécois : « le Québec n’a aucune expérience avec l’exploration pétrolière, donc on peut vous raconter à peu près n’importe quoi ». Il avertit donc que « des dégâts, il y en aura. peut-être pas aussi dramatiques que [ceux de Deepwater Horizon], mais il y aura toujours, dans l’exploration de pétrole, des problèmes écologiques. Et qui va nettoyer ça après, eh bien ce sont les contribuables. »
Ce qui a le plus choqué Zachary Richard, c’est la nature humaine de quelques uns qui ont profité du désastre pour s’enrichir. Dans la région de la Nouvelle-Orléans, ils les ont appelé les « spillionnaires ». Ces gens-là, dénonce-t-il, « prient tous les jours pour qu’une autre catastrophe pétrolière se produise ».
Depuis les années trente, l’exploration pétrolière incontrôlée a creusé des milliers de kilomètres de canaux dans les mangroves qui protégeaient le delta du Mississippi contre l’invasion de la mer. Maintenant, le niveau de la mer s’élève sans qu’aucune barrière ne l’empêche de s’engouffrer dans ce territoire. L’eau salée tue les végétaux qui le maintenaient en place, et s’enclenche ainsi un cercle vicieux qui fait disparaître la superficie d’un terrain de football toute les trente minutes.
Ce sont donc là les trois éléments du désastre pétrolier observé par Zachary Richard en Louisiane : la marée noire et l’exploration pétrolière qui fragilisent les défenses naturelles du territoire, l’élévation du niveau de la mer et l’augmentation de l’intensité et de la fréquence des ouragans. Tout cela est lié à l’ère du pétrole, conclut-il, à laquelle il faut mettre fin, maintenant : « Je crois que nous sommes, comme espèce, à un carrefour très important. »