Mercredi 1er décembre, le constructeur a prévenu qu’il envisageait de fermer l’usine concernée, à Ulsan, en raison de la grève des salariés en contrat à durée déterminée. Ces derniers occupent le site depuis le 15 novembre et bloquent la production de petites voitures citadines telles que la Verna ou la nouvelle Accent. Ils demandent que leurs emplois soient convertis en contrats à durée indéterminée. Selon Hyundai, cité par l’agence Reuters la grève a coûté au groupe quelque 220 milliards de wons (146 millions d’euros).
Le compte rendu ci-dessous est en provenance de Corée du Sud . Il montre comment les pratiques patronales se copient d’un continent à l’autre et comment elles appellent résistances ouvrières et solidarités.
Le 15 Novembre 2010, quelque 40 travailleurs précaires de Hyundai Motors à Ulsan dans la province du sud Gyeongsan en Corée, ont commencé une grève et une occupation de l’usine de fabrication de sièges, l’une des cinq usines du site.
Ces travailleurs étaient officiellement employés par un sous-traitant, l’entreprise Dongseong Inc, qui avait annoncé le 14 novembre qu’elle fermait ses portes. Hyundai Motors a déclaré aux travailleurs qu’ils ne seraient autorisés à signer de nouveaux contrats avec un autre sous-traitant qu’à la condition de renoncer à leur adhésion à l’Union coréenne des travailleurs du métal (KMWU), section des travailleurs de Hyundai en situation d’intérim.
Ne voulant pas continuer à accepter des emplois précaires, les travailleurs ont exigé d’être embauchés directement par Hyundai comme salariés permanents ou « réguliers ». La direction de l’entreprise a réagi rapidement et violemment à l’occupation, expulsant les travailleurs de l’usine, et envoyant vingt travailleurs à à l’hôpital au cours de cette opération « musclée ».
Cependant, loin de faire taire leurs revendications, cette répression a provoqué une généralisation de l’action collective. Alors que Hyundai affirmait qu’il ne voulait pas négocier avec des travailleurs employés par des sous-traitants, la section Hyundai des travailleurs précaires a appelé à une grève. La lutte s’est étendue aux autres usines du site d’Ulsan, avec les travailleurs des autres usines 1, 2 et 3 qui ont eux aussi arrêté la production. Elle s’est aussi élargie aux usines Hyundai situées dans les villes de Asan et de Jeonju.
Bien que les occupations et les arrêts de travail aient été bloqués dans de nombreux sites,, des centaines de travailleurs continuaient d’occuper l’usine d’Ulsan le 22 Novembre 2010. Plus de 70 travailleurs ont été arrêtés et des dizaines ont été blessés par la police anti-émeute. L’entreprise utilise des voyous pour engager des actions violentes contre les grévistes.
La violence de l’État et du capital
En Corée du Sud, la violence du capital et l’Etat se manifeste dans plus d’un titre. dans les matraques et les boucliers de la police ainsi que dans l’usage de gaz lacrymogène. Mais cela se produit aussi dans les actes désespérés de travailleurs acculés à des gestes de protestation tragiques, traduisant la nature mortelle de l’exploitation à laquelle ils sont quotidiennement confrontés.
Il y a 40 ans, le jeune travailleur Chun Tae-il s’était immolé par le feu en serrant contre lui un exemplaire du code coréen du travail clamant ainsi sa volonté d’un monde nouveau qui respecterait le travail et la dignité humaine. Depuis sa mort, il y a eu d’innombrables autres cas d’auto-immolation : Bae Dal-ho, Lee Hae-nam, Lee Yong-seok, Pak Il-su, Jeon Eung-jae, Heo Se-uk, Kim Jun-il.
Le 20 Novembre un autre nom a été ajouté à cette liste. À peu près 16 heures 30, Hwang Inha, un travailleur temporaire qui a travaillé à l’usine de Hyundai Ulsan, a voulu mettre son corps en feu lors d’un rassemblement de solidarité organisé par la KCTU devant la porte principale de l’entrée de l’usine. Heureusement que des participants au rassemblement ont pu assez rapidement éteindre les flammes permettant à Hwang, grièvement brûlé, de sauver sa vie.
Mais les grévistes, leurs soutiens et l’opinion publique coréenne doivent bien se rendre compte de la réalité confirmée par l’acte de Hwang. La lutte des travailleurs précaires de Hyundai est une question de vie et la mort, non seulement pour chaque personne concernée, mais pour tous les travailleurs précaires, et au-delà pour tous les travailleurs en Corée du Sud.
La sous-traitance interne et les trafics illégaux de main d’œuvre
Pour comprendre la signification de ces événements, il faut prendre en compte le contexte, d’abord celui des conditions dans lesquelles Hwang et ses camarades travaillent.
Ce que j’ai appelé « sous-traitance interne » peut aussi se définir comme du travail illégal. En Corée du Sud, un travailleur peut être embauché par un organisme extérieur, et être « envoyé » travailler pour une société différente. Les travailleurs employés de cette manière sont le plus souvent mal payés et leurs contrats sont toujours de nature temporaire. En outre, ce mode d’emploi permet aux réels patrons pour lesquels les travailleurs produisent d’éviter de porter la responsabilité formelle de la fixation des salaires et des conditions de travail.
Hwang et ses collègues travaillent de façon précaire dans les usines Hyundai pour y fabriquer des voitures Hyundai, et pourtant ils sont techniquement salariés par une autre entreprise. Ils peuvent être licenciés à tout moment et recevoir seulement une fraction du salaire de ceux qui sont directement employés par Hynudaï, et qui travaillent à leurs côtés. La loi sud-coréenne interdit actuellement de telles pratiques dans le secteur manufacturier, précisément à cause de ces problèmes. La sous-traitance interne contourne cette interdiction, et est largement pratiquée.
En Corée du Sud il y a maintenant deux tendances opposées en ce qui concernent les modes de recrutement et d’emploi des travailleurs.
D’une part, l’administration Lee Myung-bak veut modifier la loi sur la sous-traitance pour permettre son application dans le secteur manufacturier. Il s’agit aussi de « renforcer les services de l’emploi » et de promouvoir le développement des agences d’intérim et de « ventes » de travailleurs. Ces mesures visant à étendre le travail précaire sont au cœur de la »Stratégie nationale d’emploi 2020 », par laquelle le gouvernement sud-coréen veut une main-d’œuvre flexible pour le capital sous le couvert de la création d’emplois.
D’autre part, un arrêté de la Cour suprême de la Corée du Sud du 22 juillet a statué qu’un travailleur employé par un sous-traitant en interne à Hyundai Motors est un trafic illégal de main d’œuvre. La Cour suprême a également jugé que, en tant qu’en fonction de ce principe général, des cas comparables devaient être considérés comme illégaux.
Alors que l’affaire a été renvoyée devant la Haute Cour pour être rejugée sur la base de la décision de la Cour suprême, cette décision a des implications pour les travailleurs employés par des sous-traitants en interne chez Hyundai et, en fait, chez toutes les entreprises de fabrication en Corée du Sud.
Selon la loi sud-coréenne ainsi confirmée, les employeurs doivent directement et régulièrement employer les travailleurs en situation précaires après 2 années de travail. La Cour suprême a de plus indiqué que Hyundai devait accorder aux travailleurs en sous-traitance, les mêmes droits en terme de sécurité d’emploi, de salaires et avantages que ceux dont disposent les travailleurs directement salariés par Hyundai
Cette décision du 22 Juillet de la Cour suprême fournit une base solide pour satisfaire les revendications des travailleurs qui ont engagé la grève et l’occupation depuis le 15 Novembre.
En substance, ces travailleurs exigent seulement d’Hyundai qu’elle applique ce que la plus haute autorité de justice du pays a dit de faire. Un ordre bien sur ignoré par Hyundai.
Mais la lutte des ouvriers précaires de Hyundai est bien plus qu’une simple question d’application d’une décision de la Cour suprême. C’est un combat contre un système de travail illégal et le recours à des emplois indirects. En fin de compte, c’est un combat contre le gouvernement et les efforts du capital pour développer ces formes d’emploi qui aboutissent à d’augmenter la flexibilisation du travail. Il s’agit de préserver les profits au détriment des salaires, des conditions de travail et la sécurité d’emploi de tous les travailleurs coréens.
Solidarité entre les travailleurs réguliers, irréguliers et le rôle des forces du Mouvement Social
Ces revendications de la lutte des travailleurs de Hyundai concernent l’ensemble des travailleurs coréens. La bataille doit donc être menée avec la force de l’unité des travailleurs qu’ils soient précaires, intérimaires, irréguliers, ou régulièrement salariés par les entreprises. Dans de nombreux cas, les travailleurs réguliers sont les collègues, les amis et les proches des travailleurs précaires et intérimaires, et ont déjà manifesté leur appui. Ils ont organisé des arrêts de travail et d’autres actions de solidarité proposant nourriture et boisson à ceux qui occupent l’usine de Ulsan. Alors que la direction de la Direction générale du syndicat KMWU Hyundai a été plutôt tiède au début du conflit, il y a des signes évidents que la solidarité s’élargit de plus en plus.
Le 22 Novembre les délégués de l’Assemblée du KMWU ont décidé de tenir une manifestation de masse devant l’usine Hyundai Ulsan le 23 Novembre, coordonner des actions avec la Confédération coréenne des syndicats (KCTU) d’organiser un autre rassemblement le 27 novembre. Une grève générale est prévue pour le début décembre, ou plus tôt dans le cas où police anti-émeute et voyous entreprendraient des actions contre de l’usine occupée.
Ce dispositif d’action propose aux ouvriers métallurgistes de Corée de faire des travailleurs en situation précaire à Hyundai une lutte pour les droits de tous les travailleurs contre les projets du gouvernement et des capitaux
Les organisations du mouvement social, partis politiques de gauche et de tous les éléments progressistes de la société sud-coréenne ont également un rôle important à jouer. L’occupation d’usine Ulsan a mis en lumière le caractère répressif et exploiteur de Hyundai, qui est représentatif de l’attitude de tous les conglomérats et groupes industriels sud coréens en général. Le mouvement social peut saisir cette occasion pour organiser la résistance de masse contre leurs abus, notamment envers les travailleurs précaires et d’entreprises sous-traitantes.
Il faut faire connaître le mépris de Hyundai envers la décision du mois de juillet de la Cour Suprême et le soutien que lui apporte le gouvernement. Le mouvement social doit également donner un soutien mental et matériel aux travailleurs en grève. Il appartient à toute la gauche dans son ensemble, en Corée du Sud, de reconnaître la signification de la lutte en cours chez Nyundai.
Solidarité à l’étranger signifie beaucoup pour les travailleurs occupant l’usine d’Ulsan, qui depuis des jours sont sans repos ni nourriture suffisante.
Envoyez des messages de soutien à l’Institut de recherche pour les travailleurs intérimaires psspawm@gmail.com
Vous pouvez également envoyer des messages directement à la section Hyundai des travailleurs précaires de l’Union coréenne des travailleurs de la métallurgie à l’adresse : hjbtw@jinbo.net.
Wol-san Liem, Researcher Research Institute for Alternative Workers Movements