Édition du 17 décembre 2024

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Politique québécoise

Entrevue avec Marc Maltais, président du Syndicat des travailleurs de l’aluminium d’Alma -

Un appel à se rallier aux travailleurs d'Alma dans la lutte pour leurs droits

 tiré du journal Le Marxiste Léniniste (LML) -

LML :Dans la semaine qui a précédé le lockout, les travailleurs des trois accréditations du Syndicat des travailleurs de l’aluminium d’Alma (section locale 9490 du Syndicat des Métallos) ont rejeté les offres finales de Rio Tinto. On a dit que ces offres étaient bonifiées par rapport à l’offre précédente que les travailleurs avaient rejetée de façon très massive. Quel a été le résultat du vote sur les offres finales et en quoi différaient-elles de l’offre précédente ?

Marc Maltais :Quelques jours avant le lockout, soit les 29 et 30 décembre, les travailleurs ont rejeté les dernières offres finales de l’employeur. À l’accréditation bureau, l’offre a été rejetée à 71 %, à l’accréditation Centre de réfection des cuves à 98 %, et à l’accréditation horaire à 88 %. Le taux de participation moyen à ces assemblées a été de 92 %.

Un des changements dans les offres de l’employeur, c’est que dans l’offre finale, Rio Tinto disait nous protéger contre la sous-traitance au niveau de l’opération, c’est-à-dire au niveau de la production. Dans la convention actuelle, il n’y a pas de clause de sous-traitance en ce qui concerne la production. Notre principal problème à l’heure actuelle en ce qui concerne la sous-traitance c’est à l’entretien que nous l’avons. Il y a bien une clause de sous-traitance dans la convention actuelle en ce qui concerne l’entretien mais les mailles sont tellement grandes qu’on peut y passer des éléphants. Ce qui a pour conséquence que d’année en année, on voit l’augmentation des heures qui sont données à des firmes externes.

Donc, on nous a présenté une clause de protection face à la sous-traitance pour la production, mais elle est assortie d’une phrase qui dit que la sous-traitance dans l’usine il y en aura toujours plus, que l’avenir de l’aluminerie c’est toujours plus de sous-traitance. Donc, la question que nous posons à l’employeur c’est que s’il nous propose une clause qui nous protège, quelle est sa valeur si nous signons du même souffle quelque chose qui dit noir sur blanc qu’il y aura toujours plus de sous-traitance à l’usine. La réponse est trop évidente. Si on négocie une clause qui ne nous protège pas réellement, alors nous venons d’accepter les conditions de l’employeur en ce qui concerne la sous-traitance. C’est un des gros aspects de la négociation actuelle qui est très important parce qu’il a de grands impacts, notamment sur les mouvements de main-d’oeuvre et les fonds de pension à long terme. C’est un affaiblissement du syndicat parce qu’on cherche à réduire nos effectifs syndiqués à ce que l’entreprise appelle le « core », les opérations essentielles de production, et même cela va être remis en question.

Prends la situation présente avec le lockout. C’est déjà difficile à l’heure actuelle avec le nombre de syndiqués que nous avons de mener un combat efficace. À l’heure actuelle, Rio Tinto fait rentrer 200 sous-traitants et cadres en plus des scabs pour opérer l’usine ; imagine s’il y en avait 400. Les 200 cadres, en fait, ce sont pour beaucoup des retraités qu’ils sont allés chercher, des nominations qu’ils ont faites dans les derniers mois. Ce ne sont pas des cadres qui sont établis de longue date, ce sont des cadres qu’ils sont mis là en préparation du conflit. Ils sont allés chercher des cadres retraités à Arvida. Il y en a là-dedans qui n’ont jamais vu un pont roulant comme on en a ici. Nos équipements à Alma sont ultra modernes. Et ce sont ces gens-là qui vont opérer l’usine. J’imagine qu’ils ont placé les gens qui connaissent le mieux l’usine, les vrais cadres, aux opérations critiques, mais qu’est-ce qu’on va dire aux autres : vas-y mon homme, aie confiance ! C’est sécuritaire ça ?

On voit bien que nos demandes ont de grandes répercussions sur l’avenir.

LML : Le syndicat dit que Rio Tinto n’est pas en mode négociation mais en mode provocation. Peux-tu nous en dire plus ?

MM :Toutes ces accusations de vandalisme et d’intimidation que Rio Tinto fait contre nous sont des mensonges et c’est de la provocation ça aussi. Rio Tinto suit la théorie selon laquelle plus tu répètes un mensonge souvent, plus ça va devenir une vérité. Le syndicat a toujours dénoncé le vandalisme, le saccage et l’intimidation. Quand la compagnie se plaint que nous avons vandalisé les équipements, il ne faut pas qu’elle oublie, et d’ailleurs elle le sait très bien, que les équipements brisaient avant la négociation, qu’ils brisaient pendant la négociation et qu’ils vont briser encore après la négociation. Si ce n’est pas le cas, alors pourquoi avoir des personnes qui s’occupent de l’entretien dans l’usine ? D’ailleurs la compagnie n’enquête même pas sur les incidents dont elle parle. C’est juste de la propagande. Dans une société où on n’hésite pas à juger les syndicats comme étant tous des fiers-à-bras, c’est facile pour eux de dire n’importe quoi.

Nous avons des soupçons sérieux à l’effet que Rio Tinto fait entrer des scabs dans l’usine. Moi-même j’en ai pris un en flagrant délit, un faux agent de sécurité qui faisait de la patrouille en motoneige. C’est certain qu’il y a plein de scabs dans cette usine-là. Nous avons fait des demandes au ministère du Travail pour qu’il envoie des inspecteurs à l’usine. Rio Tinto fait entrer des gens par hélicoptère. En plus, on voit des gens qui courent dans le bois avec des lampes de poche et d’autres qu’on fait entrer en motoneige. Si Rio Tinto n’a rien à cacher, alors pourquoi utiliser ces méthodes ?

LML : Quelle est la situation du point de vue appui de la population ?

MM :On se souvient que des présidents de la chambre de commerce sont sortis publiquement contre nous. Cela n’empêche pas qu’il y a plein de commerces qui viennent nous porter du café et des muffins, du bois de poêle, qui nous offrent des bons d’achat, viennent jaser avec nous et nous encouragent. Nous en sommes maintenant à 800 personnes sur notre page Facebook et nous en gagnons environ une centaine par jour. Il y a toutes sortes de monde qui nous appuie. Les gens reconnaissent que nos travailleurs ne demandent presque rien pour eux-mêmes. Ce que nous voulons c’est partager les bonnes conditions que nous avons. Il y a des retraités de Rio Tinto qui viennent nous encourager sur les lignes de piquetage. Nos travailleurs sont mobilisés comme jamais. Ils appuient leur syndicat et sont déterminés à avoir gain de cause. Nous faisons du piquetage 24 heures sur 24 et 7 jours par semaine. En ce moment, nous sommes sous le coup d’une injonction interlocutoire provisoire valable jusqu’au 10 janvier qui nous dit de ne pas piqueter à moins de 500 pieds de la propriété et limite le nombre des piqueteurs à 20.

LML : Que veux-tu dire en conclusion ?

MM :Le dernier conflit de travail à l’usine remonte en 1979 et là aussi c’était un lockout. Ce n’est pas vrai qu’on est plus dur qu’ailleurs ici à Alma. Si ce qu’on nous propose a du bon sens on est capables de traiter de la chose et d’en arriver à une entente, mais on a affaire avec du monde intraitables. Un travailleur l’autre jour m’a demandé quand est-ce qu’ils vont en avoir assez ces gens-là comme Rio Tinto. Je lui ai répondu que le matin où tu vas devoir déposer 100 $ dans une boîte avant d’aller faire ton quart de travail, que tu vas payer pour travailler, ils vont te demander de déposer 120 $. Il n’y a pas de limites à leurs demandes. Les gens se rendent compte que le syndicat d’Alma se bat contre cette mutation de l’économie qui nous pousse tous vers le bas et c’est pourquoi nous invitons tout le monde à nous rallier.

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