Rappel : le 24 avril 2013, l’effondrement du Rana Plaza a fait 1138 morts et 2000 blessés. La plupart des victimes de cette tragédie étaient des femmes, parfois très jeunes. Des fissures dans les murs de l’édifice étaient pourtant apparentes depuis plusieurs jours. Les ouvrières et les ouvriers ne voulaient plus y entrer, mais les propriétaires ont appelé les policiers pour les obliger à le faire. L’immeuble abritait plusieurs ateliers de confection pour diverses marques internationales vendues au Québec, entre autres dans les magasins Walmart.
Michèle Asselin, vice-présidente de l’AQOCI et coordonnatrice du CISO, explique que l’effondrement du Rana Plaza n’est pas un événement isolé. Depuis 2006, plusieurs centaines d’ouvrières et d’ouvriers du textile ont perdu la vie dans des incendies d’usines au Bangladesh. « Et c’est sans parler des accidents qui ne sont pas médiatisés et qui surviennent à tous les jours dans des ateliers de misère », ajoute Mme Asselin.
Indemniser, c’est reconnaître sa responsabilité
Un an après la catastrophe, les victimes n’ont toujours pas été indemnisées. En décembre 2013, une négociation sous l’égide de l’Organisation internationale du travail (OIT) a permis la mise en place d’un Fonds spécial d’indemnisation. Toutes les marques de vêtements qui s’approvisionnent au Bangladesh ont été invitées à y contribuer. À ce jour, seulement 17 marques ont répondu à l’appel et, en date du 4 avril 2014, seulement 15 000 000 $ US ont été recueillis. « Une catastrophe comme celle-là aurait pu être évitée si les risques avaient fait l’objet d’un signalement rigoureux. Les entreprises doivent prendre les mesures qui s’imposent lorsqu’elles travaillent avec des fournisseurs qui font preuve d’un mépris si manifeste pour les droits humains » soutient Béatrice Vaugrante, directrice générale d’Amnistie internationale.
Accord sur les incendies et la sécurité des bâtiments
Le 15 mai 2013, plusieurs grandes marques de vêtements se sont engagées, dans le cadre de l’Accord sur les incendies et la sécurité des bâtiments au Bangladesh, à améliorer les conditions de travail des ouvriers et ouvrières de leurs fournisseurs. Cet accord novateur engage entreprises et distributeurs, syndicats internationaux et locaux et ONG. Il prévoit l’inspection de 1 500 usines de textile. Au début d’avril 2014, les autorités du Bangladesh ont ordonné la fermeture totale de quatre usines et la fermeture partielle de deux autres après la découverte de faiblesses structurelles dans les bâtiments. Trois usines avaient déjà été fermées en mars pour les mêmes raisons. Ces fermetures se traduisent par une période de chômage pour des milliers d’ouvrières et d’ouvriers et les employeurs s’étaient engagés à leur payer les salaires ; il semble toutefois que tous n’ont pas respecté leur engagement.
Et les conditions de travail ?
Si des avancées sont notées sur le plan de la sécurité des bâtiments et de la protection contre les incendies, l’amélioration de l’ensemble des conditions de travail demeure un enjeu très préoccupant : respect du droit d’association, hausse du salaire minimum, horaire de travail, etc. « Au milieu du siècle dernier, au Québec, les ouvrières du textile se sont battues, avec le soutien de Madeleine Parent, pour de meilleures conditions de travail. Nous devons appuyer les femmes au Bangladesh qui mènent aujourd’hui cette lutte et refuser que les entrepreneurs esquivent ainsi leurs responsabilités. », affirme Martine Éloy, membre du conseil d’administration de la Fédération des femmes du Québec.
Pour éradiquer les ateliers de misère, plusieurs pistes de solution sont possibles :
Walmart doit reconnaître ses responsabilités Walmart, comme toutes les entreprises canadiennes qui font fabriquer des vêtements au Bangladesh, doit signer l’Accord sur la sécurité incendie et des bâtiments.
Le gouvernement canadien doit agir Le gouvernement canadien doit soutenir l’Accord sur la sécurité incendie et des bâtiments, obliger les entreprises canadiennes à le respecter et adopter une réglementation obligeant les marques et les revendeurs de vêtements à divulguer le nom et l’emplacement des usines où sont fabriqués leurs produits pour garantir la transparence et empêcher la dissimulation de mauvaises pratiques patronales aux yeux des consommateurs. Également, le gouvernement canadien, dans ses accords commerciaux, doit exiger le respect des conventions de l’OIT, dont le droit d’association et de négociation (syndicalisation), le droit à un salaire minimum décent et à des normes de santé et sécurité dans toutes les entreprises.
La responsabilité sociale des entreprises, un virage à entreprendre Enfin, les entreprises canadiennes à l’étranger doivent mettre en place de réelles politiques de responsabilité sociale et d’achats responsables.
Poursuivons l’action citoyenne La pression et la vigilance citoyennes peuvent faire la différence. Des milliers de personnes à travers le monde ont signé une pétition pour interpeller les grandes marques. Cette mobilisation a certainement contribué à l’obtention de l’Accord sur les incendies et la sécurité des bâtiments. Assurons-nous que les entreprises ne fassent pas de profit en violant des droits humains.