Édition du 12 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Tourner en rond

Nous aurons bientôt l’esprit aux vacances, des vacances bien méritées. Avant de partir pour la pause estivale quel bilan de la dernière année pouvons-nous faire du mouvement social, syndical, progressiste et indépendantiste auquel je m’identifie. Est-ce que nous avons avancé ou continué à reculer ?

Le mouvement de lutte contre l’austérité amorcé au printemps 2015 par les étudiants laissés à eux-mêmes a été repris à l’automne 2016 par les centrales syndicales alors en négociation avec le gouvernement Couillard dans le secteur public, par les CPE et les groupes communautaires victimes d’importantes coupures budgétaires, mouvement suscitant l’appui d’une majorité de la population. La lutte du Front commun alors qu’étaient impliqués plus de 400 000 travailleurs et travailleuses du secteur public aurait été l’occasion de faire l’unité et de créer un véritable rapport de force avec le gouvernement néolibéral de Philippe Couillard. A aucun moment nous n’avons vu un réel esprit d’unité entre toutes ces organisations pourtant liées par un même combat. Chaque organisation, chaque regroupement a mené son combat de façon isolée. Pourquoi ?

On peut avancer quelques hypothèses. Tout d’abord l’absence de vision globale chez
les membres de chacune des organisations notamment due au manque d’éducation politique au sein des organisations depuis une trentaine d’années. On peut mentionner également l’individualisme ambiant qui s’est traduit par un repli sur soi et le corporatisme au sein des mêmes organisations. L’absence d’un leadership audacieux, courageux et inspirant à la différence du Printemps érable a été également un facteur important. Le manque de transparence le contrôle par le haut au sein des organisations aussi. L’absence de débats au sein des organisations, d’un esprit critique chez les membres vis-à-vis de leurs dirigeants n’a entraîné aucun débordement des dirigeants par la base. On a vu le même manque de leadership politique alors que les partis d’opposition n’ont même pas profité de moments où le gouvernement Couillard était dans les câbles pour faire des gains. Québec Solidaire pour sa part n’a pas canalisé politiquement la lutte populaire et syndicale alors que c’est le rôle d’un parti dit de la gauche radicale.

Les conséquences de ce manque d’unité et de cette défaite collective ont été et demeurent désastreuses pour la portion de la population la plus vulnérable laissée à elle-même. Elles le sont également pour plusieurs groupes de travailleurs et travailleuses qui continuent à travailler dans des conditions très difficiles et plusieurs tombent au combat ou prennent une retraite anticipée. Les conditions continuent à se détériorer notamment dans les secteurs de l’éducation, de la santé et des services sociaux. Le pouvoir est de plus en plus centralisé et nous n’avons rien à dire. L’autoroute néolibérale est libérée pour que le gouvernement actuel poursuive son démantèlement de l’état québécois et sa privatisation. L’éparpillement que des forces que nous retrouvons sur le plan social et syndical se retrouve également sur le plan politique. Alors que chaque parti politique vit ‘’ son trip ‘’ replié sur lui-même la population ne sait plus à quel saint se vouer pour se faire entendre. Faute d’alternative qui suscite l’adhésion est-ce qu’elle se tournera vers des populistes de droite comme aux Étas-Unis et en Europe ? N’est-ce pas le même tournage en rond dans le mouvement indépendantiste et chez les partis indépendantistes, si loin aussi des préoccupations des Québécois et Québécoises. Que pouvons-nous espérer au retour des vacances sinon pour le moment le même tournage en rond sans aucune perspective ?

Yves Chartrand

Yves Chartrand

Intervenant social
Montréal

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