Nous sommes de divers horizons politiques, culturels, professionnels. Nous avons en commun l’âge et une certaine vision du monde et de la société québécoise à laquelle nous avons contribué de diverses façons dans les dernières décennies. En militant au sein de syndicats, de groupes populaires et communautaires, d’organismes de défense de droit, de coalitions, nous avons été partie prenante des luttes liées aux droits des femmes, des peuples autochtones, des personnes réfugiées et immigrantes, à l’environnement, à l’élimination de la pauvreté, contre la privatisation des services publics, contre la mondialisation néolibérale et à tant d’autres causes conjoncturelles. D’où notre refus net d’emboîter le pas au démantèlement et à la liquidation de cet héritage.
Nous appuyons depuis le début les étudiantes et les étudiants qui avec un courage exemplaire, une ténacité impressionnante et une rare intelligence politique poursuivent leur grève, manifestent sans relâche, jour après jour, soir après soir et désobéissent civilement face à un gouvernement sourd à leurs revendications qui sont aussi les nôtres.
Nous nous sentons interpellés par la lutte étudiante parce qu’elle dépasse largement le cadre « corporatiste » dans lequel le gouvernement tente désespérément de la contenir et de la détourner de son sens premier : un rappel et un appel à faire du droit à l’éducation un des fondements de notre société. D’une part, le combat de la jeunesse constitue un rappel éloquent de ce que le Québec avait entrepris de meilleur avec la Révolution tranquille soit d’assurer le droit à l’éducation à toutes les générations de Québécoises et de Québécois peu importe leur statut ou leurs revenus.
Bien plus, les architectes de ce long réveil de la société québécoise avaient invité population et gouvernements à mettre le cap sur la gratuité scolaire de la maternelle à l’Université. D’autre part, ce même combat constitue un appel non seulement à poursuivre ce travail inachevé, mais à le dépasser en refusant la commercialisation, la marchandisation, la privatisation du rôle de l’apprentissage et du savoir dans notre société et à récuser les chemins empruntés par les gouvernements successifs qui l’ont transformé en bien de consommation achetable et monnayable selon le principe cher aux néolibéraux de l’utilisateur-payeur.
Nous contestons le sens que le gouvernement donne au « droit à l’éducation ». Dans la bouche de M. Charest, il s’agit plutôt d’une chose rapetissée à la possibilité pour chaque individu de recevoir « son » cours parce qu’il « a payé pour » au mépris de décisions collectives prises démocratiquement par les étudiantes et les étudiants dans le cadre de leurs assemblées générales dûment constituées. Avec une telle conception, ce gouvernement nous donne la mesure de la hauteur à laquelle il se situe… au raz des pâquerettes…les yeux rivés sur les cours de la Bourse et les fluctuations des marchés financiers. Comment s’étonner de la pitoyable cécité de ce gouvernement ! L’accès égalitaire à l’éducation est un droit humain fondamental inscrit dans la Déclaration universelle et dans le Pacte relatif aux droits économiques sociaux et culturels (1976) auquel le Canada et le Québec ont adhéré. Il est un des socles d’une citoyenneté libre, responsable et critique.
Nous nous opposons de toutes nos forces à la liberticide loi 78. Elle a été concoctée pour tuer le mouvement étudiant et ses organisations et pour s’attaquer aux droits fondamentaux de tous les citoyens et citoyennes : droit d’expression, liberté de conscience, droit d’association, de manifestation, d’organisation tous garantis par les Chartes canadienne et québécoise. Avec cette loi, le gouvernement libéral de Jean Charest s’inscrit dans les mouvances les plus troubles, les plus obscures, les plus rétrogrades de l’histoire du Québec. Le gouvernement de Duplessis, corrompu, autoritaire et vendu aux intérêts des exploiteurs avec entre autres sa loi du cadenas ne faisait pas mieux à l’époque. L’actuelle répression policière, dénoncée même au plan international, en témoigne.
Il nous faut renouer avec les luttes qui ont mis un terme à ce type de régime obscurantiste. Il nous faut un nouveau Refus global "Rompre définitivement avec toutes les habitudes de la société, se désolidariser de son esprit utilitaire. (…) Refus de fermer les yeux sur les vices, les duperies …refus de se taire (…) À nous le risque total dans le refus global. (…) D’ici là, sans repos ni halte, en communauté de sentiment avec les assoiffés d’un mieux-être, sans crainte des longues échéances, dans l’encouragement ou la persécution, nous poursuivrons dans la joie notre sauvage besoin de libération". (Borduas 1948)
Nous soutenons le droit à la désobéissance civile pacifique contre l’injuste loi 78. Ce droit est au cœur même d’une conception large et dynamique de la démocratie qui dépasse les seules limites de la représentation politique et de ses partis. Elle inclut la démocratie participative et directe de même que la délibération auxquelles chacun et chacune est conviée à participer parce que chacun et chacune est présumée apte à s’occuper des affaires de la Cité et que nul ne doit en être exclu. Quand un gouvernement franchit le seuil de l’inacceptable et le gouvernement libéral vient de le faire, la responsabilité citoyenne implique de désobéir. En tant que personnes aînées, nous avons en particulier la responsabilité morale de protéger nos jeunes contre tous les abus : nous nous engageons à assumer cette responsabilité par tous les moyens.
Nous affirmons que le combat étudiant est devenu un moment fondateur d’un nouveau Québec en train de se construire. La lutte des étudiantes et des étudiants contre la hausse des frais de scolarité est devenue la lutte de chacun et chacune d’entre nous. Et par-delà cette revendication précise et justifiée, elle s’est transformée en un refus magistral de la société néolibérale dans laquelle nous ont plongés les soi-disant maîtres du monde. Elle interpelle sur les finalités de notre « vivre ensemble ». Elle invite à se préoccuper non seulement d’avoir de quoi vivre, mais des raisons de vivre. Par leur appui, leur participation ininterrompue aux contestations de la position du gouvernement, leur capacité à « fédérer » des revendications essentielles, les citoyennes et les citoyens du Québec ont contribué à transformer la lutte étudiante en lutte sociale plus large. Nous reste à inventer les moyens de la poursuivre, entre autres par la grève sociale.
Nous sommes convaincus que même encore au pouvoir, ce gouvernement et ceux qui y ressemblent sont les représentants et les représentantes d’un monde fini. Jeunes et moins jeunes, ensemble, nous traçons déjà les contours de cet « autre monde possible », de cet autre Québec plus solidaire, plus démocratique, plus écologique, plus pacifique, débarrassé de la pauvreté, du racisme et du sexisme.
POUR LE DROIT À ÉDUCATION
Contre la hausse des frais de scolarité
Vers la gratuité scolaire à tous les niveaux
CONTRE LA LOI 78
Abrogation immédiate de cette loi
Annulation de toutes les pénalités et condamnations faites en vertu de cette loi
TÊTES BLANCHES CARRÉ ROUGE
Pour nous rejoindre tetesblanchescarrerouge@videotron.ca
Page Facebook http://www.facebook.com/profile.php?id=601260396#!/groups/114942725311925/
Lorraine Guay et Ginette Bastien, Marcelle Bourque, Normand Breault, Josette Catellier, Béatrice Chiasson, Gisèle Cloutier, Eduardo Corro, Marie-France Dozois, André Fleury, Jacques Fournier, Kristiane Gagnon, Diane Gariépy, Laurent Girouard, Hélène Guay, Gérard Laverdure, Gérald McKenzie, Serge Mongeau, Renée Ouimet, Claude Perron, Jean-Marc Piotte, America Recinos, Richard Renshaw, René Rioux, Wendy Stevenson, Gérard Talbot.