Édition du 18 juin 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Féminisme

Sur la différence d'avoir des femmes en politique

En tant qu’indépendantiste, en cette Journée internationale des droits des femmes, j’aimerais souligner quelques points qui me semblent cruciaux en lien avec la différence et la pertinence d’avoir des femmes en politique. Dans mes dernières années de militantisme, il faut dire que j’ai eu l’occasion d’observer (tant au PQ qu’à ON et dans une moindre mesure à QS) un manque criant et urgent de femmes actives dans le mouvement indépendantiste.

Je sais qu’il est extrêmement difficile d’arriver à la parité dans un parti politique. À l’exception de Québec solidaire, qui met cette parité obligatoire dans toutes ses instances, c’est souvent quelque chose de relégué au second plan au profit d’autres dossiers plus "prioritaires". C’est une erreur majeure et QS mise juste. Cette absence amène des conséquences importantes sur l’ensemble de ses acteurs.

Une absence des femmes les prive de parole et rebute celles qui se présentent tout de même, à s’exprimer. Elles se sentiront moins à l’aise de parler, d’intervenir, de s’impliquer, de militer ou d’agir. Ça les prive de moyens pour s’affirmer et être comprises alors que leurs idées sont essentielles. Aux élections, ce sont les plus difficiles à convaincre de se présenter ou, sur le marché de l’emploi, de présenter leur CV pour des postes importants.

J’ai pu témoigner qu’en dessous d’un certain seuil, plus elles se sentent dans un "boy’s club", moins elles sont tentées ou motivées à rester longtemps, sans doute parce que la dynamique est davantage malaisante et intimidante lors du "baptême".

Parlons-en de cette dynamique. Elle change de fond en comble dans les travaux des comités, des équipes, des milieux de travail, dans le ton des échanges et des discours et ça diminue "l’esprit de compétition" au profit de la collaboration, de l’écoute et du consensus.

Aux portes, dans les congrès ou dans les travaux d’assemblées, une femme (ou plusieurs) arrivait dans l’équipe et les relations entre tout le monde devenaient différentes. On sentait les gens plus ouverts et enclins à parler, tant pour les hommes que pour les femmes. Ça les rassure et ils ou elles se sentent plus en confiance, surtout devant des inconnus. Honnêtement, qui préfère-t-on entre deux personnes inconnues qui cognent à notre domicile alors qu’il est 19 heures ? Deux hommes, un homme et une femme ou deux femmes ? Chaque personne a sa réponse, mais je me doute un peu de la moins populaire.

Dans des comités et les congrès, plus il y a de femmes, plus elles se montrent en confiance, parlent et communiquent davantage. Les échanges sont plus cordiaux, l’écoute meilleure, davantage de respect des autres, les gens font des interventions plus réfléchies et se montrent plus à l’aise de prendre la parole. Normales, elles sont davantage représentées, au même titre qu’elles seront plus enclines à s’impliquer concrètement dans des comités si plusieurs femmes sont déjà présentes, à y présenter leurs revendications et exposer leurs opinions (elle ne sera pas LA femme dans le boy’s club).

Alors que, le soir du 6 mars, Option nationale a publié un vidéo qui portait sur les sophismes en utilisant l’exemple du féminisme, une amie a attiré mon attention sur le fait que Sol Zanetti ne soulignait en aucun moment la culture du viol. Normal, cette capsule vidéo a été produite en grande majorité (ou en totalité ?) par des hommes, alors ça n’a même pas effleuré leur esprit.

C’est ce qui se passe quand, alors que la directrice générale d’Option nationale, Viviane Martinova-Croteau, a présenté un ambitieux plan d’action pour améliorer la présence féminine dans les instances, et qu’ON se retrouve malgré tout en "pénurie de gente féminine" : les hommes parlent au nom des femmes et manquent la cible, parce qu’on ne réfléchit pas pour, par et avec elles. On croit de bonne foi parler en leur nom, alors qu’en fait, on parle uniquement de notre vision masculine du féminisme, soit de quelque chose qu’on ne vit pas au quotidien. Certains enjeux nous échappent, alors que si des femmes avait participé, une autre facette aurait pu avoir été choisie et la capsule aurait davantage rejoint des femmes à l’occasion du 8 mars...si c’était une ou des femmes qui avaient parlé au lieu du chef du parti (sans lui enlever ses qualités) et y avaient collaboré. Crédibilité oblige, non ?

Pour conclure, arrivons-en au point central : la parité. J’ai pu exposer pourquoi elle peut s’avérer nécessaire et essentielle. Il n’y a pas que la compétence, les qualités physiques ou intellectuelles qui sont en jeu, tant en politique, sur le marché du travail et même sur les conseils d’administration. La dynamique des relations humaines est meilleure et le message qu’on veut faire est plus efficace. L’obligation de parité amène les organisations à faire plus d’efforts pour l’atteindre et il y a un réel effet boule de neige sur la participation d’autres femmes qui pensaient déjà à s’investir.

Aucune loi n’existe, mais on peut s’en faire une discipline morale : donnons-nous l’obligation de parité obligatoire dans l’ensemble de notre société et de surcroît dans le projet indépendantiste. Ce sera un bénéfice pour l’ensemble de la société, qui nous fixe trop peu d’objectifs ambitieux. Puisque la pauvreté, l’environnement, la justice sociale, les droits et libertés, la politique et autres concernent autant, sinon plus, les femmes, alors qu’on les laisse parler.

L’indépendance du Québec ne saurait être un boy’s club. Voilà pourquoi j’aimerais voir une arrivée massive de femmes dans le mouvement indépendantiste : vous y avez droit, j’ai besoin de vous et on a tous et toutes besoin que vous mettiez la main à la pâte et que vous participiez par vos idées, vos paroles, vos espoirs et vos rêves à faire ce pays, sinon nous n’y arriverons jamais.

Merci à toutes celles qui ont pris le temps de lire ce texte. À celles qui se sentent interpellées, je vous attends, on vous attend et "que la dernière laisse la porte ouverte" !

Bonne Journée internationale des droits des femmes !

Jean-François Belley, un simple militant indépendantiste d’Option nationale

Jean-Francois Belley

Candidat de Québec solidaire dans Jacques-Cartier en 2014.

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