Accident tragique de l’histoire ? Non, et c’est là un des nombreux mythes qui entourent le sionisme et la création de l’État juif. En fait, on peut parler de deux séries de mythes : ceux qui concernent la genèse d’Israël et ceux qui entourent la réalité présente.
Dans la première catégorie, la Palestine des premiers moments de la colonisation sioniste est décrite comme « une terre sans peuple pour un peuple sans terre ». S’il est vrai que le peuple juif n’était nulle part souverain, il est faux de décrire la Palestine comme une terre vide : un peuple y vit et y a développé une agriculture et, depuis 1920, l’embryon d’une industrie.
Toujours dans la série des mythes liés à la genèse d’Israël, il y a la « fuite des réfugiés ». Les nouveaux historiens israéliens ont réglé le sort de ce colossal mensonge : les Palestiniens sont devenus un peuple de réfugiés à la suite d’une guerre de nettoyage ethnique dûment planifiée et non par une subite envie de quitter leur patrie pour les tentes des camps de l’ONU.
Quant aux mythes qui entourent la réalité de l’État juif, ils ont servi d’arrière-fond à une campagne de propagande depuis 50 ans dont on ne peut nier l’efficacité. Mentionnons-en trois.
D’abord qu’Israël est la seule démocratie au Proche-Orient. L’État d’Israël lui-même ne se définit pas comme une démocratie, mais comme un « État juif et démocratique ». La nuance est de taille : « État juif » implique un statut privilégié, inscrit dans les bases constitutionnelles et les lois de l’État, pour une communauté, au détriment des autres, ce qui est contradictoire avec le principe démocratique. L’accès à la terre et au droit de résidence ainsi que les lois concernant l’immigration ne sont pas les mêmes pour les citoyens juifs et arabes, qui jouissent de droits civiques identiques. Donc parler de démocratie est totalement inapproprié.
Autre mythe : Israël comme société égalitaire, voire comme exemple de socialisme démocratique, ce que confirmeraient les kibboutz et la place centrale de la Histadruth, institution unique au monde qui unit la confédération syndicale, le principal patron de l’industrie lourde, la seconde banque du pays, la sécurité sociale, la principale confédération sportive et bien d’autres choses encore. Le politologue Zeev Sternhel a réglé le cas de ce mythe en montrant que toutes ces institutions, y compris le collectivisme économique, n’étaient que des moyens – provisoires – pour mettre en place un État moderne par en haut, puisque les moyens pour un développement par le bas n’existaient pas…
Mythe aussi que « l’immigration spontanée » des Juifs des pays arabes qui, dans leur majorité, ont été contraints de quitter leur patrie par des manipulations – y compris des attentats perpétrés par les Services secrets sionistes – et des accords secrets avec les régimes arabes en place. Si les nouveaux historiens israéliens sont aujourd’hui connus à travers le monde, il n’en est pas de même des « nouveaux sociologues » et autres critiques de la société israélienne et de l’État qui ont permis une remise en question de ces mythes. Ce travail de recherche critique a largement contribué au développement de mouvements sociaux israéliens qui revendiquent un « Autre Israël », plus égalitaire et plus ouvert à l’Autre, qu’il soit Juif ou non.
Le combat pour un État démocratique et laïque est, après 60 ans d’existence d’Israël, plus nécessaire que jamais. Ce sera un combat commun judéo-arabe, un combat de remise en question des fondements sionistes. Si ce n’est pas le cas, Israël continuera à développer les caractéristiques d’un État d’apartheid.
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