Édition du 12 novembre 2024

Une tribune libre pour la gauche québécoise en marche

Luttes sociales

Sam Hamad, un ministre sous observation

Aide sociale : préjugés, réalité et questionnement

Les propos tenus par Sam Hamad en avril dernier démontrent à quel point les réalités de l’aide sociale sont ignorées ou volontairement omises pour laisser toute la place aux préjugés qui sont plus payants politiquement pour maintenir le statu quo et justifier les coupures de budget. Il faut avoir les reins solides et une motivation à toute preuve pour prendre la défense de ceux et celles qui sont à la fois les plus démuniEs et les plus honniEs de la société, car le mépris général rend la mobilisation des principaux intéressés très ardue.

Le 29 octobre se tenait une manifestation devant le bureau du député de Sam Hamad, ministre québécois de l’emploi et de la solidarité sociale, organisée conjointement par l’Association pour la défense des droits sociaux-Rive-sud et Québec-métro et l’organisme Rose du nord. Les revendications étaient les suivantes : la pleine indexation au coût de la vie de l’aide de dernier recours, avec un rétroactif depuis janvier 2005, ainsi qu’un barême plancher qui couvre les besoins essentiels. Cette manifestation a attiré quelques quarante personnes. Jeudi le 15 novembre, une rencontre avait lieu entre le Front commun des personnes assistées sociales et M. Hamad, dont l’objectif était de discuter les propos, indignes d’un ministre, qu’il avait tenus en avril dernier.

Il y a Bougons et Bougons !

Car leur réalité en est une de survie, malgré les soit-disant “avantages” en ce qui concerne les médicaments, soins des yeux et des dents ou autres, qui ne sont plus ce qu’ils étaient. En ce qui concerne la fraude ou le travail “au noir”, il faut savoir que le taux de fraude connu à l’aide sociale se situe autour de 1 à 3%, comme dans les autres ministères. Or, les enquêteurs assignés à ce ministère sont beaucoup plus nombreux que la moyenne. De plus, seules 13% des “fraudes” recensées en sont vraiment, le reste étant des erreurs de déclaration de bonne foi. Il semble donc très douteux de croire que la plupart des assistéEs sociaux connaissent très bien leurs droits et les failles possibles, à l’image des célèbres Bougons, quoi qu’en disent certains, qui connaissent quelqu’un qui connait quelqu’un...

Il est vrai qu’aujourd’hui, les particuliers assument plus de 70% du fardeau fiscal, alors que les entreprises, seulement 30%, en plus de recevoir des exemptions et des subventions plus que généreuses. Or, la productivité et les bénéfices des entreprises ont connu une hausse beaucoup plus importante que les salaires.

Capitalisme, temps de travail, écologie

Il est vrai aussi que le salaire minimum actuel et un emploi précaire avec des horaires atypiques, ce n’est pas très incitatif, même par rapport à une maigre prestation moyenne de 572$/mois, pour une personne dite sans contrainte à l’emploi. Et ce sera le cas tant que le salaire minimum sera aussi ridiculement bas, et tant que la plupart des nouveaux emplois seront créés dans la vente au détail, dans les services personnels, dans la restauration, etc. De plus, l’approche négative qui consiste à vouloir couper dans les “avantages” des assistéEs sociaux, au lieu de les étendre à toute personne qui gagne un revenu inférieur à un certain montant, est aussi contre-productive et elle perpétue la frustration des travailleurs et travailleuses envers les assistéEs sociaux.

Au-delà de ces considérations ne faudrait-il pas engager une réflexion globale sur la structure du capitalisme, sur la conception et l’organisation du travail dans ce système, sur les liens de tout cela avec "le taux d’employabilité", sur le rôle essentiel jouer par le chômage dans la perpétuation de ce système ?

Est-il farfelu de croire que la classe exploiteuse trouve toujours la main-d’oeuvre dont elle a besoin ? Est-il farfelu aussi de croire que dans un système dont le but est le profit, la combinaison entre augmentation de la population active et l’augmentation de la productivité grâce à la technologie, fait en sorte que le nombre d’excluEs ne peut qu’augmenter ? N’est-il pas évident que de tenter de créer de l’emploi en créant toujours plus de nouveaux produits, donc en stimulant la surconsommation, ne peut qu’aboutir à une situation écologique désastreuse ?

Au lieu de se demander hypocritement comment adapter et inclure à tout prix les excluEs à la structure économique actuelle, ne serait-il pas plus honnête de se demander comment modifier, ou même révolutionner, cette structure économique pour qu’elle réponde réellement
aux impératifs démocratiques auxquels nous souscrivons théoriquement ? Au lieu de viser le profit maximal, l’économie ne devrait-elle pas être structurée dans le but de déterminer, produire et répartir démocratiquement, équitablement et écologiquement la nourriture, les biens et les services dont nous avons besoin ? Ne peut-on faire ceci en mobilisant et en développant au mieux le potentiel de chacun et le potentiel technologique, par l’accès gratuit à l’éducation (et aux ressources nécessaires à un niveau de vie normal pendant les études, sans avoir à sacrifier des heures d’étude à un travail rémunéré), et par le contrôle public et démocratique des sciences et technologies ? Ne peut-on utiliser la technologie pour réduire le temps de travail au lieu de réduire le nombre de travailleurs ? Comment peut-on continuer de croire qu’il soit normal et justifié qu’une minorité accapare la plus grande partie des richesses et de la culture crées par la population ?

Mots-clés : Luttes sociales Québec
Franz Bisaillon

Membre du comité de rédaction de Presse-toi à gauche !

Militant de Québec Solidaire, étudiant en histoire à l’Université Laval, il a participé à la construction de l’UFP-U-Laval et millité durant la grève étudiante de 2004. Il travail présentement en entretien ménager.

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