Après une analyse plus approfondie de la réforme Drainville, déposée à l’Assemblée nationale par le ministre de l’Éducation Bernard Drainville il y a quelques semaines, la FAE estime qu’il s’agit d’une centralisation des pouvoirs et d’une augmentation du droit de gérance jamais vues dans le milieu de l’éducation. Cette réforme est un écran de fumée puisqu’avec ce projet de loi, le ministre Drainville donne l’impression qu’il s’occupe des vrais enjeux en éducation. Dans les faits, il ne fait que modifier des structures qui existent déjà. C’est sans compter que cette réforme précipitée et déconnectée du terrain est une attaque à l’autonomie des enseignantes et enseignants et qu’elle ne contient pas de solutions aux enjeux qui minent l’école publique depuis deux décennies.
« Avec ce projet de loi, Bernard Drainville s’ingère de façon détournée dans la négociation nationale, de laquelle il se désintéresse depuis des mois, en tentant d’imposer des formations continues aux enseignantes et enseignants. C’est inacceptable ! Si les profs se font retirer leur droit de choisir les « bonnes formations continues obligatoires », c’est leur autonomie professionnelle qui est en jeu. Les profs sont les mieux placés pour déterminer ce qui peut les aider à s’améliorer et chaque personne a des besoins différents, selon le milieu dans lequel évoluent leurs élèves. Une solution de formations continues uniques ou décidées par des bureaucrates ne sera jamais aussi utile qu’une solution choisie par et pour chaque individu », souligne la présidente de la FAE, Mélanie Hubert.
De plus, l’amélioration continue des pratiques est souvent invoquée par celles et ceux qui soutiennent l’idée que l’amélioration de l’école publique passe nécessairement par l’imposition de formations continues aux personnes enseignantes. Récemment, le ministre Drainville a déclaré qu’une modification de leurs pratiques améliorerait les résultats des élèves. Ainsi, a contrario, cette idée laisse croire que si ça va mal dans les écoles, c’est parce que les personnes enseignantes font un mauvais travail. « Les gestionnaires scolaires tendent trop souvent à faire passer les difficultés des élèves pour des difficultés du personnel enseignant. Inévitablement, la gestion axée sur les résultats, avec ses tonnes de rapports et de chiffres à fournir, signifie nécessairement un alourdissement de la tâche pour les profs. Les élèves ne peuvent être réduits à des variables statistiques qu’on peut manipuler à la hausse ou à la baisse avec des techniques managériales désincarnées », dénonce Mme Hubert.
L’enseignement à distance : un dernier recours qui n’en serait plus un
L’article 33 du projet de loi propose de réglementer la prestation de service éducatif à distance pour la formation générale des jeunes. Or, la littérature scientifique est claire à ce sujet : l’apprentissage à distance doit exister uniquement en dernier recours. Pourtant, le ministre Drainville pourrait désormais envisager ce type d’enseignement comme bon lui semble. La FAE craint des dérives liées à la pénurie de personnel et le manque d’espace dans les établissements.
La pandémie l’a démontré : le téléenseignement a mené à des situations déplorables où les droits des élèves, des enseignantes et enseignants, dont leur droit à la dignité, à la vie privée et à la sauvegarde de leur réputation, étaient mis à risque. Rien ne laisse croire que la réforme Drainville tienne compte de ces problèmes. La FAE s’inquiète qu’aucun encadrement ne soit prévu.
Un Institut dont personne n’a besoin
Un Institut national d’excellence en éducation viendrait, selon les recherches dites probantes, déterminer les « bonnes pratiques » pour l’enseignement, dont en matière de méthodes pédagogiques et de formations continues obligatoires du personnel enseignant. Concrètement, ceci implique qu’un seul institut centralisé se trouverait à dresser et à maintenir à jour une synthèse des connaissances scientifiques disponibles. Cet objectif est fondamentalement contradictoire avec l’une des finalités de la recherche scientifique, à savoir la libre production et le développement de connaissances. Or, la recherche en science de l’éducation est particulièrement foisonnante. Cette grande diversité reflète la réalité de la pratique enseignante et celle des établissements, lesquels offrent des situations variables pratiquement à l’infini et en constante évolution. Il va donc de soi que la diversité de la recherche, parfois contradictoire dans ses conclusions, est en fait bénéfique au monde de l’éducation.
Aucune solution aux enjeux de l’école publique !
En somme, la réforme Drainville répond au besoin de contrôle du ministre, et non aux besoins des élèves, ainsi que ceux des enseignantes et enseignants. « Les conditions d’apprentissage des élèves sont intimement liées aux conditions de travail et d’exercice du personnel enseignant. C’est donc par la négociation que les actions gouvernementales auront des effets concrets dans la classe. Pour réellement améliorer les résultats des élèves, il faut assainir la composition de la classe et offrir des conditions de travail décentes aux enseignantes et enseignants. Le ministre, par cette réforme, démontre qu’il ne comprend pas les vrais problèmes dans le réseau d’éducation. Il n’a pas l’expertise ni les capacités de gérer le réseau de l’éducation à partir de son bureau à Québec. Cette réforme témoigne d’un manque de vision de la part du gouvernement et indique que l’éducation n’est toujours pas la priorité de la Coalition Avenir Québec, contrairement à ce qu’a laissé entendre le premier ministre François Legault », conclut Mme Hubert.
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