Tiré de Courrier international.
Le Japon a emboîté le pas à huit autres pays, dont les États-Unis et la France, en suspendant lui aussi son aide à l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA), pilier de l’aide humanitaire à Gaza, prise dans la tourmente d’une polémique sur le possible rôle de certains de ses employés dans l’attaque du Hamas, le 7 octobre dernier, en Israël.
Vendredi 26 janvier, l’agence onusienne a déclaré, par la voix de son commissaire général, Philippe Lazzarini, avoir reçu des informations de l’État hébreu sur l’implication supposée de plusieurs de ses employés – douze, selon la presse – dans les attaques du groupe islamiste qui ont fait plus de 1 100 morts israéliens il y a près de quatre mois.
Dans la foulée, plusieurs pays ont annoncé la suspension de toute aide additionnelle à l’UNRWA. Les premiers à prendre cette décision ont été les États-Unis. Puis le Canada, l’Australie et l’Italie ont suivi, et, enfin, le Royaume-Uni, la Finlande, l’Allemagne, la France et le Japon.
“L’UNRWA est aux prises avec le Hamas”
Longtemps dans le viseur d’Israël, l’UNRWA – fondée en 1949 et au service aujourd’hui de 5,9 millions de personnes au Proche-Orient (Liban, Jordanie, Syrie…) – emploie 13 000 personnes à Gaza et constitue l’un des principaux acteurs sociaux et employeurs de l’enclave palestinienne (écoles, structures médicales, ramassage d’ordures, etc.), dont deux tiers des habitants sont des réfugiés.
Dans l’espoir de désamorcer la bombe, Philippe Lazzarini a affirmé le jour même avoir pris la décision “de mettre fin immédiatement aux contrats de ces membres du personnel et de lancer une enquête afin d’établir la vérité sans délai”.
Mais cela n’a pas empêché les suspensions des aides et, dans la presse israélienne et occidentale, même centriste, les soupçons de proximité avec le Hamas et les critiques à l’égard de l’agence se multiplient depuis.
“Le Hamas est le plus grand mouvement politico-socio-religieux et domine tous les aspects de la vie dans l’enclave côtière depuis près de dix-sept ans. L’UNRWA est aux prises avec le Hamas ; il ne pouvait en être autrement”, écrit ainsi Anshel Pleffer dans le quotidien israélien de centre gauche Ha’Aretz.
“Cette agence est la seule qui ne s’occupe que d’un peuple, et dans la bande de Gaza, elle n’a que très peu de personnel international […] Et l’on a souvent raconté que des enfants étaient éduqués à devenir des martyrs”, abonde de son côté le quotidien italien Corriere della Sera.
Selon des fuites des renseignements israéliens, relayées par The Financial Times, l’un des douze employés suspects aurait “kidnappé une femme, un autre saisi le corps d’un soldat tué, tandis qu’un troisième aurait participé aux combats près du kibboutz de Be’eri” entre le Hamas et les Israéliens.
“Neuf d’entre eux travaillaient comme enseignants dans des écoles gérées par l’UNRWA, selon une source proche des renseignements israéliens” citée par le quotidien britannique.
“La famine est désormais inévitable”
Mais au sein de l’ONU, parmi les pays arabes et dans la presse palestinienne, la décision de suspendre le financement est violemment critiquée. Certains médias y voient un complot israélo-américain pour démanteler une agence qui assure, selon eux, non seulement un rôle humanitaire capital mais préserve, de par son existence même, le droit rejeté par Israël au retour des réfugiés Palestiniens.
Il est “extrêmement irresponsable de sanctionner une agence et une communauté entière qu’elle sert en raison d’allégations d’actes criminels contre certains individus”, a réagi le directeur de l’UNRWA qui s’est dit choqué par la suspension des aides des neuf pays. “La plus haute autorité d’enquête du système des Nations unies a déjà été saisie de cette affaire très grave”, a assuré Philippe Lazzarini.
“La vie des habitants de Gaza dépend de ce soutien, tout comme la stabilité régionale”, a-t-il souligné, rapporte le site propalestinien situé aux États-Unis Electronic Intifada.
De son côté, Michael Fakhri, rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation, a fustigé la décision, affirmant que “la famine était déjà imminente” à Gaza. Mais avec cette “punition collective” infligée aux Gazaouis pour “les actions présumées d’un petit nombre d’employés”, a-t-il ajouté, “la famine est désormais inévitable”.
Parmi les pays arabes, l’Arabie saoudite, poids lourd régional, a de son côté exhorté “tous les donateurs de l’UNRWA à assumer leurs responsabilités […] humanitaires envers les réfugiés palestiniens à l’intérieur de la bande de Gaza assiégée”, rapporte le journal Asharq Al-Awsat.
“Armes de guerre”
Pour le site Electronic Intifada, il ne fait aucun doute : “Israël utilise plus que jamais la nourriture et d’autres produits de première nécessité comme armes de guerre.”
Même son de cloche du côté du journal palestinien Al-Quds, qui déplore, lui, une stratégie israélienne visant à démanteler l’UNRWA pour des raisons surtout politiques et à visée stratégique. “Il est impossible de séparer la décision rendue [le 26 janvier] par la Cour internationale de justice [qui n’a pas réclamé à Israël l’arrêt immédiat de l’opération militaire à Gaza] et l’offensive orchestrée par Israël et les États-Unis contre l’UNRWA, dont le but est de tenter de […] liquider l’agence onusienne et avec elle la question des réfugiés” palestiniens et de leur droit au retour, écrit le quotidien.
En effet, pour les Palestiniens, l’existence même de l’UNRWA atteste officiellement que leur déplacement reste une question en attente d’être résolue. De son côté, Israël estime qu’autoriser les réfugiés à entrer sur son territoire reviendrait à détruire l’État hébreu et accuse l’UNRWA de laisser croire aux Palestiniens qu’il s’agit d’une possibilité.
En juin dernier devant le Conseil de sécurité des Nations unies, l’ambassadeur d’Israël auprès de l’ONU, Guilad Erdan, a qualifié l’UNRWA d’“agence destructrice”. Et avait martelé : “L’UNRWA entretient chez les Palestiniens le mensonge selon lequel le monde soutient leur droit au retour. Que ce soit clair, il n’y a pas de droit au retour.”
Courrier international
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