Édition du 17 décembre 2024

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Prostitution

Prostitution : ce que nous savons du modèle nordique

On entend beaucoup parler dans les médias de trois modèles législatifs que le Canada pourrait adopter en matière de prostitution : la légalisation, l’interdiction et le modèle nordique. Si les noms des deux premiers parlent d’eux‑mêmes, le modèle nordique est un peu moins connu.

Qu’est-ce que le modèle nordique ?

Le modèle nordique, parfois appelé modèle suédois, est une approche situant la prostitution dans le continuum de la violence spécifique envers les femmes. C’est une approche qui criminalise l’achat de services sexuels et le proxénétisme mais décriminalise les personnes prostituées. C’est que qu’on appelle la criminalisation asymétrique. Ce modèle ne se résume pas à un cadre législatifs mais s’accompagne également de programmes de prévention de l’achat d’actes sexuels et la mise en place de ressources pour les femmes désirant quitter la prostitution. Le modèle nordique est appelé ainsi car le premier pays à la mettre en application fut la Suède en 1999, suivi de la Norvège et l’Islande en 2009. Il et présentement à l’étude dans divers pays d’Europe dont la France, l’Irlande, l’Angleterre et la Finlande.

Pourquoi choisir le modèle nordique ?

La Coalitions des femmes pour l’abolition de la prostitution et de nombreux organismes canadiens et internationaux préconisent l’adoption du modèle nordique par le Canada et ce, pour plusieurs raisons.

Parce que nous prônons l’égalité entre les femmes et les hommes

La prostitution est une pratique d’inégalité extrêmement genrée avec plus de 90% des personnes prostituées qui sont des femmes et plus de 90% des clients qui sont des hommes.

Parce que nous sommes contre une visée capitaliste de la société où tout se marchande

L’industrie du sexe est basée sur les inégalités sociales, dont la pauvreté. L’argent n’achète pas le consentement et constitue une relation de domination de celui qui paie pour obtenir une relation sexuelle d’une personne qui a besoin de cet argent pour vivre.

Parce que nous croyons à l’égalité des chances pour toutes les femmes

Le racisme est très présent dans l’industrie du sexe qui vend de l’exotisme et de la soumission et des stéréotypes. Les femmes racialisées et les femmes autochtones sont surreprésentées dans les formes de prostitution les plus déshumanisantes comme la prostitution de rue, la bestialité et le sado-masochisme.

Parce que nous sommes contre une simple approche de réduction des méfaits

On ne peut se contenter de réduire l’exploitation sexuelle. La réduction des méfaits, appliquée à la prostitution, cause d’importants ravages. À elle manque de visée à long terme et nuit, souvent, à la possibilité d’aider les personnes de sortir de la prostitution et à empêcher d’autres d’y entrer.

Parce que nous nous croyons en la prévention comme remède à l’impuissance.

La prévention, tant du recrutement que de l’achat d’actes sexuels, est une solution optimiste m ais réaliste qui a fait ses preuve à plus d’une reprise. Plutôt que de voir la prostitution comme une fatalité, il importe de faire évoluer les mentalités comme nous l’avons fait avec le viol et la violence conjugale.

MYTHES ET RÉALITÉ

MYTHE : Si la prostitution était légale, ce serait plus facile de lutter contre la traites humaine

Réalité : C’est plutôt le contraire. Dans les pays qui ont légalité la prostitution, l’industrie du sexe a pris de l’ampleur et est demeurée en grande partie caché puisque les proxénètes font plus d’argent ainsi. La traite humaine est aussi plus facile èa cacher dans un pays où la prostitution est légale.

MYTHE : Le modèle nordique n’aide pas les personnes prostituées.

RÉALITÉ  : C’est faux, au contraire, en Suède, la prostitution de rue a diminué de moitié après 10 ans d’application du modèle. Il y a moins de traite à des fin d’exploitation sexuelle dans les pays ayant adopté la criminalisation de l’achat d’actes sexuels. Il permet aux femmes victimes de traite d’être aidées plus rapidement et offre du soutien et des ressources à celles qui souhaitent sortir de l’industrie du sexe. Mais surtout, le modèle nordique prévient l’entrée des femmes dans la prostitution en changeant la vision que nous en avons (non, ce n’est pas « un métier comme un autre » ! et dissuade les hommes de payer pour des actes sexuels.

MYTHE : La violence envers les personnes prostituées a augmenté dans les pays qui ont adopté le modèle nordique.

RÉALITÉ  : C’est faux. La violence des hommes envers les femmes dans la prostitution est la même quelle que soient les lois et que la prostitution ait lieu à l’extérieur (dans la rue) ou à l’intérieur (en bordel). Tous les groupes, quelle que soit leur position sur la prostitution, de même que les juges de la Cour Suprême du Canada, reconnaissent que la prostitution est dangereuse pour les femmes. La violence st partie intégrante de la prostitution et on ne devrait pas se contenter de la diminuer mais bien de refuser complètement cette pratique. De plus, les pays ayant adopté le modèle nordique constatent que les femmes dénoncent les agresseurs car elles ne sont plus considérées comme des criminelles.

MYTHE : L’abolition de la prostitution est une utopie.

RÉALITÉ : Mais non !!! Adopter une position ou une législation abolitionniste ne signifie pas éradiquer la prostitution. Le viol, la pédophilie et le meurtre continuent d’exister malgré leur interdiction. Toutefois, interdire quelque chose par une loi contribue à imposer une norme sociale forte. Interdire l’achat de services sexuels envoie un message clair que le corps humain et la sexualité ne sont pas des biens marchands. Cela contribue à la réalisation d’une société réellement égalitaire.

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