Cette loi a été adoptée après des années de lutte et de dur labeur de la part de groupes de survivantes, de groupes d’intervention de première ligne et de féministes abolitionnistes de tous horizons qui souhaitaient voir l’État combattre activement l’exploitation sexuelle des femmes et des filles et non le voir l’encadrer ou pire, la légaliser.
Alors que la nouvelle loi met l’accent sur l’approche dite nordique, pour laquelle trois éléments sont essentiels - la prévention, la criminalisation de l’achat d’actes sexuels et le soutien à la sortie de la prostitution -, aucun de ces éléments n’a été vraiment pris en charge par les gouvernements. Différentes initiatives ont vu le jour - le projet CREATE à Winnipeg, les « John Schools » en Ontario et en Alberta, de nombreuses opérations visant les clients de la prostitution dans les provinces maritimes – mais le Québec, lui, est à la traine. En effet, La Presse soulignait récemment que seulement 56 clients ont été accusés d’achat de services sexuels entre décembre 2014 et le mois d’aout dernier. Pourtant, les salons de massages érotiques, les bars de danseuses et les agences d’escortes continuent d’opérer au vu et au su de toutes et tous…
Une Stratégie gouvernementale pour prévenir et contrer les violences sexuelles a été dévoilée le 28 octobre dernier par le gouvernement du Québec et, bien qu’elle promette de nouvelles mesures afin de lutter contre l’exploitation sexuelle, elle ne donne pas d’outils pérennes pour soutenir les femmes dans la prostitution. De fait, aucun organisme travaillant sur cette question n’a reçu de financement récurrent. La CLES fonctionne toujours par projets avec les aléas et l’insécurité que cela comporte. Une des mesures prometteuses, la mesure 20, laisse présager l’intention de mettre en place une aide financière d’urgence pour les femmes souhaitant sortir de la prostitution, mais ne donne aucun horizon pour son application, alors qu’il y a urgence. Les femmes fréquentant la CLES sont nombreuses à ne même pas connaître la loi et à être confrontées à divers obstacles lorsqu’elles tentent de quitter l’industrie du sexe. L’adoption récente d’une loi appauvrissant les femmes telle que la loi 70 nous inquiète profondément.
« Oui, la loi a un fort pouvoir normatif mais encore faut-il qu’elle soit connue, tout comme la nouvelle Stratégie doit prendre en compte l’ensemble des éléments du modèle nordique et offrir plus aux femmes » explique Diane Matte, fondatrice de la CLES. En ce sens, la CLES réclame un financement récurrent ; la mise en place de la mesure 20 dès que possible ; l’application de la loi sur la prostitution ainsi qu’une campagne de sensibilisation nationale sur l’impact de l’exploitation sexuelle sur la société, l’existence de la loi ainsi que les ressources qui viennent en aide aux victimes. Deux ans après l’entrée en vigueur de la loi, il serait plus que temps.
Éliane Legault-Roy
Responsable des communications
CLES :