D’emblée, l’APTS a salué la volonté du gouvernement de limiter la privatisation des soins offerts dans le réseau de la santé et des services sociaux (RSSS). « Nous sommes d’accord avec l’analyse selon laquelle une diminution du recours à la main-d’œuvre indépendante aura un effet positif sur les finances publiques », salue Robert Comeau, président de l’APTS.
Cependant, l’APTS considère que de graves oublis risquent de miner la capacité du gouvernement d’atteindre ses objectifs. « Avec le projet de loi 10, on met la charrue avant les bœufs. Pour en finir avec la dépendance aux agences de placement, il faut valoriser les professions de notre réseau public, améliorer les conditions de travail du personnel et lui assurer une conciliation famille-travail-vie personnelle harmonieuse. Il est urgent de briser le cercle vicieux de l’utilisation du privé le plus rapidement possible, sans quoi le recours à la sous-traitance sera toujours aussi important, voire plus grand, en 2026 », prévient le président de l’APTS.
L’APTS a présenté une dizaine de recommandations visant à resserrer la gouvernance ainsi que la reddition de compte à laquelle sera soumis·e le·la ministre de la Santé dans la supervision du rôle des agences. Elle a également mis en lumière l’angle mort du projet de loi en ce qui concerne les « services achetés », porte grande ouverte au secteur privé, particulièrement pour les services offerts par le personnel professionnel et technique.
Pour une gouvernance et une reddition de compte transparentes
L’APTS est très préoccupée de voir le PL 10 concentrer les responsabilités liées à l’encadrement de la main-d’œuvre indépendante (MOI) entre les mains du·de la ministre de la Santé, en procédant par règlement pour établir les paramètres du recours aux agences, sans l’astreindre à un exercice de reddition de compte devant les parlementaires. C’est pourquoi l’organisation recommande, entre autres, d’inclure les modalités prévues par règlement dans le projet de loi.
« Pour apprécier ce projet de loi à sa juste valeur, il est nécessaire que les circonstances exceptionnelles permettant un recours aux agences de placement soient débattues par les parlementaires. Nous proposons aussi que les établissements du RSSS soient audités tous les trois ans, que le·la ministre rende des comptes annuellement en commission parlementaire et, finalement, que les pouvoirs d’enquête soient confiés à la personne vérificatrice générale afin d’éviter toute apparence de conflit d’intérêts », explique M. Comeau.
Les services achetés dans l’angle mort du PL 10
Pour le principal syndicat du personnel professionnel et technique, il est tout aussi nécessaire de s’attaquer aux services achetés par les établissements du RSSS à des fournisseurs privés, comme les cliniques de radiologie ou les laboratoires privé·e·s. Près de 200 M$ ont été consacrés aux services achetés en 2021-2022, uniquement pour les plateaux techniques. Cela constitue un angle mort très problématique dans le plan de transition pour guérir le réseau de sa dépendance au secteur privé.
« Le privé vampirise notre réseau et se fait du profit sur le dos des gens en attente d’examens ou de diagnostics. On ne peut s’en affranchir en fermant la porte aux agences tout en laissant l’entrée de service ouverte pour les laboratoires et les cliniques d’imagerie médicale privé·e·s. Il faut cesser d’engraisser un système parallèle et investir dans nos services publics pour assurer l’accessibilité et la qualité des soins auxquelles la population québécoise est en droit de s’attendre », insiste Robert Comeau.
Rappelons qu’en six ans, les sommes investies à la grandeur du Québec pour embaucher de la MOI dans la catégorie du personnel professionnel et technique (catégorie 4) ont été décuplées. Le coût total qui lui est consacré dans la catégorie 4 est passé de 7,7 M$ en 2015-2016 à 89 M$ en 2021-2022. Les dépenses pour services achetés sont passées d’un peu plus de 100 M$ à 200 M$ pour la même période.
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