Édition du 19 novembre 2024

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Pourquoi le gouvernement Charest s’entête-t-il à refuser une enquête publique ?

Mardi 8 décembre 2009

Les scandales succèdent aux scandales. Les médias découvrent chaque jour de nouvelles affaires dans lesquelles se manifeste la collusion entre des politiciens au pouvoir à tous les niveaux et les affairistes pour se partager l’argent public !

On savait déjà que l’ancien ministre de la Santé, Philippe Couillard, avait démissionné pour rejoindre une entreprise de santé privée. Comme ministre, il avait facilité l’introduction du privé dans la santé et promu les PPP dans la construction de Centres hospitaliers. Un ministre, David Whissel, a dû démissionner. Le ministère des Transports aurait outrepassé ses propres directives pour accorder un contrat à sa compagnie d’asphaltage. Le député libéral de Rivière du Loup Jean d’Amour se retire du caucus libéral du Québec pour avoir reçu une contribution politique potentiellement illégale destinée à un candidat à la mairie. Des contributions au PLQ ont été faites pour remercier le parti au pouvoir de l’obtention d’un permis par les propriétaires d’une garderie privée ; sans parler des contrats gonflés, des trucages dans les appels d’offres ou tout simplement sans appel d’offres… Et ce n’est là que la pointe de l’iceberg de la corruption.

Le souffle de l’indignation parcourt la majorité de la société québécoise.

Une majorité de la population du Québec est de plus en plus indignée de cette situation. Huit Québécois-e-s sur dix veulent une enquête publique. Cette demande vient de tous les côtés. Tous les partis d’opposition la réclament. Les responsables de municipalités, l’Association professionnelle des ingénieurs du Québec, l’Ordre des ingénieurs, le Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec, la CSN, la CSD toutes ces organisations qui peuvent constater la corruption, car elles la côtoient quotidiennement s’indignent et demandent une enquête publique. Enfin, comme pour isoler encore davantage le gouvernement Charest, l’Association des policiers provinciaux et l’Association des procureurs de la Couronne ont réclamé elles aussi une telle enquête, car le travail policier ont affirmé ces organisations est tout à fait insuffisant pour faire face à la situation actuelle.

Le gouvernement Charest est prêt à payer un fort coût pour son entêtement à refuser une enquête publique

Le gouvernement Charest s’entête. Pourquoi ? Il fait l’analyse qu’il sera moins coûteux politiquement pour lui de faire face à la grogne et au mécontentement populaire que de faire face aux possibles retombés d’une enquête publique qui le frapperait de plein fouet. Quand on sait que la grogne populaire a jusqu’ici signifié 10 points de reculs dans les intentions de vote en défaveur du PLQ depuis juin dernier, que le taux d’insatisfaction à l’égard du gouvernement est maintenant de 60 % et que le Parti québécois est passé en tête dans les intentions de vote et qu’il pourrait former un gouvernement majoritaire, on peut jauger à la lumière du prix qu’il est prêt à payer pour refuser une telle enquête de l’ampleur des craintes face aux retombées qu’il estime qu’il devrait payer si une telle enquête avait lieu. Ces retombées seraient plus importantes jugent sans doute les stratèges du PLQ que la Commission Gomery l’a été pour le Parti libéral du Canada qui est encore en reconstruction.

La rhétorique libérale n’est qu’une piteuse parade.

Le gouvernement libéral du Québec prétend combattre la corruption par la mise sur pied d’une enquête policière, l’opération Marteau et par le resserrement des mécanismes de l’attribution des contrats. Il prétend que la corruption ne vient que d’éléments criminels ou d’individus corrompus. Il essaie de faire croire que la lutte contre la corruption peut se réduire à la poursuite d’individus fautifs. Mais, on sait bien que la corruption se situe souvent à la frontière de la criminalité ; que la collusion et le népotisme sont le produit d’un système qui permet aux affairistes de trouver les amis et les puissants bien placés pour « reconnaître leurs expertises » et leur accorder de juteux contrats.

La lutte citoyenne contre la corruption est indispensable !

C’est tout un système de collusion sur lequel il faut tourner les projecteurs d’une enquête publique si on veut remettre en question une logique systémique et non seulement épingler quelques éléments trop gourmands du monde interlope. Ce sont les rapports de services mutuels entre les affairistes et les élites politiques qu’il faut éclairer pour montrer que le financement des partis politiques appelle souvent des retours d’ascenseur profitables pour les amis du régime. Les règles balisant le financement privé des partis politiques est largement contourné par nombre d’entreprises et ce sont ces mœurs qui pourrissent le fonctionnement démocratique et qui délégitiment les institutions qu’il faut dénoncer pour reconstruire des règles permettant de restaurer une véritable démocratie et le contrôle citoyen sur leurs représentants-e-s.

Mots-clés : Québec
Bernard Rioux

Militant socialiste depuis le début des années 70, il a été impliqué dans le processus d’unification de la gauche politique. Il a participé à la fondation du Parti de la démocratie socialiste et à celle de l’Union des Forces progressistes. Militant de Québec solidaire, il participe au collectif de Gauche socialiste où il a été longtemps responsable de son site, lagauche.com (maintenant la gauche.ca). Il est un membre fondateur de Presse-toi à gauche.

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