D’entrée de jeu, Socrate soulève l’interrogation suivante : « Pour nous, qu’est-ce que la loi ? » (313a). Par « [p]our nous », il faut entendre les deux seuls interlocuteurs du dialogue, à savoir Socrate et un disciple non identifié. Deux points de vue s’expriment en conséquence, c’est-à-dire celui en vertu duquel il existerait une seule définition de la loi, et celui plutôt relatif attribué au disciple pour qui la loi est changeante selon les cités.
Le texte comporte quatre parties : premièrement, un prologue où est discuté la définition de la loi : « Pour nous, qu’est-ce que la loi ? » (313a-b) ; deuxièmement, une première définition (313b-314c) selon laquelle, pour le disciple, il s’agit de « ce qui est reconnu comme légal » (313b) ; troisièmement, une deuxième définition (314c-315a), à savoir « la loi, c’est une décision prise par la cité » (314c), bien que pourtant les lois divergent d’une cité à l’autre ou ont un caractère instable au sein d’une même cité. Qu’est-ce qui peut bien expliquer ces divergences ? Socrate avance la réponse suivante : les divergences sont le résultat de l’incompétence humaine (315d-317d) et, en ce sens, la loi doit être instituée par la personne experte (317d-318c), c’est-à-dire le roi (318a). Ainsi, les rois Minos et Rhamadante (les fils de Zeus et d’Europe) sont cités en exemple par Socrate (318c-321b), puisque correspondant à de « bons rois » (318d). Et quatrièmement, la conclusion (321b-d) selon laquelle Minos et Rhamadante « ont donc été, parmi les plus anciens, les plus éminents législateurs, pasteurs et bergers d’hommes, pour faire comme Homère qui qualifie le bon chef d’armée de « berger de peuple » » (321b-c).
Si la loi doit être instituée par des personnes expertes, soit de « bons rois », cela donne effectivement du poids pour dire qu’il existe différentes lois selon les cités, dans le sens où ces dernières sont articulées en fonction de celui ou celle qui dirige chacune d’elles, d’où alors un caractère plutôt relatif des lois. Or, ne pourrait-il pas y avoir une loi qui les domine toutes ? Une loi ou une constitution jugée la meilleure pour les guider ? C’est pourtant ce que Platon aspirait à découvrir en songeant notamment à son écrit Les lois — et pourquoi ne pas nommer aussi La République —, pour ainsi aboutir vers la cité idéale, la cité juste et vertueuse, en sachant agir sur les conduites humaines de manière à créer des citoyens dignes. En ce sens, il y existerait un archétype de la loi duquel découle les lois manifestées au sein des diverses cités, ce qui signifie que le relatif prend sa source dans un absolu idéalisé ou rendant réelle cette idéalisation, malheureusement interprété de mauvaises façons par des hommes imparfaits, voire incompétents. Il y aurait donc dans la loi une essence singulière voire même divine à retrouver et à rechercher.
Ce dialogue est toutefois un texte apocryphe. Doit-on alors s’attarder plus longuement sur un tel document attribué à Platon ? Nous ne le croyons pas.
Guylain Bernier
Yvan Perrier
25 septembre 2022
yvan_perrier@hotmail.com
Références
Dixsaut, Monique. 1998. « Platon ». Dans Dictionnaire des philosophes. Paris : Encyclopaedia Universalis/Albin Michel.
Platon. 2020. « Minos ou Sur la loi ; genre politique ». Dans Luc Brisson (Dir.), Platon oeuvres complètes. Paris : Flammarion, p. 1091-1104.
Sans auteur. 2014. Écrits attribués à Platon. Paris : GF Flammarion, p. 271-302.
Un message, un commentaire ?