Avec une perte de 11,2%, la social-démocratie essuie sa plus grave défaite à une élection législative depuis la fin de la guerre, son score de 23% étant le plus faible depuis 1949. Elle a perdu 4,5 millions de voix sur 45 millions de votants, dont 1,6 million ont été du côté de l’abstention, 780 000 à Die Linke, 710 000 aux Verts et 620 000 au CDU. Elle est la première responsable du nouveau record d’abstention (70,8% de votants). Avec ce score, la social-démocratie allemande est retombée dans le « ghetto des 30% », dont Willy Brandt l’avait sortie en 1972. Dès le soir des élections, la jeunesse social-démocrate a réclamé un changement de cap.
Il paraît assez évident que le SPD va chercher une ouverture vers des coalitions avec Die Linke à tous les niveaux. Son plus grand obstacle à une perspective d’alliance SPD–Die Linke–Verts au niveau fédéral sera l’orientation en politique extérieure de Die Linke : dans une situation de normalité politique, c’est-à-dire de domination politique bourgeoise, il est pratiquement exclu qu’un parti contre l’Otan participe à un gouvernement. Pour intégrer une telle alliance et accéder au gouvernement fédéral, Die Linke devra, comme les Verts l’ont déjà fait, changer sa position en la matière. Il faut donc s’attendre à des conflits sur cette question au sein de Die Linke.
Les libéraux enregistrent, avec 14,6%, leur meilleur résultat depuis 1949. Leurs fiefs se situent surtout dans le sud de l’Allemagne (Baden-Württemberg, Bavière), c’est à dire dans les régions les moins touchées par le chômage. Ils ont profité d’un transfert tactique de voix des chrétiens-démocrates vers eux, surtout en Bavière. Ainsi le CSU, parti-État chrétien-démocrate de Bavière, en déclin continu, n’a rapporté que 41% des voix.
Le prochain parlement fédéral sera donc divisé en deux camps : le camp bourgeois et le camp oppositionnel composé du SPD, de Die Linke et des Verts. Cette constellation pourrait être l’occasion de formuler une alternative politique et sociale avec une opposition qui mérite ce nom et se manifeste dans les luttes syndicales et les mouvements sociaux à la hauteur des attaques.
Die Linke pourrait prendre la tête d’une telle orientation si elle n’était pas elle-même divisée entre une aile (surtout à l’est) qui conçoit la politique au sens institutionnel traditionnel et ne ferait qu’administrer la crise du capitalisme et une minorité mal organisée et écartelée qui veut sortir du capitalisme. Tout dépendra de la reprise du terrain de la lutte par les organisations syndicales.
Angela Klein